Ce gentil homme, pour l’amour de son cappitaine, se trouva
en ceste terre où estoit arrivée la contesse
d’Arande; et, en regardant la beaulté et bonne grace
de sa fille Floride, qui, pour l’heure, n’avoit que douze
ans, se pensa en luy-mesmes quec’estoit
bien la plus honneste personne qu’il avoit jamais veue,
et que, s’il povoit avoir sa bonne grace, il en seroit plus
satisfaict que de tous les biens et plaisirs qu’il pourroit
avoir d’une autre.
discours indirect
(se) penser
indicatif passé simple
sujet-verbe
Amadour
indéterminé
monologale
assertion
lignes 56-60
Et, après l'avoir longuement regardée, se
delibera de l'aymer, quelque impossibilité que
la raison luy meist au devant, tant pour la maison dont
elle estoit, que pour l'aage, qui ne povoit encores entendre
telz propos.
discours indirect libre
s. o.
s. o.
s. o.
Amadour
indéterminé
monologale
assertion / incitation
lignes 60-63
Mais contre ceste craincte se fortisfioit d’une bonne esperance,
se promectant à luy-mesmes que le temps
et la patience apporteroient heureuse fin à ses labeurs.
discours indirect
se promettre
participe présent
s. o.
Amadour
indéterminé
monologale
promesse
lignes 63-66
Et, dès ce temps, l’amour gentil qui, sans occasion
que par force de luy mesmes, estoit entré au cueur
d’Amadour, luy promistde luy donner toute faveur
et moyen pour y attaindre.
discours indirect
promettre
indicatif passé simple
sujet-verbe
Amour
Amadour
dialogale
promesse
lignes 95-98
A quoy voluntiers elle presta l’oreille; et, pour ce qu’il
estoit pauvre et son pere riche, pensaquejamais il ne s’accorderoit à ce mariage, sinon
par le moyen de la contesse d’Arande.
discours indirect
penser
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
Avanturade
indéterminé
monologale
assertion
lignes 99-104
Dont s’adressa à madame Floride et luy dist :
« Ma dame, vous voyez ce gentil homme castelain qui si
souvent parle à moy; je croy que toute sa pretente
n’est que de m’avoir en mariage. Vous sçavez quel
pere j’ay, lequel jamais ne s’y consentira, si, par la contesse
et par vous, il n’en est bien fort prié. »
discours direct
dire
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
Avanturade
Floride
dialogale
assertion
lignes 104-106
Floride, qui aymoit la damoiselle comme elle-mesme, l’asseurade prendre ceste affaire à cueur comme son bien
propre.
discours indirect
assurer
indicatif passé simple
sujet-verbe
Floride
Avanturade
dialogale
promesse
lignes 110-113
car, combien qu'elle n'eust que douze ans si avoit-elle
desja bien entendu qu'il n'y avoit homme en l'Espaigne
mieulx disant ce qu'il vouloit et de meilleure grace.
discours indirect
entendre
indicatif plus-que-parfait
verbe-sujet
indéterminé
indéterminé
monologale
assertion / rumeur
lignes 113-119
Et, voyant qu’il ne luy tenoit nul propos, commencea à
luy dire : « La renommée que vous
avez, seigneur Amadour, par toutes les Espaignes, est telle,
qu’elle vous rend congneu en toute ceste compaignie, et
donne desir à ceulx qui vous congnoissent de s’employer
à vous faire plaisir; parquoy, si en quelque endroict
je vous en puis faire, vous me y pouvez emploier. »
discours direct
dire
infinitif présent
s. o.
Floride
Amadour
dialogale
assertion / éloge
lignes 119-121
Amadour, qui regardoit la beaulté de sa dame, estoit
si très ravy, que à peyne luy peut-il diregrand mercy;
discours indirect
dire
infinitif présent
s. o.
Amadour
Floride
dialogale
remerciement
lignes 125-135
Amadour, cognoissant la vertu qui en si grande ieunesse
commençoit à se monstrer en Floride, dist
à celle qu’il vouloit espouser : « Ne
vous esmerveillez poinct si j’ay perdu la parolle devant
madame Floride; car les vertus et la saige parolle qui sont
cachez soubz ceste grande jeunesse m’ont tellement estonné,
que je ne luy ay sceu que dire. Mais je vous prie, Avanturade,
comme celle qui sçavez ses secretz, me dire s’il
est possible que en ceste court elle n’ayt tous les cueurs
des gentils hommes; car ceulx qui la congnoistront et ne
l’aymeront, sont pierres ou bestes. »
discours direct
dire
indicatif passé simple
sujet-verbe
Amadour
Avanturade
dialogale
assertion / incitation
lignes 131-135
Mais je vous prie, Avanturade, comme celle qui sçavez
ses secretz, me dires’il est possible que en
ceste court elle n’ayt tous les cueurs des gentils hommes;
car ceulx qui la congnoistront et ne l’aymeront, sont
pierres ou bestes. »
discours indirect
dire
infinitif présent
s. o.
Amadour
Avanturade
dialogale
interrogation
lignes 135-143
Avanturade, qui desja aymoit Amadour plus que tous les
hommes du monde, ne luy voulut rien celer, et luy distquemadame Floride estoyt aymée de tout
le monde; mais, à cause de la coustume du pays,
peu de gens parloient à elle; et n’en avoit poinct
encores veu nul qui en feist grant semblant, sinon deux
princes d’Espaigne, qui desiroient de l’espouser, l’un desquels
estoit le fils de l’Infant Fortuné, l’aultre estoit
le jeune duc de Cardonne.
discours indirect
dire
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
Avanturade
Amadour
dialogale
assertion / explication
lignes 135-143
Avanturade, qui desja aymoit Amadour plus que tous les
hommes du monde, ne luy voulut rien celer, et luy dist
que madame Floride estoyt aymée de tout le monde;
mais, à cause de la coustume du pays, peu de gens
parloient à elle; et n’en avoit poinct encores veu
nul qui en feist grant semblant, sinon deux princes d’Espaigne,
qui desiroient de l’espouser, l’un desquels estoit le fils
de l’Infant Fortuné, l’aultre estoit le jeune duc
de Cardonne.
discours indirect
dire
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
Avanturade
Amadour
dialogale
assertion / explication
lignes 143-144
« Je vous prie,
dist Amadour, dictes-moy lequel vous pensez qu’elle ayme
le mieulx ?
discours direct
dire
indicatif passé simple
verbe-sujet
Amadour
Avanturade
dialogale
assertion / incitation
lignes 144-161
– Elle est si saige,dist Avanturade, que
pour riens elle ne confesseroit avoir autre volunté
que celle de sa mere; toutesfois, ad ce que nous en debvons
juger, elle ayme trop mieulx le filz de l’Infant Fortuné,
que le jeune duc de Cardonne. Mais sa mere, pour l’avoir
plus près d’elle, l’aymeroit mieulx à Cardonne.
Et je vous tiens homme de si bon jugement, que, si vous
voulliez, dès aujourd’hui, vous en pourriez juger
la verité; car le filz de l’Infant Fortuné
est nourry en ceste court, qui est un des plus beaulx et
parfaicts jeunes princes qui soit en la Chrestienté.
Et si le mariaige se faisoit, par l’opinion d’entre nous
filles, il seroit asseuré d’avoir madame Floride,
pour veoir ensemble le plus beau couple de toute l’Espaigne.
Il fault que vous entendiez que, combien qu’ilz soient tous
deux jeunes, elle de douze, et luy de quinze ans, si a-il
desja trois ans que l’amour est commancée; et, si
vous voulez avoir la bonne grace d’elle, je vous conseille
de vous faire amy et serviteur de luy.
discours direct
dire
indicatif passé simple
verbe-sujet
Avanturade
Amadour
dialogale
assertion / explication
lignes 172-182
La guerre recommencea en Languedoc, et fallut que Amadour
retournast avecques le gouverneur; qui ne fut sans grand
regret, car il n’y avoit moyen par lequel il peust retourner
en lieu où il peust veoir Floride; et pour ceste
occasion, à son partement, parla à ung sien
frere, qui estoit maieurdonne de la Royne d’Espaigne, et
luy dist le bon party, qu’il avoit trouvé en la maison
de la contesse d’Arande, de la damoiselle Avanturade, luy
priantqueen son absence feist tout son
possible que le mariaige vint à execution, et qu’il
y employast le credit de la Royne, et du Roy, et de tous
ses amys.
discours indirect
prier
participe présent
s. o.
