May Plouzeau, PercevalApproches, Chapitre 1
◊Chap1 (§1-§14)
Sommaire.
Manuscrit Paris, BnF fr. 1433 Manuscrit Paris, BnF fr. 794
1 Li boins roys Artus de Bretaigne,
1a Artus, li boens rois de Bretaingne,
2 La qui proeche nous ensengne
2a La cui proesce nos enseigne
3 Que nous soions preus et courtois,
3a Que nos soiens preu et cortois,
4 Tint court si riche conme rois
4a Tint cort si riche come rois
5 A chele feste qui tant couste,
5a A cele feste qui tant coste,
6 C’on doit nonmer le Penthecouste.
6a Qu’an doit clamer la Pantecoste.
7 Li rois fu a Cardoeil en Gales;
7a Li rois fu a Carduel en Gales;
8 Aprés mengier, parmi les sales,
8a Aprés mangier, parmi ces sales,
9 Li chevalier s’atropelerent
9a Cil chevalier s’atropelerent
10 La ou dames les apelerent
10a La ou dames les apelerent
11 Ou damoiseles ou pucheles.
11a Ou dameiseles ou puceles.
1.1.2.2.
Réduire la variation : texte à copiste unique. (§3)
§3
Avec un texte d’un seul auteur
et recopié par un seul scribe on pourrait se croire à l’abri de la variation
incessante, telle que celle est mise en évidence au §2. Ce n’est pas tout
à fait vrai. Voici en effet un extrait de PercLLé, dû au copiste Guiot
déjà mentionné :
En l’espace de deux vers,
le copiste écrit roiche puis roche, qui ne sont que deux formes
présentant des variantes du nom +roche, qui signifie “roche”.
Toutefois, le choix d’un
texte (ou extrait de texte) dû à un seul auteur et à copiste unique limite
beaucoup les difficultés que pourrait causer la variation à un débutant. En
effet, une copie due à un seul scribe présente toujours des traits
de graphie et de morphologie récurrents qui peuvent être décrits et exploités.
En outre, même si aucun copiste médiéval, peut-on croire, n’est totalement
constant dans ses graphies, il en est chez qui la variation est relativement
faible.
Mais en tout état de cause,
si nous nous limitons à un seul texte produit par un seul copiste, nous devons
apprendre à nous accommoder de la variation : pour la transcender et
pour l’exploiter.
1.1.2.3. Transcender la variation. (§4)
§4
Tout d’abord, en ce
qui concerne les graphies. Au vers 8 d’Yvain (voir ◊Chap1 §2), vous voyez que le verbe
qui signifie “manger” est écrit mengier ou mangier, selon les
manuscrits ; au vers 4, le nom qui signifie “cour” est écrit court
ou cort ; si je veux parler de ce verbe et de ce nom sans rester
attachée à un texte donné, il me faut disposer d’un système graphique de convention.
Ce système graphique sera celui de l’Altfranzösisches Wörterbuch (“dictionnaire
ancien français”, le TL de la ◊Bibliographie).
Je parlerai ainsi du verbe +mangier et du nom +cort, et plus
haut ◊Chap1
§1, vous lisez +o, +il, et +oïl et §3 vous lisez +roche9.
Partons du français moderne.
Soit les phrases Il a peur. Ces peurs ont quelque chose d’idiot qui n’aurait
pas lieu de se produire. Il vous semblera tout naturel que je dise
que dans ces phrases je rencontre trois occurrences du verbe avoir
(à savoir a, ont, aurait), et deux occurrences de la
préposition de (à savoir d’ et de). En ancien français
comme en français moderne, certains mots aparaissent au pluriel, d’autres
au singulier, les verbes sont conjugués ou non, les adjectifs sont masculins
ou féminins, etc. Pour parler de ces mots en m’extrayant de la forme particulière
qu’ils revêtent, je citerai les verbes à l’infinitif, les noms au cas régime
singulier10,
les adjectifs au cas régime masculin singulier, etc., et presque toujours
dans la graphie du TL. En fait, je suivrai majoritairement les lemmes du TL,
et parfois ceux de Ollier2, qui a lemmatisé toutes les formes graphiques
occurrentes des romans de Chrétien édités aux CFMA d’après la copie de Guiot,
en suivant de près le TL. Par exemple, le mot qui signifie “roi” apparaît
dans le passage d’Yvain cité ◊Chap1
§2 sous les formes roys et rois (vers 1) : ce sont des
formes de cas sujet singulier11
et la première, assez tardive, avec son ‑y‑ : je parlerai
du mot +roi ; le mot qui signifie “jeune fille” y apparaît sous
les formes pucheles et puceles (vers 11) : ce sont des
formes de pluriel, et la première picarde : je parlerai du mot +pucele.
