R1887
Édition Pierre Desrey de Troyes [1]
I
-
On ne scaurait de maulvaise raison
Bonne chançon bien faire ne chanter
Par quoy je doy en chascune saison
- A ceste chose bien souvent mediter,
Car present voyz la terre d'oultre mer
Pour declinrer en si grande souffrance
Qu'en ma chançon supply au roy de France
- Qu'i ne croye nulz couars pour abreger
Pour son injure dessus les Turcqz venger.
II
Tresnoble roy, quant Dieu vous fist croiser,
Toute L’Egipte doubta vostre renom,
- Mais tout perdez puis que voulez laisser
Jherusalem, cité d’excellent nom,
Car quant Dieu fist de vous election,
Maistre et seigneur feustes de sa vengence,
- Dont bien debvez monstrer vostre puissance
Vengant l’honneur du benoist crucifix
Et de tous ceulx qui pour vous sont occis
III
Vous scavez, roy, ce que avez entreprins,
- Pourtant veullez vostre honneur bien garder,
Assez voyez les vostres mors ou prins
Et nul, fors vous, ne les scauroit ayder.
Si debvez bien a ce faict regarder
- Et en ce lieu faire encor demourance ;
Gardez vous bien de y faire defaillance
Ou les martirs, pour vray certainement,
S’en plaindront tous au jour du jugement.
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IV
- Assez avez tresor d’or et d’argent
Plus que nul aultre, sire, m’est advis,
Pourtant, soyez songneux et diligent
De demourer pour garder le pays,
- Car vous avez plus perdu que conquis,
Pour quoy sera grant vergongne a oultrance
De retorner sans aultre demonstrance.
Demourez doncq, monstrant vostre vigueur
- Tant que François recouvrent leurs honneur.
V
Et vous prelatz, qui debvriez departir
Grandes aulmosnes pour Dieu nostre seigneur,
Moult estes prestz pour vous d’icy partir
- Et delaisser tous les aultres en douleur,
Avez vous point quelque pitié au cueur
De veoir les povres en si grande penance
Et les laisser sans nulle recouvrance ?
- L’ung est occis, et l’aultre prisonnier
Et vostre grace leurs voulez degnyer.
VI
Ha! Noble conte, tant preux, hardy et fier,
Pour Ambigeois et Provence tenir
- Pas ne deussiez ainsi vous deffier
Mais vostre honneur accroistre et maintenir.
Le roy et vous deussiez entretenir
Les crestiens en ce pays estrange,
- Mais vous perdez toute gloire et louenge
Vous qui avez ung bruyt si hault et cher,
Ne vous laissez lascheté reprocher.
E
Prince, seigneur et souverain de France.
- Qui cy laissez les vostres en souffrance,
En aultre lieu ne serchez los ne pris
Se vous laisser ce que avez entreprins.
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[1] Publiée à
Paris, 1500. Reproduit par Lucien Scheler dans « L'édition originale du chevalier au cygne et de Godefroy de Bouillon »,
Bibliothèque
d'Humanisme et Renaissance IV (1944), p. 419-426.
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