Amadour
le majordome de la reine Espagne
dialogale
assertion / incitation
lignes 182-184
Le gentil homme qui aymoit son frere, tant pout le lignaige
que pour ses grandes vertuz, luy promisty faire
son debvoir;
discours indirect
promettre
indicatif passé simple
sujet-verbe
le majordome de la reine d'Espagne
Amadour
dialogale
promesse
lignes 207-211
Et combien que à l’heure il n’eust que vingt deux
ans, il estoit si saige que la contesse d’Arande luy communicquoit
tous ses affaires, et commandoità
son filz et à sa fille de l’entretenir et croire
ce qu’il leur conseilleroit.
discours indirect
commander
indicatif imparfait
(sujet)-verbe
la comtesse d'Arande
le fils et la fille de la comtesse d'Arande
dialogale
assertion / incitation
lignes 245-247
Il fut bien venu d’un chascun, et commanda la contesse
qu’il fut traicté comme son propre filz.
discours indirect
commander
indicatif passé simple
verbe-sujet
la comtesse d'Arande
indéterminé
dialogale
assertion / incitation
lignes 271-278
Ceste Poline, ayant entenducomme Amadour avoit
mené l’amour à Barselonne et à Parpignan,
en sorte qu’il estoit aymé des plus belles et
honnestes dames du païs, et, sur toutes, d’une contesse
de Palamos, que l’on estimoit la premiere en beaulté
de toutes les dames d’Espaigne et de plusieurs aultres,
luy dist qu’elle avoit grande pitié de luy, veu que
après tant de bonnes fortunes, il avoit espouzé
une femme si layde que la sienne.
discours indirect
entendre
participe passé
s. o.
indéterminé
Poline
monologale
assertion / rumeur
lignes 271-278
Ceste Poline, ayant entendu comme Amadour avoit mené
l’amour à Barselonne et à Parpignan, en sorte
qu’il estoit aymé des plus belles et honnestes dames
du païs, et, sur toutes, d’une contesse de Palamos,
que l’on estimoit la premiere en beaulté de toutes
les dames d’Espaigne et de plusieurs aultres, luy distqu’elle avoit grande pitié de luy, veu que après
tant de bonnes fortunes, il avoit espouzé une femme
si layde que la sienne.
discours indirect
dire
indicatif passé simple
sujet-verbe
Poline
Amadour
dialogale
assertion
lignes 278-280
Amadour, entendant bien par ces parolles qu’elle
avoit envye de remedier à sa necessité,
luy en tint les meilleurs proposqu’il fut possible,
pensant que, en luy faisant acroyre une mensonge, il luy
couvriroit une verité.
discours indirect
entendre
participe présent
s. o.
indéterminé
Amadour
dialogale
assertion
lignes 278-282
Amadour, entendant bien par ces parolles qu’elle avoit
envye de remedier à sa necessité, luy en tint
les meilleurs propos qu’il fut possible, pensant que,en luy faisant acroyre une mensonge, il luy couvriroit
une verité.
discours indirect
penser
participe présent
s. o.
Amadour
indéterminé
monologale
assertion
lignes 289-296
mais ce n’estoit-ce sans grande peyne au gentilhomme, auquel
Floride, ignorant toutes ces malices, s’adressoit souvent
devant Poline si priveement qu’il avoit une merveilleuse
peyne à contraindre son regard contre son cueur;
et, pour eviter qu’il n’en vint inconvenient ung jour, parlant
à Floride, appuyé sur une fenestre, luy tint
tel propos : « M’amye, je vous supplie me
conseiller lequel vault mieulx parler ou mourir ? »
discours direct
tenir propos
indicatif passé simple
sujet)-verbe
Amadour
Floride
dialogale
interrogation
lignes 296-300
Floride luy respondit promptement : « Je
conseilleray tousjours à mes amys de parler, et non
de morir; car il y a peu de parolles qui ne se puissent
amender, mais la vie perdue ne se peult recouvrer.
discours direct
répondre
indicatif passé simple
sujet-verbe
Floride
Amadour
dialogale
assertion / incitation
lignes 300-303
–Vous me promectrez doncques, dist Amadour,
que vous ne serez non seullement marrye des propos que
je vous veulx dire, mais estonnée jusques à
temps que vous entendiez la fin ? »
discours direct
dire
indicatif passé simple
verbe-sujet
Amadour
Floride
dialogale
interrogation
lignes 300-303
– Vous me promectrez doncques, dist Amadour, que
vous ne serez non seullement marrye des propos que je vous
veulx dire, mais estonnée jusques à temps
que vous entendiez la fin ? »
discours indirect
promettre
indicatif futur simple
verbe-sujet
Floride
Amadour
dialogale
promesse
lignes 303-305
Elle luy respondit : « Dictes ce qu’il vous
plaira; car, si vous m’estonnez, nul autre ne m’asseurera.
»
discours direct
répondre
indicatif passé simple
verbe-sujet
Floride
Amadour
dialogale
assertion / incitation
lignes 305-364
Il commencea à luy dire : « Ma dame, je
ne vous ay encores voulu dire la très grande affection
que je vous porte, pour deux raisons : l'une, que j'entendois
par long service vous en donner l'experience; l'autre, que
je doubtois que vous estimissiez gloire en moy, qui suis
ung simple gentil homme, de m'addresser en lieu qu'il ne
m'appartient de regarder. Et encores, quant je serois prince
comme vous, la loyaulté de vostre cueur ne permectroit
que aultre que celluy qui en a prins la possession, filz
de l'Infant Fortuné, vous tienne propos d'amityé.
Mais, ma dame, tout ainsy que la necessité en une
forte guerre contrainct faire le degast de son propre bien,
et ruyner le bled en herbe, de paour que l'ennemy n'en puisse
faire son proffict, ainsi prens-je le hazard de advancer
le fruict que avecq le temps j'esperois cueillir, pour garder
que les ennemys de vous et de moy n'en peussent faire leur
proffict à vostre dommaige. Entendez, ma dame, que,
des l'heure de vostre grande jeunesse, je me suis tellement
dedié à vostre service, que je n'ay cessé
de chercher les moyens pour acquerir vostre bonne grace;
et, pour ceste occasion seulle, me suis maryé à
celle que je pensoys que vous aymiez le mieulx. Et sçachant
l'amour que vous portiez au filz de l'Infant Fortuné,
ay mis peine de le servir et hanter comme vous sçavez;
et tout ce que j'ay pensé vous plaire, je l'ay cherché
de tout mon pouvoir. Vous voyez que j'ay acquis la grace
de la contesse vostre mere, et du conte vostre frere et
de tous ceulx que vous aymez, tellement que je suys en ceste
maison tenu non comme serviteur, mais comme enffant; et
tout le travail que j'ay prins il y a cinq ans, n'a esté
que pour vivre toute ma vie avecq vous. Entendez, ma dame,
que je ne suys poinct de ceulx qui pretendent par ce moyen
avoir de vous ne bien ne plaisir autre que vertueux. Je
sçay que je ne vous puis espouser; et, quand je le
pourrois, je ne le vouldrois, contre l'amour que vous portez
à celluy que je desire vous veoir pour mary. Et,
aussy, de vous aimer d'une amour vitieuse, comme ceulx qui
esperent de leur long service une recompense au deshonneur
des dames, je suis si loing de ceste affection, que j'aymerois
mieulx vous veoir morte, que de vous sçavoir moins
digne d'estre aymée, et que la vertu fust admoindrye
en vous, pour quelque plaisir qui m'en sceust advenir. Je
ne pretends, pour la fin et recompense de mon service, que
une chose : c'est que vous me voulliez estre maistresse
si loyalle que jamais vous ne m'esloigniez de vostre bonne
grace, que vous me continuiez au degré où
je suis, vous fiant en moy plus que en nul aultre, prenant
ceste seurté de moy, que, si, pour vostre honneur
ou chose qui vous touchast, vous avez besoing de la vie
d'un gentil homme, la myenne y sera de très bon cueur
employée, et en pouvez faire estat, pareillement,
que toutes les choses honnestes et vertueuses que je feray
seront faictes seullement pour l'amour de vous. Et, si j'ay
faict, pour dames moindres que vous, chose dont on ayt faict
estime, soyez seure que, pour une telle maistresse, mes
entreprinses croistront de telle sorte que les choses que
je trouvois impossibles me seront très facilles.
Mais, si vous ne m'acceptez pour du tout vostre, je delibere
de laisser les armes, et renoncer à la vertu qui
ne m'aura secouru à mon besoing. Parquoy, ma dame,
je vous supplie que ma juste requeste me soit octroyée,
puisque vostre honneur et conscience ne me la peuvent refuser.
»
discours direct
dire
infinitif présent
s. o.
Amadour
Floride
dialogale
assertion
lignes 305-311
Il commencea à luy dire : « Ma dame, je ne
vous ay encores voulu direla très grande
affection que je vous porte, pour deux raisons :
l’une, que j’entendois par long service vous en donner l’experience;
l’autre, que je doubtois que vous estimissiez gloire en
moy, qui suis ung simple gentil homme, de m’addresser en
lieu qu’il ne m’appartient de regarder.
discours indirect
dire
infinitif présent
s. o.
Amadour
Floride
dialogale
assertion
lignes 362-364
Parquoy, ma dame, je vous suppliequema
juste requeste me soit octroyée, puisque vostre honneur
et conscience ne me la peuvent refuser. »
discours indirect
supplier
présent
sujet-verbe
Amadour
Floride
dialogale
requête
lignes 367-385
Toutesfoys, elle, qui estoit saige, luy dist :
« Puis que ainsy est, Amadour, que vous demandez de moy
ce que vous en avez, pourquoy est-ce que vous me faictes
une si grande et longue harangue ? J’ay si grand paour que,
soubz voz honnestes propos, il y ayt quelque malice cachée
pour decepvoir l’ingnorance joincte à ma jeunesse,
que je suis en grande perplexité de vous respondre.