1.1.2.4. Exploiter la variation. (§5)
§5
Ce sont là des dispositifs
simples dans leur idée, et réalisables parce que le TL nous a frayé la voie.
Mais je n’ai pas abordé le volet qui consiste à exploiter la variation. Nous
pouvons nous appuyer sur les réalisations variées d’un élément donné pour
retrouver ce qu’elles ont en commun, et ces traits communs, nous pouvons penser
(dans certains cas, bien choisis) qu’ils relèvent des structures fondamentales
de l’état de langue que nous voulons étudier.
Voici un exemple. En français
moderne, la terminaison de personne 5 au tiroir indicatif imparfait et
au tiroir conditionnel est ‑iez (ex. : vous chant‑iez,
vous chante‑r‑iez). Cet état est hérité de l’ancien
français, où la terminaison était également commune aux deux tiroirs. Nous
allons examiner toutes les réalisations de personne 5 de ces deux tiroirs
sur le passage correspondant à PercL v1301-v3407, d’une part (à gauche)
dans le manuscrit A appréhendé à travers PercLLé et d’autre
part (à droite) dans les variantes de ces réalisations telles qu’on les lit
dans le manuscrit T appréhendé à travers PercB. Je détache les
terminaisons étudiées ; si ‑r‑ est isolé entre deux
tirets, c’est que nous avons une personne 5 du tiroir conditionnel ;
je fournis un contexte copieux et des indications de coupures pratiquées dans
les sources seulement pour PercLLé et je supprime au maximum les signes
de ponctuation de PercB.
Ms A appréhendé à travers PercLLé (les numéros de vers sont
précédés de la lettre v) et leçons correspondantes du ms T appréhendé
à travers PercB (les numéros de vers ne sont pas précédés de la lettre
v)
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v1452 “Amis, sav-r-ïez vos ausi ==== Amis,
sav-r-iiez vos ensi 1456 /./ ?” |
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v1507V “Amis, se vos ancontr-ïez ==== Amis, se
vos encontr-iiez 1511 v1508 un chevalier, que fe-r-ïez ==== .I. chevalier, que fe-r-iiez 1512 /./ ? /./.” |
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“/./ v1606 vos por-r-eiez asez mialz dire. ==== Vos por-r-iiez asez mix dire 1610 /./.” |
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“/./ v1612 Vos me deïstes, biax amis, v1613 qant je vos amenai ceanz, v1614 que vos toz mes comandemanz v1615 fe-r-eiez.— Et ge si ferai, ==== Fe-r-iiez. — Et je si ferai 1619 /./.” |
|||
“/./ v1678 mes des or, la vostre merci, v1679 vos pri que vos an chastïez, v1680 que se vos plus le dis-eiez ==== Car se vos plus le dis-iiez 1682 v1681 a folie le tanroit l’an. /./.” |
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“/./ v1836 Mes qui vos diroit orandroit v1837 tot nostre covine et nostre estre, v1838 vos cuide-r-eiez, puet cel estre, ==== Vos cuide-r-iiez, puet cel estre 1840 v1839 que de malvestié le deïsse v1840 por ce qu’aler vos an feïsse. /./.” |
|||
v2106 “Sire, mout m’avez or requise v2107 de povre chose et de despite. v2108 Mes s’ele vos ert contredite, v2109 vos le tan-r-eiez a orguel, ==== Vos le tend-r-iiez a orgueil 2111 /./.” |
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“/./ v2388 — Quoi, sire ? Retornez vos an, v2389 que, se vos avant al-eiez, ==== Que se vos avant al-iiez 2391 v2390 ja, ce cuit, n’esploite-r-eiez.” ==== Ja rien n’i esploite-r-iiez 2392 |
|||
v2399 Puis dist : “Sire,
volez savoir v2400 comant vos por-r-ïez avoir ==== Coment vos por-r-iiez avoir 2402 v2401 le chevalier et le chastel ? /./.” |
|||
v3020 Et il li dist : “De
ce et d’el v3021 av-r-eiez vos mestier, ce cuit. ==== Av-r-iiez mestier bien, je quit 302712 /./.” |
Bilan : les traits communs
de la terminaison de personne 5 qui nous intéresse sont les suivants :
elle est partout dissyllabique, les formes placées en rime nous assurent que
ce qui dans cette terminaison est graphié ‑ez appartient à la
syllabe tonique du mot13.
