UNIVERSITÉ D'OTTAWA Faculté des Arts

Laboratoire de français ancien

 

>Épître/1>


AU TRES ILLUSTRE

AUTEUR

LUIS VELEZ

DE GUEVARA.

C'EST à vous, Seigneur

de Guévara, que j'ai dédié

cet Ouvrage dans sa

nouveauté. Si je me fis un devoir

alors de vous rendre cet hommage,

rien ne doit me dispenser aujourd'hui

de vous le renouveller. J'ai

déja déclaré & je déclare encore

publiquement que vôtre Diablo

Conjuelo m'en a fourni le tître &



>Épître/2>



l'idée. Ainsi je vous céde l'honneur

de l'invention, sans vouloir, comme

je vous l'ai dit, approfondir si

quelque Auteur Grec, Latin, ou

Italien ne pourroit pas justement

vous le disputer.

J'avoüerai même encore qu'en y

regardant de près, on reconnoîtroit

dans le corps de ce Livre quelques-unes

de vos pensées. Plût au Ciel

qu'il y en eût davantage, & que

la nécessité de m'accommoder au génie

de ma Nation m'eût permis

de vous copier exactement! J'aurois

fait gloire d'être vôtre Traducteur;

mais j'ai été obligé de m'écarter

du texte, ou pour mieux dire,

j'ai fait un Ouvrage nouveau sur

le même plan.



>Épître/3>

Sous la forme que je lui ai prêtée

d'abord, il a été réimprimé en

France je ne sçai combien de fois.

Nous avons partagé tous deux l'honneur

du succès qu'il a eu; Mais

que dis-je partagé? J'ai passé à

Paris pour vôtre Copiste & je

n'ai été loüé qu'en second. Il est

vrai, en récompense, qu'à Madrid

1a Copie a été traduite en Espagnol

& qu'elle y est devenuë un Original.

J'en donne aujourd'hui une nouvelle

Edition, que je vous adresse

encore, Seigneur Luis Velez;

mais pour le rendre plus digne de

revoir le jour après dix-neuf années,

il a fallu le retoucher &

le remettre, pour ainsi dire, à la





>Épître/4>



mode. Quoique le monde soit toûjours

le même, il s'y fait une succession

continuelle d'Originaux, qui

semble y aporter quelque changement.

Je n'ai pas seulement corrigé

l'Ouvrage; je l'ai refondu, & augmenté

d'un Volume, que les sottises

humaines m'ont aisément fourni.

C'est une source de Tomes inépuisables.

Mais je n'ai point entrepris

de l'épuiser. J'abandonne ce travail

immense à quelqu'un de ces Auteurs

laborieux qui veulent bien emploier

une longue vie à mériter d'occuper

une toise de place dans les

Bibliothéques. Pour moi, qui borne

mon ambition à égaier pendant

quelques heures mes Lecteurs, je



>Épître/5>



me contente de leur offrir en petit

un tableau des moeurs du siécle.

Après avoir reconnu , Seigneur

de Guévara, que vôtre

Diable a toûjours hipotéqué sur le

mien, il faut encore confesser, pour

la décharge de ma conscience, que

j'ai emprunté des vers & quelques

images de Francisco Santos,

Auteur du Livre intitulé Dia y

Noche de Madrid. Quoique le

larcin ne soit pas de grande importance,

je déclare que je l'ai fait,

afin que quelque mauvais plaisant

ne vienne pas me comparer aux voleurs

qui pour vendre impunément

une vaisselle qu'ils ont volée, en ôtent

les armoiries.

Puisse le Public recevoir aussi



>Épître/6>



favorablement cette derniere Edition,

qu'il a reçû la premiere. Je

n'oserois me flâter de ce bonheur,

quoique l'Ouvrage soit plus nouri

qu'il n'étoit, & que j'aie fait

de mon mieux pour engager ceux

qui le liront à y prendre un nouveau goût.


Page d'accueil


Dernière mise à jour : 09.11.1999
Pour toute question au sujet de ce site, veuillez vous adresser à :
E-maillabo@francaisancien.net