Car, de refuser l’honneste amityé que vous m’offrez,
je ferois le contraire de ce que j’ay faict jusques icy,
que je me suis plus fyée en vous, que en tous les
hommes du monde. Ma conscience ny mon honneur ne contreviennent
poinct à vostre demande, ny l’amour que je porte
au filz de l’Infant Fortuné; car elle est fondée
sur mariage, où vous ne pretendez riens. Je ne sçaiche
chose qui me doibve empescher de faire response selon vostre
desir, sinon une craincte que j’ay en mon cueur, fondée
sur le peu d’occasion que vous avez de me tenir telz propos;
car, si vous avez ce que vous demandez, qui vous contrainct
d’en parler si affectionnement ? »
discours direct
dire
indicatif passé simple
sujet-verbe
Floride
Amadour
dialogale
assertion
lignes 385-415
Amadour, qui n’estoit sans response, luy dist :
« Ma dame, vous parlez très prudemment, et me
faictes tant d’honneur de la fiance que vous dictes avoir
en moy, que, si je ne me contante d’un tel bien, je suys
indigne de tous les autres. Mais entendez, ma dame, que
celluy qui veult bastir ung edifice perpetuel, il doibt
regarder à prendre ung seur et ferme fondement :
parquoy, moy, qui desire perpetuellement demorer en vostre
service, je doibs regarder non seullement les moyens pour
me tenir près de vous, mais empescher qu’on ne puisse
congnoistre la très grande affection que je vous
porte; car, combien qu’elle soyt tant honneste qu’elle se
puisse prescher partout, si est-ce que ceulx qui ignorent
le cueur des amans ont souvent jugé contre verité.
Et de cella vient autant mauvais bruict, que si les effects
estoient meschans. Ce qui me faict dire cecy, et ce qui
m’a faict advancer de le vous declairer, c’est Poline, laquelle
a prins ung si grand soupson sur moy, sentant bien à
son cueur que je ne la puis aymer, qu’elle ne faict en tous
lieux que espier ma contenance. Et quant vous venez parler
à moy devant elle si privement, j’ay si grand paour
de faire quelque signe où elle fonde jugement, que
je tumbe en inconvenient dont je me veulx garder; en sorte
que j’ay pensé vous supplier que, devant elle et
devant celles que vous congnoissez aussi malitieuses, ne
veniez parler à moy ainsy soubzdainement; car j’aymerois
mieulx estre mort, que creature vivante en eust la congnoissance.
Et n’eust esté l’amour que j’avoys à vostre
honneur, je n’avois poinct proposé de vous tenir
ces propos, d’autant que je me tiens assez heureux de l’amour
et fiance que vous me portez, où je ne demande rien
davantaige que perseverance. »
discours direct
dire
indicatif passé simple
sujet-verbe
Amadour
Floride
dialogale
assertion
lignes 403-411
Et quant vous venez parler à moy devant elle si
privement, j’ay si grand paour de faire quelque signe où
elle fonde jugement, que je tumbe en inconvenient dont je
me veulx garder; en sorte que j’ay pensé
vous supplier que, devant elle et devant celles que vous
congnoissez aussi malitieuses, ne veniez parler à
moy ainsy soubzdainement; car j’aymerois mieulx estre
mort, que creature vivante en eust la congnoissance.
discours indirect
penser
indicatif passé composé
sujet-verbe
Amadour
indéterminé
monologale
assertion
lignes 403-411
Et quant vous venez parler à moy devant elle si
privement, j’ay si grand paour de faire quelque signe où
elle fonde jugement, que je tumbe en inconvenient dont je
me veulx garder; en sorte que j’ay pensévous
supplierque, devant elle et devant celles que
vous congnoissez aussi malitieuses, ne veniez parler à
moy ainsy soubzdainement; car j’aymerois mieulx estre
mort, que creature vivante en eust la congnoissance.
discours indirect
supplier
infinitif présent
s. o.
Amadour
Floride
dialogale
assertion / incitation
lignes 416-420
Floride, tant contante qu’elle n’en pouvoit plus porter,
commencea en son cueur à sentir quelque chose plus
qu’elle n’avoit accoustumé; et, voyant les honnestes
raisons qu’il luy alleguoit, luy distquela vertu et l’honnesteté respondroient pour elle,
et lui accordoit ce qu’il demandoit;
discours indirect
dire
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
Floride
Amadour
dialogale
assertion
lignes 433-436
Amadour s’apparceut bientost de la contenance de Floride,
et non seulement pensa qu’elle s’esloignoit de
luy par son conseil, mais qu’il y avoit quelque fascheuse
oppinion meslée.
discours indirect
penser
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
Amadour
indéterminé
monologale
assertion
lignes 433-438
Et ung jour, venant de vespres d’un monastaire, luy dist
: « Ma dame, quelle contenance me faictes-vous ?
discours direct
dire
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
Amadour
Floride
dialogale
interrogation
lignes 438-439
– Telle que je pense que vous la voulez, respondit
Floride. »
discours direct
répondre
indicatif passé simple
verbe-sujet
Floride
Amadour
dialogale
assertion
lignes 439-442
A l’heure, soupsonnant la verité, pour sçavoir
s’il estoit vray, vat dire : « Ma dame, j’ay
tant faict par mes journées, que Poline n’a plus
d’opinion de vous. »
discours direct
dire
futur proche
(sujet)-verbe
Amadour
Floride
dialogale
assertion
lignes 442-444
Elle luy respondit : « Vous ne sçauriez
mieulx faire, et pour vous et pour moy; car, en faisant
plaisir à vous-mesme, vous me faites honneur.
»
discours direct
répondre
indicatif passé simple
sujet-verbe
Floride
Amadour
dialogale
assertion
lignes 445-447
Amadour estima, par ceste parolle, qu’elle estimoit
qu’il prenoit plaisir à parler à Poline,
dont il fut desesperé qu’il ne se peut tenir de luy
dire en collere :
discours indirect
estimer
indicatif passé simple
sujet-verbe
Amadour
indéterminé
monologale
assertion
lignes 445-447
Amadour estima, par ceste parolle, qu’elle estimoit
qu’il prenoit plaisir à parler à Poline,
dont il fut desesperé qu’il ne se peut tenir de luy
dire en collere :
discours indirect
estimer
indicatif imparfait
sujet-verbe
Floride
Amadour
monologale
assertion
lignes 445-460
Amadour estima, par ceste parolle, qu’elle estimoit qu’il
prenoit plaisir à parler à Poline, dont il
fut desesperé qu’il ne se peut tenir de luy dire
en collere : « Ha ! ma dame, c’est bien tost commancé
de tormenter ung serviteur, et le lapider de bonne heure;
car je ne pense poinct avoir porté peyne qui m’ayt
esté plus ennuyeuse que la contraincte de parler
à celle que je n’ayme poinct. Et puis que ce que
faictz pour vostre service est prins de vous en autre part,
je ne parleray jamais à elle; et en advienne ce qu’il
en pourra advenir ! Et à fin de dissimuller mon courroux,
comme j’ay faict mon contentement, je m’en voys en quelque
lieu icy auprès, en actendant que vostre faintaisie
soit passée. Mais j’espere que là j’auray
quelques nouvelles de mon cappitaine de retourner à
la guerre, où je demoreray si long temps, que vous
congnoistrez que autre chose que vous ne me tient en ce
lieu. »
discours direct
dire
infinitif présent
s. o.
Amadour
Floride
dialogale
assertion / reproche
lignes 462-467
Et commencea l’amour, poulcée de son contraire,
à monstrer sa très grande force, tellement
que elle, congnoissant son tort, escripvoit incessamment
à Amadour, le priantde vouloir retourner;
ce qu’il feyt après quelques jours, que sa grande
collere lui estoit diminuée.
discours indirect
prier
participe présent
s. o.
Floride
Amadour
dialogale
assertion / incitation
lignes 470-474
Je ne sçaurois entreprendre
de vous compter par le menu les propos qu'ilz eurent pour
rompre ceste jalousie. Toutesfoys,
il gaingna la bataille, tant qu’elle luy promistque jamais elle ne croyroit non seullement qu’il aymast
Poline, mais qu’elle seroit toute asseurée que ce
luy estoit ung martire trop importable de parler à
elle ou à aultre, sinon pour luy faire service.
discours indirect
promettre
indicatif passé simple
sujet-verbe
Floride
Amadour
dialogale
promesse
lignes 475-479
Après que l’amour eust vaincu ce premier soupson,
et que les deux amans commencerent à prandre plus
de plaisir que jamais à parler ensemble, les nouvelles
vindrentquele Roy d’Espaigne envoyoit
toute son armée à Sauce.
discours indirect
venir
indicatif passé simple
sujet-verbe
indéterminé
indéterminé
monologale
assertion / rumeur
lignes 486-489
parquoy pensaque, si elle estoit en son absence
maryée, il n’auroit plus d’occasion de la veoir,
sinon que la contesse d’Arande luy donnast Avanturade, sa
femme, pour compaignye.
discours indirect
penser
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
Amadour
indéterminé
monologale
assertion
lignes 489-492
Et mena si bien son affaire envers ses amys, que la comtesse
et Floride luy promirentque,en quelque
lieu qu’elle fust mariée, sa femme Avanturade yroit.
discours indirect
promettre
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
la comtesse d'Arande et Floride
Amadour
dialogale
promesse
lignes 496-500
Quant Floride seulle ouyt le departement de son bon serviteur,
elle se mect à faire toutes choses si bonnes et vertueuses,
qu’elle esperoit par cella actaindre le bruict
des plus parfaictes dames, et d’estre reputée digne
d’avoir ung tel serviteur que Amadour.