Si Chrétien n’était pas si paresseux (pour sa commodité de versificateur,
il a presque toujours fait rimer cette terminaison de personne 5 avec elle-même !),
nous pourrions exploiter les formes en rimes pour répondre à la question suivante :
dans ce que l’édition de PercL transcrit ‑ïez (deux syllabes !),
l’élément ‑ï‑ correspond-il
à une prononciation [i] ou à une prononciation [ij] ? En fait, un exemple
dans PercLLé montre que dans cette terminaison de personne 5 des tiroirs
indicatif imparfait ou conditionnel, ce ‑ï‑ doit se lire [ij] :
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“/./ Bien sachoiz que je vos ferroie, se plus parler m’an feisïez.” Lors fu li chevaliers iriez, /./. |
v1098 |
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(Traduction, “Sachez bien que je vous frapperais si vous m’en faisiez parler
davantage. Alors le chevalier fut en colère”.)
En effet, dans PercL, le participe passé du verbe +irier se
prononce toujours avec [rj], comme le montrent d’autres rimes14.
Si donc l’on accepte l’idée
que les exemples des manuscrits A et T sur lesquels nous avons
travaillé peuvent être exploités pour décrire et connaître la langue dans
laquelle écrivait Chrétien dans la décennie 1180-119015,
nous dirons que pour lui, la terminaison de personne 5 en question est dissyllabe
et que sa dernière syllabe se termine par [j´ets] : nous lirons ainsi
savrïez v1452 [savrijets]. Si nous observons l’aboutissement de cette
terminaison en français actuel, ‑iez, nous avons tout lieu de
penser que dans l’état de langue médiéval qui a aboutit à notre ‑iez,
la première syllabe de cette terminaison ne comportait pas de consonne. Autrement
dit, en nous servant des manuscrits, du mètre, de la rime, du français moderne,
nous pouvons poser un certain nombre de traits assurés concernant la nature
de cette terminaison en ancien français.
1.1.2.5. Variation et enseignement. (§6)
§6
Les questions qui se posent
à l’enseignant chargé d’initier à l’ancien français sont nombreuses. Beaucoup
d’entre elles se rattachent à la variation. Cet enseignant a peut-être en
tête un ancien français idéal, mais les faits le confrontent à des réalisations
changeantes. En fait, tout enseignant de langue rencontre ces questions.
L’enseignant d’ancien français
connaîtra sans doute quelques craintes spécifiques. Il redoutera que le nombre
des variantes n’effraie les étudiants ou — pire — qu’ils nourrissent des idées
fausses et qu’ils s’avisent de croire que l’ancien français, c’est ce que
l’on veut et n’importe quoi. En outre, l’enseignant d’ancien français aura
peur que les étudiants ne s’imaginent qu’ils doivent retenir une multitude
de formes liées à la variation ou — pire, de nouveau — que, s’ils sont débutants,
ils ne puissent comprendre comment s’explique cette variation et placent sur
le même plan des formes qui ont chacune leur spécificité dans un contexte
donné (ainsi, dans Yvain 11, cité plus haut dans le présent ◊Chap1 §2, le copiste Guiot n’écrirait
jamais pucheles, parce qu’il n’est pas picard).
Il se trouve qu’en comparant
les différentes réalisations de nombreux textes en vers écrits pendant une
même période, en pratiquant la méthode de la réduction aux facteurs communs,
en prenant en compte les origines (surtout latines) et les développements
ultérieurs du français, on parvient à décrire les traits principaux de la
langue d’oïl écrite pendant une période donnée et dans une région donnée (il
s’agit de ne pas tout mélanger). Depuis presque deux siècles, les grammairiens
se livrent à ces activités et en ont tiré des déductions fiables. Ce qui veut
dire que la variation n’empêche pas de dégager, époque par époque et région
par région, des structures linguistiques invariantes ; on pourrait
même dire que prendre appui sur la variation facilite l’accès aux structures
fondamentales, comme le montre la petite étude du présent ◊Chap1
§5.
Donc nous pouvons décider
d’étudier l’ancien français de telle époque et de telle région. De façon toute
pragmatique, toutefois, afin de ne pas confronter les étudiants à une multitude
de formes variantes et ce, pour leur éviter de courir les risques de mauvaise
interprétation énumérés ci-dessus en ce §6, d’une part nous nous intéresserons
seulement à l’ancien français de la fin du 12e et du début du 13e
siècle, d’autre part, nous aborderons cet état de langue à travers un seul
texte, enfin, nous choisirons un texte transmis par un seul copiste, qui observe
des graphies assez régulières. Ce qui ne veut pas dire que nous négligerons
la variation : j’aurai souvent l’occasion de mettre en parallèle les
particularités du système graphique du copiste avec celui du TL, qui est fabriqué,
mais d’autant plus cohérent.
Il me semble que si l’on
s’est familiarisé avec l’ancien français du texte que je vais proposer, si,
plus tard, par ailleurs, on étudie la phonétique historique et le latin, et
que bien entendu on ait des dispositions et du goût pour ce type d’étude,
il sera facile par la suite d’entrer dans n’importe quelle autre production
d’oïl.
1.2. PercL. (§7, §8, §9, §10, §11,
§12)
1.2.1. Présentation de PercL. (§7)
§7
Le texte choisi comme base
d’étude est un passage de l’édition par Félix Lecoy du Roman de Perceval
de Chrétien de Troyes16
tel que nous l’a transmis un manuscrit du début du 13e siècle,
Paris, BnF fr. 794, dû au scribe champenois Guiot. Je reproduis des passages
copiés par Guiot ◊Chap1
§2 (texte de droite), ◊Chap1
§3, et ◊Chap1
§5 (texte de gauche). J’appelle PercL cette édition, dont la ◊Bibliographie décrit
les particularités sv. Composé en vers par Chrétien avant la fin du 12e
siècle et transmis par un copiste respectueux de la syllabation du plus ancien
français (il ne réduit pas les hiatus) et de la flexion casuelle (voir ◊Chap2), ce texte
paraît un bon exemple de la langue d’oïl de la fin du 12e siècle ;
ses traits régionaux sont facilement identifiables et sans doute moins déroutants
pour un débutant que ceux de textes provenant par exemple de Picardie ou de
Lorraine. Et en dépit des apparences (cf. ◊Chap1
§3 à propos de roche/roiche), le copiste Guiot a un système graphique
relativement régulier. Les vers du texte sont exactement mesurés et rimés,
or la rime et le mètre donnent beaucoup de renseignements sur la langue, et
en outre seul un travail sur un texte en vers permet d’appréhender le nombre
de syllabes des mots, ce qui est indispensable pour les études de morphologie.