discours indirect
espérer
indicatif imparfait
sujet-verbe
Floride
indéterminé
monologale
souhait
lignes 501-504
Lequel, estant arrivé à Barselonne, fut festoyé
des dames comme il avoit accoustumé; mais elles le
trouverent tant changé, qu’elles n’eussent
jamais penséquemariage eust telle
puissance sur ung homme qu’il avoit sur luy
discours indirect
penser
subjonctif imparfait
sujet-verbe
dames
indéterminé
monologale
assertion
lignes 516-520
Le duc de Nageres arriva à Parpignan, ayant charge
de deux mil hommes et pria Amadour d’estre son
lieutenant, lequel avecq ceste bande feit tant bien
son debvoir, que l’on n’oyoit en toutes les escarmouches
crier que Nageres !
discours indirect
prier
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
le duc de Nagères
Amadour
dialogale
assertion / incitation
lignes 516-520
Le duc de Nageres arriva à Parpignan, ayant charge
de deux mil hommes et pria Amadour d’estre son lieutenant,
lequel avecq ceste bande feit tant bien son debvoir, que
l’on n’oyoit en toutes les escarmouches crierqueNageres !
discours direct
crier
infinitif présent
s. o.
indéterminé
indéterminé
monologale
assertion
lignes 521-524
Or, advint que le Roy de Thunis, qui de long temps faisoit
la guerre aux Espaignols, entendit comme les Roys
de France et d’Espaigne faisoient la guerre guerroyable
sur les frontieres de Parpignan et Narbonne
discours indirect
entendre
indicatif passé simple
sujet-verbe
indéterminé
le roi de Thunis
dialogale
assertion / rumeur
lignes 524-529
Or, advint que le Roy de Thunis, qui de long temps faisoit
la guerre aux Espaignols, entendit comme les Roys de France
et d’Espaigne faisoient la guerre guerroyable sur les frontieres
de Parpignan et Narbonne; se pensaqueen
meilleure saison ne pourroit-il faire desplaisir au Roy
d’Espaigne, et envoya un grand nombre de fustes et autres
vaisseaux, pour piller et destruire tout ce qu’ils pourroient
trouver mal gardé sur les frontières d’Espaigne.
discours indirect
(se) penser
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
le roi de Thunis
indéterminé
monologale
assertion
lignes 546-550
A l’heure, se rendit à ung Turc, nommé Dorlin,
gouverneur du Roy de Thunis, lequel le mena à son
maistre, où il fut le très bien receu et encores
mieux gardé; car il pensoit bien, l’ayant
entre ses mains, avoir l’Achilles de toutes les Espaignes.
discours indirect
penser
indicatif imparfait
sujet-verbe
le roi de Thunis
indéterminé
monologale
assertion
lignes 558-561
La contesse, qui se doubtoit bien fort de l’affection que
Amadour portoit à sa fille, laquelle elle souffroit
et dissimulloit pour les vertuz qu’elle congnoissoit en
luy, appella sa fille à part et luy distles
piteuses nouvelles.
discours narrativisé
dire
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
la comtesse d'Arande
Floride
dialogale
assertion
lignes 561-564
Floride, qui sçavoit bien dissimuller, luy distquec’estoit grande perte pour toute leur maison,
et que surtout elle avoit pitié de sa pauvre femme,
veu mesmement la maladye où elle estoit.
discours indirect
dire
indicatif passé simple
sujet-verbe
Floride
la comtesse d'Arande
dialogale
assertion
lignes 570-575
Je laisseray à dire les voiages, prieres, oraisons
et jeusnes, que faisoit ordinairement Floride pour le salut
de Amadour; lequel, incontinant qu’il fut à Thunis,
ne faillit d’envoyer de ses nouvelles à ses amys,
et, par homme fort seur, advertir Floride qu’il
estoit en bonne santé et espoir de la reveoir
discours indirect
avertir
infinitif présent
s. o.
homme sûr
Floride
dialogale
assertion
lignes 580-584
Et fut mandée la contesse d’Arande, pour aller à
Sarragosse, où le Roy estoit arrivé; et là
se trouva le jeune duc de Cardonne, qui feit poursuicte
si grande envers le Roy et la Royne, qu’ilz prierent
la contesse de faire le mariaige de luy et de sa fille.
discours indirect
prier
indicatif passé simple
sujet-verbe
le roi et la reine
la comtesse d'Arande
dialogale
assertion / incitation
lignes 584-586
La contesse, comme celle qui en riens ne leur voulloit
desobeyr, l'accorda, estimant que en sa fille,
qui estoit si jeune, n'y avoit volunté que la sienne.
discours indirect
estimer
participe présent
s. o.
la comtesse d’Arande
indéterminé
monologale
assertion
lignes 587-588
Quant tout l’accord fut faict, elle dist à
sa fille, comme elle luy avoit choisy le party qui luy
sembloit le plus necessaire.
discours indirect
dire
indicatif passé simple
sujet-verbe
la comtesse d'Arande
Floride
dialogale
assertion
lignes 589-590
La fille, sçachant que en une chose faicte ne falloit
poinct de conseil, luy distqueDieu fust
loué du tout;
discours indirect
dire
indicatif passé simple
sujet-verbe
Floride
la comtesse d'Arande
dialogale
assertion
lignes 592-594
Et, pour la resjouyr de tant de malheurs, entenditquel’Infant Fortuné estoit malade à
la mort;
discours indirect
entendre
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
indéterminé
Floride
dialogale
assertion / rumeur
lignes 609-615
Ainsy passa ung long temps Floride, vivant d’une vie moins
belle que la mort; ce qu’elle ne faillit de mander à
son serviteur Amadour, lequel, congnoissant son grand et
honneste cueur, et l’amour qu’elle portoit au filz de l’Infant
Fortuné, pensaqu’il estoit impossible
qu’elle sceust vivre longuement, et la regretta comme celle
qu’il tenoit pis que morte.
discours indirect
penser
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
Amadour
indéterminé
monologale
assertion
lignes 619-626
Et, pour ce qu’il entendit, par ung amy qu’il avoit
acquis à la court du Roy de Thunis, quele
Roy estoit delibéré de luy faire presenter
le pal, ou qu’il eust à renoncer sa foy, pour l’envye
qu’il avoit, s’il le pouvoit randre bon Turc, de le tenir
avecq luy, il feit tant avecq le maistre qui l’avoit
prins, qu’il le laissa aller sur sa foy, le mectant à
si grande rançon qu’il ne pensoit poinct que ung
homme de si peu de biens la peust trouver.
discours indirect
entendre
indicatif passé simple
sujet-verbe
ami d'Amadour
Amadour
dialogale
assertion / rumeur
lignes 625-626
le mectant à si grande rançon qu’il ne pensoit
poinct que ung homme de si peu de biens la peust
trouver.
discours indirect
penser
indicatif imparfait
sujet-verbe
le maître
indéterminé
monologale
assertion
lignes 631-634
Sa femme Avanturade, si tost qu’elle ouyt les nouvelles
que son mary estoit revenu, le dist à Floride,
laquelle s’en resjouyt comme pour l’amour d’elle.
discours indirect
ouïr
indicatif passé simple
sujet-verbe
indéterminé
Avanturade
dialogale
assertion / rumeur
lignes 645-653
Je vous laisseray à penser les propos que Floride
et luy peurent avoir ensemble, et les complainctes qu’elle
luy feit des maulx qu’elle avoit receuz en son absence.
Après plusieurs larmes gectées du regret
qu’elle avoit, tant d’estre mariée contre
son cueur, que d’avoir perdu celluy qu’elle aimoit tant,
lequel jamais n’esperoit de reveoir, se delibera de
prendre sa consolation en l’amour et seurté qu’elle
portoit à Amadour, ce que toutesfois elle ne luy
osoit declairer;
discours indirect
avoir du regret
indicatif imparfait
sujet-verbe
Floride
Amadour
dialogale
assertion/
regret
lignes 677-681
Floride, qui, en le cuydant consoler, estoit sa desolation,
fut toute une après disnée à luy tenir
les plus honnestes propos qu’il luy fut possible, pour luy
cuyder diminuer la grandeur de son dueil, l’asseurantqu’elle trouveroit moyen de le povoir veoir plus souvent
qu’il ne cuydoit.
discours indirect
assurer
participe présent
sujet-verbe
Floride
Amadour
dialogale
promesse
lignes 682-684
Et, pour ce que le matin debvoit partyr, et qu’il estoit
si foible qu’il ne se povoit bouger de dessus son lict,
la supliade le venir veoir au soir, après
que chascun y auroit esté;
discours indirect
supplier
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
Amadour
Floride
dialogale
assertion / incitation
lignes 686-693
Luy, que se voyoit du tout
desesperé de jamais la povoir recepvoir, que si longuement
l’avoit servie et n’en avoit jamais eu nul autre traictement
que vous avez oy, fut tant combatu de l’amour dissimullée
et du desespoir qui luy monstroit tous les moyens de la
hanter perduz, qu’il
se delibera de jouer à quicte ou à double,
pour du tout la perdre ou du tout la gaingner, et se payer
en une heure du bien qu’il pensoit avoir merité.
discours indirect libre
s. o.
s. o.
s. o.
Amadour
Floride
monologale
assertion
lignes 694-698
Il feit encourtiner son lict, de sorte que ceulx qui venoient
à la chambre ne le povoient veoir, et se plaingnit
beaucoup plus qu’il n’avoit accoustumé, tant que
tous ceulx de ceste maison ne pensoient pas que
il deust vivre vingt quatre heures.
discours indirect
penser
indicatif imparfait
sujet-verbe
tous ceux de cette maison
indéterminé
monologale
assertion
lignes 699-702
Après que chascun l’eut visité, au soir,
Floride, à la requeste mesmes de son mary, y alla,
esperant, pour le consoler, luy declarer son affection,
et que du tout elle le vouloit aymer, ainsy que l’honneur
le peult permectre.
discours indirect
espérer
participe présent
s. o.
Floride
indéterminé
monologale
souhait
lignes 705-707
Amadour, la voyant remplye de tel regret, pensaqueen ce grand torment pourroit plus facillement
venir à bout de son intention, et se leva de
dessus son lict;
discours indirect
penser
indicatif passé simple
sujet-verbe
Amadour
indéterminé
monologale
assertion
lignes 705-708
Amadour, la voyant remplye de tel regret, pensa que en
ce grand torment pourroit plus facillement venir à
bout de son intention, et se leva de dessus son lict; dont
Floride, pensantqu’il fust trop foible, le
voulut engarder.
discours indirect
penser
participe présent
s. o.
Floride
indéterminé
monologale
assertion
lignes 708-710
Et se meist à deux genoulx devant elle, luy disant
: « Faut-il que pour jamais je vous perde de veue ? »
discours direct
dire
participe présent
s. o.
Amadour
Floride
dialogale
interrogation
lignes 717-720
Quant Floride s’apparceut de sa mauvaise volunté,
ne la pouvoit croire, veu les honnestes propos que tousjours
luy avoit tenuz; luy demandaque c’estoit qu’il
vouloit;
discours indirect
demander
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
Floride
Amadour
dialogale
interrogation
lignes 723-725
dont Floride, bien estonnée, soupsonnaplus tost qu'il fust hors de son sensque
de croyre qu'il pretendist à son deshonneur.
discours indirect
soupçonner
indicatif passésimple
sujet-verbe
Floride
indéterminé
monologale
assertion
lignes 730-731
Floride, qui s’estoyt levée de sa chaise, luy dist
: « Allez, et apportez vistement quelque bon vinaigre.
»
discours direct
dire
indicatif passé simple
sujet-verbe
Floride
le gentilhomme
dialogale
assertion / incitation
lignes 732-734
A l’heure, Floride commencea à dire : « Amadour,
quelle follye est montée en vostre entendement ?
et qu’est-ce qu’avez pensé et voulu faire ? »
discours direct
dire
infinitif présent
s. o.
Floride
Amadour
dialogale
interrogation
lignes 735-737
Amadour, qui avoit perdu toute raison par la force d’amour,
luy dist : « Ung si long service merite-il recompense
de telle cruaulté ?
discours direct
dire
indicatif passé simple
sujet-verbe
Amadour
Floride
dialogale
interrogation
lignes 737-738
– Et où est l’honneur, dist Floride,
que tant de foys vous m’avez presché ?
discours direct
dire
indicatif passé simple
verbe -sujet
Floride
Amadour
dialogale
interrogation
lignes 738-768
– Ha ! ma dame,dist Amadour, il n’est
possible de plus aymer pour vostre honneur que je faictz;
car, avant que fussiez mariée, j’ay sceu si bien
vaincre mon cueur, que vous n’avez sceu congnoistre ma volunté;
mais, maintenant que vous l’estes, et que vostre honneur
peult estre couvert, quel tort vous tiens-je de demander
ce qui est mien ? Car, par la force d’amour, je vous ay
si bien gaignée que celluy qui premier a eu vostre
cueur a si mal poursuivy le corps, qu’il a merité
de perdre le tout ensemble. Celluy qui possede vostre corps
n’est pas digne d’avoir vostre cueur : parquoy, mesmes le
corps ne luy appartient. Mais, moy, ma dame, qui durant
cinq ou six ans, ay porté tant de peynes et de maulx
pour vous, que vous ne pouvez ignorer que à
moy seul appartiennent le corps et le cueur, pour lequel
j’ay oblyé le mien. Et si vous vous cuydez defendre
par la conscience, ne doubtez poinct que, quant l’amour
force le corps et le cueur, le peché soyt jamais
imputé. Ceulx qui, par fureur, mesmes viennent à
se tuer, ne peuvent pecher quoiqu’ils fassent; car la passion
ne donne lieu à la raison. Et, si la passion d’amour
est la plus importable de tous les autres, et celle qui
plus aveugle tous les sens, quel peché vouldriez-vous
attribuer à celluy qui se laisse conduire par une
invincible puissance ? Je m’en voys, et n’espere jamais
de vous veoir. Mais, si j’avoys avant mon partement la seurté
de vous que ma grande amour merite, je serois assez fort
pour soustenir en patience les ennuictz de ceste longue
absence. Et, s’il ne vous plaist m’octroyer ma requeste,
vous orrez bien tost dire que vostre rigueur m’aura donné
une malheureuse et cruelle mort. »
discours direct
dire
indicatif passé simple
verbe-sujet
Amadour
Floride
dialogale
assertion
lignes 765-768
Et, s’il ne vous plaist m’octroyer ma requeste, vous orrez
bien tost direquevostre rigueur m’aura
donné une malheureuse et cruelle mort. »
discours indirect
dire
infinitif présent
s. o.
indéterminé
Floride
dialogale
assertion / rumeur
lignes 769-811
Floride, non moins marrye que estonnée de oyr tenir
telz propos à celluy duquel jamais n’eust eu soupson
de chose semblable, luy dist en pleurant : « Helas
! Amadour, sont-ce icy les vertueux propos que durant ma
jeunesse m’avez tenuz ? Est-ce cy l’honneur et la conscience
que vous m’avez maintesfoys conseillé plustost mourir
que de perdre mon ame ? Avez-vous oblyé les bons
exemples que vous m’avez donnez des vertueuses dames qui
ont resisté à la folle amour, et le despris
que vous avez tousjours faict des folles ? Je ne puis croire,
Amadour, que vous soyez si loing de vous-mesmes, que Dieu,
vostre conscience et mon honneur soient du tout mortz en
vous. Mais, si ainsy est que vous le dictes, je loue la
Bonté divine, qui a prevenu le malheur où
maintenant je m’alloys precipiter, en me monstrant par vostre
parolle le cueur que j’ay tant ignoré. Car, ayant
perdu le filz de l’Infant Fortuné, non seullement
pour estre marié ailleurs, mais pour ce que je sçay
qu’il en ayme une autre, et, me voyant mariée à
celluy que je ne puis, (quelque peine que je y mecte), aymer
et avoir agreable, j’avois pensé et delibéré
de entierement et du tout mectre mon cueur et mon affection
à vous aymer, fondant ceste amityé sur la
vertu que j’ay tant congneue en vous, et laquelle, par vostre
moyen, je pense avoir attaincte : c’est d’aymer plus
mon honneur et ma conscience que ma propre vie. Sur ceste
pierre d’honnesteté, j’estois venue icy, deliberée
de y prendre ung très seur fondement; mais, Amadour,
en un moment, vous m’avez monstré que en lieu d’une
pierre necte et pure, le fondement de cest ediffice seroit
sur sablon legier ou sur la fange infame. Et combien que
desja j’avois commencé grande partie du logis ou
j’esperois faire perpetuelle demeure, vous l’avez soubdain
du tout ruyné. Parquoy, il fault que vous vous deportiez
de l’esperance que avez jamays eue en moy, et vous deliberez,
en quelque lieu que je sois, ne me chercher ne par parolle,
ne par contenance, ny esperer que je puisse ou vuelle jamays
changer ceste opinion. Je le vous dictz avecq tel regret,
qu’il ne peult estre plus grand; mais, si je fusse venue
jusque à avoir juré parfaicte amityé
avecq vous, je sens bien mon cueur tel, qu’il fust mort
en ceste rancontre; combien que l’estonnement que j’ay de
me veoir deceue est si grand, que je suis seure qu’il rendra
ma vie ou briefve ou doloreuse. Et, sur ce mot, je vous
dictz à Dieu, mais c’est pour jamais ! »
discours direct
dire
indicatif passé simple
sujet-verbe
Floride
Amadour
dialogale
assertion / reproche
lignes 771-778
Helas ! Amadour, sont-ce icy les vertueux propos que durant
ma jeunesse m’avez tenuz ? Est-ce cy l’honneur et la conscience
que vous m’avez maintesfoys conseilléplustost mourir que de perdre mon ame? Avez-vous
oblyé les bons exemples que vous m’avez donnez des
vertueuses dames qui ont resisté à la folle
amour, et le despris que vous avez tousjours faict des folles
?
discours indirect
conseiller
indicatif passé composé
sujet-verbe
Amadour
Floride
dialogale
assertion/
conseil
lignes 810-811
Et, sur ce mot, je vous dictzà Dieu,
mais c’est pour jamais ! »
discours indirect
dire
indicatif présent
sujet-verbe
Floride
Amadour
dialogale
assertion
lignes 818-828
Parquoy, il luy dist avecq le plus fainct visaige
qu’il peut prendre : « Ma dame, j’ay toute ma vie
desiré d’aymer une femme de bien; et pour ce que
j’en ay trouvé si peu, j’ay bien voulu vous experimenter,
pour veoir si vous estiez, par vostre vertu, digne d’estre
autant estimée que aymée. Ce que maintenant
je sçay certainement, dont je loue Dieu, qui addresse
mon cueur à aymer tant de perfection; vous suppliant
me pardonner ceste follye et audatieuse entreprinse, puis
que vous voyez que la fin en tourne à vostre honneur
et à mon grand contentement. »
discours direct
dire
indicatif passé simple
sujet-verbe
Amadour
Floride
dialogale
assertion
lignes 823-828
Ce que maintenant je sçay certainement, dont je
loue Dieu, qui addresse mon cueur à aymer tant de
perfection; vous suppliantme pardonner ceste
follye et audatieuse entreprinse, puis que vous voyez
que la fin en tourne à vostre honneur et à
mon grand contentement. »
discours indirect
supplier
participe présent
s. o.