Un des avantages que présente
par ailleurs pour moi PercL, c’est que je dispose pour le travailler
d’instruments fondamentaux pour toute étude de texte sérieuse, mais que nous
sommes assez rarement en mesure de réunir : une reproduction photographique
du Perceval dans le manuscrit BnF fr. 794, que j’ai achetée à la BnF,
un texte électronique fondé sur PercL (PercLLé de la ◊Bibliographie),
une édition comprenant toutes les variantes de sens de Perceval (PercB
de la ◊Bibliographie),
une concordance de PercL réalisée à Aix-en-Provence, brute, mais claire
et avec un classement intéressant des formes graphiques occurrentes (voir
PercLConcAndrieu de la ◊Bibliographie),
une concordance lemmatisée complète des publications de Chrétien aux CFMA
(voir Ollier2 de la ◊Bibliographie),
les extraordinaires études sur Chrétien et Guiot réalisées par Brian Woledge
(voir sous ce nom dans la ◊Bibliographie),
et de nombreuses autres études, que l’on trouvera répertoriées dans la ◊Bibliographie. J’ajoute
que Félix Lecoy, éditeur de PercL, est un romaniste de premier plan
et que pour ma part, je mène depuis plusieurs années sur PercL et sur
Guiot un travail soutenu, dont la publication appelée PlouzeauPerceval
dans la ◊Bibliographie ne
reflète qu’une infime partie.
1.2.2. Lire les vers de PercL. (§8, §9,
§10, §11)
1.2.2.1. Le mètre et la rime. (§8)
§8
PercL est écrit en
un mètre que dans la terminologie traditionnelle on appelle octosyllabe. Ce
mètre est encore utilisé au 20e siècle, comme en témoigne l’extrait
suivant.
Juin ton soleil ardente lyre
Brûle mes doigts endoloris
Triste et mélodieux délire
J’erre à travers mon beau Paris
Sans avoir le cœur d’y mourir17.
Au 12e siècle,
l’octosyllabe a été un instrument favori des narrations en langue d’oïl, et
son usage par un auteur n’implique pas pour autant que les narrations écrites
en octosyllabes soient particulièrement “poétiques”. Mais je ne ferai pas
de théorie littéraire. Bornons-nous à savoir lire les vers pour ne pas trahir
ceux qui ont fait l’effort de se plier à leurs contraintes. Sachez que les
octosyllabes de PercL riment toujours deux à deux (on parle de couplets
d’octosyllabes).
Voici quelques extraits de PercL.
(Comme presque partout dans
le présent cours, le texte de PercL est cité à partir de PercLLé.
Sur les rapports entre PercL et PercLLé voir ces entrées dans
la ◊Bibliographie.)
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Et li vaslez sanz nul arest
s’an va poignant par la forest tant que es terres plainnes vint sor une riviere qui tint de lé plus d’une arbalestee, si s’estoit tote l’eve antree et retrete an son grant conduit. Vers la grant riviere qui bruit s’an va tote une praerie, mes an l’eve n’antra il mie, qu’il la vit mout parfonde et noire et asez plus corrant que Loire. |
v1301 v1302 v1303 v1304 v1305 v1306 v1307 v1308V v1309 v1310 v1311 v1312 |
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Si com l’eve aloit au regort, torna li vaslez a senestre /./. |
v1320 v1321 |
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“/./ — Donc descendez.” Et il descent. Uns des vaslez son cheval prant, /./. |
v1415 v1416 |
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Se bien esteüst as sergenz, mout fussent bel, mes il avoient meseise eü tant qu’il estoient tel qu’an s’an poïst mervellier, de geüner et de vellier. |
v1742V v1743 v1744 v1745V v1746 |
Il importe que nous sachions
décompter les syllabes pour étudier la langue (nous l’avons vu à propos de
notre étude sur certaines réalisations de personne 5 ◊Chap1
§5). La définition de l’octosyllabe est que le dernier accent tonique du vers
frappe sa huitième syllabe, qu’on fait donc entendre bien fort. Si l’on trouve
encore une syllabe après, cette syllabe comporte nécessairement la voyelle
[], et l’on est en
présence d’une rime féminine. Comment reconnaître une rime féminine dans le