Amadour
Floride
dialogale
assertion / incitation
lignes 828-841
Floride, qui commançoit à congnoistre la
malice des hommes par luy, tout ainsy qu’elle avoyt esté
difficille à croire le mal où il estoit, ainsi
fut-elle et encores plus, à croyre le bien où
il n’estoit pas, et luy dist : « Pleust à
Dieu que eussiez dict la verité ! Mais je ne puis
estre si ignorante, que l’estat de mariage où je
suis ne me face congnoistre clerement que forte passion
et aveuglement vous a faict faire ce que vous avez faict.
Car, si Dieu m’eust lasché la main, je suis seure
que vous ne m’eussiez pas retiré la bride. Ceulx
qui tentent pour chercher la vertu n’ont accoustumé
prendre le chemin que vous avez prins. Mais c’est assez :
si j’ay creu legierement quelque bien en vous, il est temps
que j’en congnoisse la verité, laquelle maintenant
me delivre de voz mains. »
discours direct
dire
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
Floride
Amadour
dialogale
assertion / reproche
lignes 861-870
Quant elle veid Amadour, elle le baisa et embrassa, comme
si ce eut esté son propre enfant, tant pour l’amour
qu’elle luy portoit, que pour celle qu’elle doubtoit qu’il
avoit à Floride, de laquelle elle luy demanda bien
soingneusement des nouvelles; qui luy en dist le mieulx
qu’il luy fut possible, mais non toute la verité;
et luy confessa l’amityé d’eulx deux, ce que Floride
avoit tousjours celé, la priantluy vouloir
ayder d’avoir souvent de ses nouvelles, et de retirer bien
tost Floride avecq elle.
discours indirect
prier
participe présent
s. o.
Amadour
la comtesse d'Arande
dialogale
assertion / incitation
lignes 879-881
Et la comtesse d’Arande, qui ouyt direqueFloride estoit changée, et que c’estoit pitié
de la veoir, l’envoya querir, esperant qu’elle reviendroit
auprès d’elle.
discours indirect
dire
infinitif présent
s. o.
indéterminé
la comtesse d'Arande
dialogale
assertion / rumeur
lignes 886-887
pour ce que, d'un cousté, elle voyoit
qu'elle l'estimoit tant, que, si elle
luy disoit la verité, Amadour en pourroit recepvoir
mal, ce que pour
morir n'eust voulu, veu qu'elle se sentoit assez forte
pour le pugnir de sa
follye, sans y appeller ses parens
discours indirect
voir
indicatif imparfait
sujet-verbe
Floride
indéterminé
monologale
assertion
lignes 907-913
Or feit tant envers le grand gouverneur, qu’il fut par
luy deputé pour venir parler au Roy de quelque entreprinse
secrette qui se faisoit sur Locatte; et sefeitcommanderde communiquer son entreprinse à
la contesse d’Arande, avant que la declairer au Roy, pour
en prendre son bon conseil.
discours indirect
se faire commander
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
le grand gouverneur
Amadour
dialogale
assertion / incitation
lignes 913-917
Et vint en poste tout droict en la conté d’Arande,
où il sçavoit qu’estoit Floride, et envoya
secretement à la contesse ung sien amy luy declarer
sa venue, luy priantla tenir secrette, et qu’il
peust parler à elle la nuict, sans que personne en
sceust riens.
discours indirect
prier
participe présent
s. o.
Amadour
la comtesse d'Arande
dialogale
assertion / incitation
lignes 920-926
Floride, qui n’estoit pas encores asseurée de sa
premiere paour, n’en feyt semblant à sa mere, mais
s’en alla en ung oratoire se recommander à Nostre
Seigneur, et luy priantvouloir conserver son
cueur de toute meschante affection, pensa que souvent
Amadour l’avoit louée de sa beaulté, laquelle
n’estoit poinct diminuée, nonosbtant qu’elle eust
esté longuement malade;
discours indirect
prier
participe présent
s. o.
Floride
Notre Seigneur
dialogale
assertion / incitation
lignes 920-926
Floride, qui n’estoit pas encores asseurée de sa
premiere paour, n’en feyt semblant à sa mere, mais
s’en alla en ung oratoire se recommander à Nostre
Seigneur, et luy priant vouloir conserver son cueur de toute
meschante affection, pensaquesouvent
Amadour l’avoit louée de sa beaulté, laquelle
n’estoit poinct diminuée, nonosbtant qu’elle eust
esté longuement malade;
discours indirect
penser
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
Floride
indéterminé
monologale
assertion
lignes 937-939
Après, la contesse la mena en sa chambre, et luy
distqu’elle la prioit d’aller en son cabinet
entretenir Amadour, jusques ad ce qu’elle se fut deffaicte
de toute sa compaignye;
discours indirect
dire
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
la comtesse d'Arande
Floride
dialogale
assertion / incitation
lignes 937-939
Après, la contesse la mena en sa chambre, et luy
dist qu’elle la prioitd’aller en son cabinet
entretenir Amadour, jusques ad ce qu’elle se fut deffaicte
de toute sa compaignye;
discours indirect
prier
indicatif imparfait
sujet-verbe
la comtesse d'Arande
Floride
dialogale
assertion / incitation
lignes 937-941
Après, la contesse la mena en sa chambre, et luy
dist qu’elle la prioit d’aller en son cabinet entretenir
Amadour, jusques ad ce qu’elle se fut deffaicte de toute
sa compaignye; ce que feit Floride, pensantqu’il
y eust quelques gens avecq luy.
discours indirect
penser
participe présent
s. o.
Floride
indéterminé
monologale
assertion
lignes 941-943
Mais, se trouvant toute seulle, la porte fermée
sur elle, fut autant marrie que Amadour content, pensantque, par amour ou par force, il auroit ce qu’il
avoit tant desiré.
discours indirect
penser
participe présent
s. o.
Floride
indéterminé
monologale
assertion
lignes 944-951
Et, après avoir parlé à elle, et l’avoir
trouvée au mesme propos en quoy il l’avoit laissée,
et que pour mourir elle ne changeroit son oppinion, luy
dist, tout oultré de desespoir : « Par
Dieu ! Floride, le fruict de mon labeur ne me sera poinct
osté par vos scrupules; car, puis que amour, patience
et humble priere ne servent de riens, je n’espargneray poinct
ma force pour acquerir le bien qui, sans l’avoir, me la
feroit perdre. »
discours direct
dire
indicatif passé simple
sujet-verbe
Amadour
Floride
dialogale
exclamation
lignes 963-967
parquoy, elle luy dist : « Amadour, si maintenant
vous m’estimez comme ennemye, je vous supplie, par l’honneste
amour que j’ay autresfoys pensée estre en vostre
cueur, me voulloir escouter avant que me tourmenter ! »
discours direct
dire
indicatif passé simple
sujet-verbe
Floride
Amadour
dialogale
assertion / incitation et exclamation
lignes 963-967
parquoy, elle luy dist : « Amadour, si maintenant
vous m’estimez comme ennemye, je vous supplie,
par l’honneste amour que j’ay autresfoys pensée estre
en vostre cueur, me voulloir escouter avant que me tourmenter
! »
discours indirect
supplier
indicatif présent
sujet-verbe
Floride
Amadour
dialogale
assertion/
incitation; exclamation
lignes 967-994
Et, quant elle veid qu’il luy prestoit l’oreille, poursuivyt
son propos, disant : « Helas ! Amadour, quelle
occasion vous meut de chercher une chose dont vous ne povez
avoir contentement, et me donner ennuy le plus grand que
je sçaurois recepvoir? Vous avez tant experimenté
ma volunté, du temps de ma jeunesse et de ma plus
grande beaulté, sur quoy vostre passion povoit prendre
excuse, que je m’esbahys que en l’aage et grande laydeur
où je suys, oultrée d’extreme ennuy, vous
cherchez ce que vous sçavez ne povoir trouver. Je
suis seure que vous ne doubtez poinct que ma volunté
ne soyt telle qu’elle a accoustumé; parquoy ne povez
avoir par force ce que vous demandez. Et, si vous regardez
comme mon visaige est accoustré, vous, en obliant
la memoire du bien que vous y avez veu, n’aurez poinct d’envye
d’en approcher de plus près. Et s’il y a encores
en vous quelques reliques de l’amour passée, il est
impossible que la pitié ne vaincque votre fureur.
Et, à icelle que j’ay tant experimentée en
vous, je faictz ma plaincte et demande grace, à fin
que vous me laissez vivre en paix et en l’honnesteté
que, selon vostre conseil, j’ay deliberé garder.
Et, si l’amour que vous m’avez portée est convertye
en hayne, et que, plus par vengeance que par affection,
vous vueillez me faire la plus malheureuse femme du monde,
je vous asseure qu’il n’en sera pas ainsy, et me contraindrez,
contre ma deliberation, de declairer vostre meschante volunté
à celle qui croyt tant de bien de vous; et, en ceste
congnoissance, povez penser que vostre vie ne seroit pas
en seureté. »
discours direct
dire
participe présent
s. o.
Floride
Amadour
dialogale
assertion et exclamation
lignes 987-994
Et, si l’amour que vous m’avez portée est convertye
en hayne, et que, plus par vengeance que par affection,
vous vueillez me faire la plus malheureuse femme du monde,
je vous asseurequ’il n’en sera pas ainsy, et
me contraindrez, contre ma deliberation, de declairer vostre
meschante volunté à celle qui croyt tant de
bien de vous; et, en ceste congnoissance, povez penser que
vostre vie ne seroit pas en seureté.»
discours indirect
assurer
indicatif présent
sujet-verbe
Floride
Amadour
dialogale
promesse
lignes 994-1000
Amadour, rompant son propos, luy dist : « S’il
me fault mourir, je seray plustost quicte de mon torment;
mais la difformité de vostre visaige, que je pense
estre faicte de vostre volunté, ne m’empeschera poinct
de faire la mienne; car quant je ne pourrois avoir de vous
que les oz, si les vouldrois-je tenir auprès de moy.
»
discours direct
dire
indicatif passé simple
sujet-verbe
Amadour
Floride
dialogale
assertion
lignes 1009-1012
Amadour, qui n’estoit pas si prest à morir qu’il
disoit, laissa de si bonne heure son entreprinse,
que la dame, ouvrant le cabinet, le trouva à la porte,
et Floride assez loing de là.
discours indirect
dire
indicatif imparfait
sujet-verbe
Amadour
indéterminé
monologale
assertion
lignes 1012-1013
La contesse luy demanda : « Amadour, qui
a-il ? Dictes-moy la verité. »
discours direct
demander
indicatif passé simple
sujet-verbe
la comtesse d'Arande
Amadour
dialogale
interrogation
lignes 1013-1040
Et, comme celluy qui n’estoit jamais desporveu d’inventions,
avecques un visaige pasle et transy, luy dist :
« Helas ! ma dame, de quelle condition est devenue madame
Floride ? Je ne fuz jamais si estonné que je suis;
car, comme je vous ay dict, je pensois avoir part en sa
bonne grace; mais je congnois bien que je n’y ay plus riens.
Il me semble, ma dame, que du temps qu’elle estoit nourrye
avecq vous, elle n’estoit moins sage ne vertueuse qu’elle
est; mais elle ne faisoit poinct de conscience de parler
et veoir ung chascun; et, maintenant que je l’ay voulu regarder,
elle ne l’a voulu souffrir. Et quand j’ay veu ceste contenance,
pensant que ce fust ung songe ou une resverie, luy ay demandé
sa main pour la baiser à la façon du païs,
ce qu’elle m’a du tout refusé. Il est vray, ma dame,
que j’aye eu tort, dont je vous demande pardon : c’est
que je luy ay prins la main quasi par force, et la luy ay
baisée, ne luy demandant autre contentement; mais
elle, qui a, comme je croy, deliberé ma mort, vous
a appellée, ainsy comme vous avez veu. Je ne sçauroys
dire pourquoy, sinon qu’elle ayt eu paour que j’eusse autre
volunté que je n’ay. Toutesfois, ma dame, en quelque
sorte que ce soit, j’advoue le tort estre mien; car, combien
qu’elle debvroit aymer tous voz bons serviteurs, la fortune
veult que, moy seul plus affectionné, soys mis hors
de sa bonne grace. Si est-ce que je demoureray tousjours
tel envers vous et elle que je suis tenu, vous suppliant
me vouloir tenir en la vostre, puis que, sans mon demerite,
j’ay perdu la sienne. »
discours direct
dire
indicatif passé simple
sujet-verbe
Amadour
la comtesse d'Arande
dialogale
assertion
lignes 1016-1019
Je ne fuz jamais si estonné que je suis; car, comme
je vous aydict, je pensois avoir part
en sa bonne grace;
discours indirect
dire
indicatif passé composé
sujet-verbe
Amadour
la comtesse d'Arande
dialogale
assertion
lignes 1023-1026
Et quand j’ay veu ceste contenance, pensantquece fust ung songe ou une resverie, luy ay demandé
sa main pour la baiser à la façon du païs,
ce qu’elle m’a du tout refusé.
discours indirect
penser
participe présent
sujet-verbe
Amadour
indéterminé
monologale
assertion
lignes 1027-1028
Il est vray, ma dame, que j’aye eu tort, dont je vous demandepardon
discours indirect
demander
indicatif présent
sujet-verbe
Amadour
la comtesse d'Arande
dialogale
assertion / incitation
lignes 1033-1034
Toutesfois, ma dame, en quelque sorte que ce soit, j’advouele tort estre mien;
discours indirect
avouer
indicatif présent
sujet-verbe
Amadour
la comtesse d'Arande
dialogale
assertion / aveu
lignes 1037-1040
Si est-ce que je demoureray tousjours tel envers vous et
elle que je suis tenu, vous suppliantme vouloir
tenir en la vostre, puis que, sans mon demerite, j’ay
perdu la sienne.
discours indirect
supplier
participe présent
s. o.
Amadour
la comtesse d'Arande
dialogale
assertion / incitation
lignes 1040-1042
La contesse, qui, en partye le croyoit et en partie doubtoit,
s’en alla à sa fille et luy dist : «
Pourquoy m’avez-vous appellée si haut ? »
discours direct
dire
indicatif passé simple
sujet-verbe
la comtesse d'Arande
Floride
dialogale
interrogation
lignes 1042-1043
Floride responditqu’elle avoit eu paour.
discours indirect
répondre
indicatif passé simple
sujet-verbe
Floride
la comtesse d'Arande
dialogale
assertion
lignes 1048-1054
Après que la contesse eut longuement parlé
à Amadour, le laissa encores devant elle parler à
Floride, pour veoir quelle contenance il tiendroit ;
à laquelle il ne tint pas grandz propos, sinon qu’il
la mercia de ce qu’elle n’avoit confessé
verité à sa mere, et la pria que, au moins,
puis qu’il estoit hors de son cueur, ung autre ne tinst
poinct sa place.
discours indirect
mercier
indicatif passé simple
sujet-verbe
Amadour
Floride
monologale
remerciement
lignes 1048-1054
Après que la contesse eut longuement parlé
à Amadour, le laissa encores devant elle parler à
Floride, pour veoir quelle contenance il tiendroit ;
à laquelle il ne tint pas grandz propos, sinon qu’il
la mercia de ce qu’elle n’avoit confessé verité
à sa mere, et la priaque, au moins,
puis qu’il estoit hors de son cueur, ung autre ne tinst
poinct sa place.
discours indirect
prier
indicatif passé simple
sujet-verbe
Amadour
Floride
dialogale
assertion / incitation
lignes 1054-1063
Elle luy respondit, quant au premier propos :
« Si j’eusse eu autre moyen de me defendre de vous que
par la voix, elle n’eust jamais esté oye; mais, par
moy, vous n’aurez pis, si vous ne me y contraingnez comme
vous avez faict. Et n’ayez pas paour que j’en sceusse aymer
d’autre; car, puisque je n’ay trouvé au cueur que
je sçavois le plus vertueux du monde le bien que
je desirois, je ne croiray poinct qu’il soit en nul homme.
Ce malheur sera cause que je seray, pour l’advenir, en liberté
des passions que l’amour peult donner. »
discours direct
répondre
indicatif passé simple
sujet-verbe
Floride
Amadour
dialogale
assertion
lignes 1064-1068
La mere, qui regardoit sa contenance, n’y sceut rien juger,
sinon que, depuis ce temps là, congneut très
bien que sa fille n’avoit plus d’affection à Amadour,
et pensa pour certain qu’elle fust si desraisonnable
qu’elle haïst toutes les choses qu’elle aymoit.
discours indirect
penser
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
la comtesse d'Arande
indéterminé
monologale
assertion
lignes 1074-1077
Mais, voyant que riens ne luy servoit, delibera de tromper
Amadour; et, laissant pour ung jour ou pour deux son visaige
estrange, luy conseillade tenir propos d’amityé
à une femme qu’elle disoit avoir parlé de
leur amour.
discours indirect
conseiller
indicatif passé simple
sujet-verbe
Floride
Amadour
dialogale
assertion / incitation
lignes 1074-1077
Mais, voyant que riens ne luy servoit, delibera de tromper
Amadour; et, laissant pour ung jour ou pour deux son visaige
estrange, luy conseilla de tenir propos d’amityé
à une femme qu’elle disoit avoir
parlé de leur amour.
discours indirect
dire
indicatif imparfait
sujet-verbe
Floride
Lorette
dialogale
assertion
lignes 1079-1082
Amadour la creut, et, pensantpar ce moyen retourner
encores en sa bonne grace, feit l’amour à Lorette,
qui estoit femme d’un cappitaine, lequel estoit des grands
gouverneurs du Roy d’Espaigne.
discours indirect
penser
participe présent
s. o.
Amadour
indéterminé
monologale
assertion
lignes 1087-1089
Floride oyt ung jour direque le cappitaine mary
de Lorrette estoit entré en une si grande jalousie,
qu’il avoit deliberé, en quelque sorte que ce fust,
de tuer Amadour;
discours indirect
dire
infinitif présent
s. o.
indéterminé
Floride
dialogale
assertion / rumeur
lignes 1091-1094
Mais, luy, qui facillement fut retourné à
ses premières brisées, luy respondits’il luy plaisoit l’entretenir trois heures tous les
jours, que jamais il ne parleroit à Lorette; ce qu’elle
ne voulut accorder.
discours indirect
répondre
indicatif passé simple
sujet-verbe
Amadour
Floride
dialogale
assertion
lignes 1095 1100
« Doncques, ce luy dist Amadour, puisque
ne me voulez faire vivre, pourquoy me voulez-vous garder
de morir ? Sinon que vous esperez me tormenter plus en vivant
que mille morts ne sçauroit faire. Mais combien que
la mort me fuye, si la chercheray-je tant, que je la trouveray;
car, en ce jour-là seullement, j’auray repos.
»
discours direct
dire
indicatif passé simple
verbe-sujet
Amadour
Floride
dialogale
assertion / reproche; interrogation
lignes 1101-1105
Durant qu’ilz estoient en ces termes, vintnouvellesque le Roy de Grenade commençoit une grande guerre
contre le Roy d’Espaigne, tellement que le Roy y envoya
le prince son fils, et avecq luy le connestable de Castille
et le duc d’Albe, deux vieilz et saiges seigneurs.
discours indirect
venir nouvelles
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
indéterminé
indéterminé
dialogale
assertion / rumeur
lignes 1105-1107
Le duc de Cardonne et le conte d’Arande ne voulurent pas
demorer et supplierent au Roy leur donner quelque
charge;
discours indirect
supplier
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
duc de Cardonne et le comte d’Arande
le roi
dialogale
assertion / incitation
lignes 1110-1115
Et, pour venir à l’intention de mon compte, je vous
dirayquesa trop grande hardiesse fut
esprouvée par la mort; car, ayans les Maures
faict demonstrance de donner la bataille, voyans l’armée
des Chrestiens si grande, feirent semblant de fuyr.
discours indirect
dire
indicatif futur simple
sujet-verbe
Parlamente
Hircan, Oisille, Saffredent, Longarine, Geburon…
dialogale
assertion
lignes 1143-1146
Les nouvelles en coururent par toute l’Espaigne, tant que
Floride, laquelle estoit à Barselonne, où
son mary autresfois avoitordonnéestre
enterré, en oyt le bruict.
discours indirect
ordonner
indicatif plus-que-parfait
sujet-verbe
le duc de Cardonne
indéterminé
dialogale
assertion / incitation
lignes 1155-1162
« Je sçay bien, mes dames, que ceste longue nouvelle
pourra estre à aucuns fascheuse; mais, si j’eusse
voulu satisfaire à celluy qui la m’a comptée,
elle eut esté trop plus que longue, vous suppliant,
en prenant exemple de la vertu de Floride, diminuer ung
peu de sa cruaulté, et ne croire poinct tant de bien
aux hommes, qu’il ne faille, par la congnoissance du contraire,
à eulx donner cruelle mort et à vous une triste
vie. »
discours direct
s. o.
s. o.
s. o.
Parlamente
Hircan, Oisille, Saffredent, Longarine, Geburon…
dialogale
assertion
lignes 1155-1162
« Je sçay bien, mes dames, que ceste longue nouvelle
pourra estre à aucuns fascheuse; mais, si j’eusse
voulu satisfaire à celluy qui la m’a comptée,
elle eut esté trop plus que longue, vous suppliant,
en prenant exemple de la vertu de Floride, diminuer ung
peu de sa cruaulté, et ne croire poinct tant de bien
aux hommes, qu’il ne faille, par la congnoissance du contraire,
à eulx donner cruelle mort et à vous une triste
vie. »
discours indirect
supplier
participe présent
s. o.
Parlamente
Hircan, Oisille, Saffredent, Longarine, Geburon…
dialogale
assertion / incitation
lignes 1163-1166
Et, après que Parlamente eut eu bonne et longue
audience, elle dist à Hircan : « Vous
semble-il pas que ceste femme ayt esté pressée
jusques au bout, et qu’elle ayt vertueusement resisté
?
discours direct
dire
indicatif passé simple
sujet-verbe
Parlamente
Hircan
dialogale
interrogation
lignes 1166-1173
– Non,dist Hircan; car une femme ne peult
faire moindre resistance que de crier; mais, si elle eust
esté en lieu où on ne l’eust peu oyr, je ne
sçay qu’elle eust faict ; et si Amadour eut
esté plus amoureux que crainctif, il n’eust pas laissé
pour si peu son entreprinse. Et, pour cest exemple icy,
je ne me departiray de la forte opinion que j’ay, que oncques
homme qui aymast parfaictement, ou qui fust aymé
d’une dame, ne failloit d’en avoir bonne yssue, s’il a faict
la poursuicte comme il appartient. Mais encores fault-il
que je loue Amadour de ce qu’il feit une partie de son debvoir.
discours direct
dire
indicatif passé simple
verbe-sujet
Hircan
Parlemante et les autres
dialogale
assertion
lignes 1173-1179
– Quel debvoir? ce dist Oisille. Appellez-vous
faire son debvoir à ung serviteur qui veult avoir
par force sa maistresse, à laquelle il doibt toute
reverence et obeissance ? »
discours direct
dire
indicatif passé simple
verbe-sujet
Oisille
Hircan
dialogale
interrogation
lignes 1179-1202
Saffredent print la parolle et dist : « Ma
dame, quant noz maistresses tiennent leur ranc en chambres
ou en salles, assises à leur ayse comme noz juges,
nous sommes à genoulx devant elles; nous les menons
dancer en craincte; nous les servons si diligemment, que
nous prevenons leurs demandes; nous semblons estre tant
crainctifs de les offenser et tant desirans de les servir,
que ceulx qui nous voient ont pitié de nous, et bien
souvent nous estiment plus sotz que bestes, transportez
d’entendement ou transiz, et donnent la gloire à
noz dames, desquelles les contenances sont tant audatieuses
et les parolles tant honnestes, qu’elles se font craindre,
aymer et estimer de ceulx qui n’en veoient que le dehors.
Mais, quant nous sommes à part, où amour seul
est juge de noz contenances, nous sçavons très
bien qu’elles sont femmes et nous hommes; et à l’heure,
le nom de maistresse est converti en amye,
et le nom de serviteur en amy. C’est là
où le commung proverbe dist : De bien servir
et loyal estre, De serviteur l’on devient maistre. Elles
ont l’honneur autant que les hommes, qui le leur peuvent
donner et oster, et voyent ce que nous endurons patiemment;
mais c’est raison aussy que nostre souffrance soit recompensée
quand l’honneur ne peult estre blessé.
discours direct
dire
indicatif passé simple
(sujet)-verbe
Saffredent
Oisille
dialogale
assertion
lignes 1196-1198
C’est là où le commung proverbe dist :
De bien servir et loyal estre, De serviteur l’on devient
maistre.
discours direct
dire
indicatif passé simple
sujet-verbe
indéterminé
indéterminé
dialogale
assertion/
proverbe
lignes 1203-1209
– Vous ne parlez pas, dist Longarine, du
vray honneur qui est le contentement de ce monde; car, quant
tout le monde me diroit femme de bien, et je sçaurois
seulle le contraire, la louange augmenteroit ma honte et
me rendroit en moy-mesme plus confuse; et aussy, quant il
me blasmeroit et je sentisse mon innocence, son blasme tourneroit
à contentement; car nul n’est content que de soy-mesme.
discours direct
dire
indicatif passé simple
verbe-sujet
Longarine
Saffredent
dialogale
assertion
lignes 1210-1217
– Or, quoy que vous ayez tous dict, ce dist
Geburon, il me semble qu’Amadour estoit ung aussy honneste
et vertueulx chevalier qu’il en soit poinct; et, veu que
les noms sont supposez, je pense le recongnoistre. Mais,
puis que Parlamente ne l’a voulu nommer, aussi ne feray-je.
Et contentez-vous que, si c’est celluy que je pense, son
cueur ne sentit jamais nulle paour, ny ne fut jamais vuyde
d’amour ni de hardiesse. »
discours direct
dire
indicatif passé simple
verbe-sujet
Geburon
Hircan, Oisille, Saffredent, Longarine, Geburon…
dialogale
assertion
lignes 1218-1224
Oisille leur dist : « Il me semble que ceste
Journée soyt passée si joyeusement, que, si
nous continuons ainsi les aultres, nous accoursirons le
temps à faire d’honnestes propos. Mais voyez où
est le soleil, et oyez la cloche de l’abbaye, qui, long
temps a, nous appelle à vespres, dont je ne vous
ay point advertiz; car la devotion d’oyr la fin du compte
estoit plus grande que celle d’oyr vespres. »