texte ? Dans PercL, chaque fois qu’un vers se termine par ‑e,
‑es, nous avons une rime féminine. Si un vers se termine par
‑ent et que ce ‑ent appartienne à une personne 6,
nous avons aussi une rime féminine ; si ce ‑ent ne relève
pas d’une personne 6, nous avons une rime masculine. Dans les passages produits
ci-dessus dans le présent §8, nous lirons donc (j'écris en MAJUSCULES la huitème
syllabe : faites-la bien entendre) :
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Et li vaslez sanz nul arest /./. |
v1301 |
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(la huitième syllabe du vers
est ‑rest ; rime masculine ; traduction mot
à mot, “Et le jeune homme sans aucun arrêt”)
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/./ et asez plus corrant que Loire. |
v1312 |
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(la huitième syllabe du vers
est Loi‑ ; rime féminine ; traduction, “et bien plus
rapide que la Loire”)
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/./ mout fussent bel, mes il avoient /./. |
v1743 | ![]() |
(la huitième syllabe du vers
est ‑voi‑ ; rime féminine ; traduction, “ils
auraient été très beaux, mais ils avaient”)
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“/./ — Donc descendez.” Et il descent. |
v1415 |
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(la huitième syllabe du vers
est ‑cent ; rime masculine ; traduction, “descendez
donc de cheval. Et il descent”).
À l’intérieur du vers, un
[] a une pleine valeur
syllabique, sauf s’il précède une voyelle : dans ce cas, il s’élide la
plupart du temps18
(comme en français standard d’aujourd’hui). Exemples :
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/./ ot une tor et fort et grant ; /./. |
v1326 | ![]() |
(dans ce vers, on n’escamote
pas le ‑e de une ; traduction mot à mot, “il y avait
une tour forte et grande”)
mais dans
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/./ Si com l’eve aloit au regort, /./. |
v1320 | ![]() |
et dans
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/./ et retrete an son grant conduit. |
v1307 |
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il faut bien lire Si com l’ev’
aloit au regort et Et retret’ an son grant conduit. (Pour l’interprétation
de ces vers voir respectivement ◊Chap2 §22 et ◊Chap20 §20.)
Vous remarquerez que nous avons pris l’habitude de noter le plus souvent par
une apostrophe le [‑]
élidé des monosyllabes, mais que nous conservons graphiquement le [‑
]
élidé des polysyllabes.
1.2.2.2. Tréma. (§9)
§9
Autre chose très importante :
l’interprétation du tréma.
La fonction du tréma dans
PercL (comme dans la majorité des transcriptions modernes de textes
d’oïl) est la suivante : placé sur une voyelle, le tréma marque que celle-ci
est en hiatus par rapport à une voyelle ou à une diphtongue qui lui est contiguë ;
en d’autres termes, la voyelle sous tréma constitue à elle seule l’élément
vocalique de la syllabe à laquelle elle appartient. Dans les vers de ce §9
qui sont découpés en syllabes, j'écris en MAJUSCULES la huitème syllabe :
faites-la bien entendre.
Exemple :
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/./ mes qu’ausi fere le seüst. |
v1458 |
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(syllaber Mes= qu’au=si=
fe=re= le= se=üst :
‑ust est la huitième syllabe ; traduction littérale,
“à condition qu’il sût agir de la même façon”).
Autres exemples, tirés des
passages cités ◊Chap1
§8 :
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/./ tel qu’an s’an poïst mervellier, /./. |
v1745V | ![]() |
(syllaber Tel= qu’an= s’an=
po=ïst= mer=ve=llier ;
traduction, “tels qu’on aurait pu s’en étonner”).
On opposera oï à oi :
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/./ qu’il la vit mout parfonde et noire /./. |
v1311 | ![]() |
(Syllaber Qu’il= la= vit=
mout= par=fon=d’ et= noi=re ; traduction, “car il la vit très profonde
et très noire”.)
Mais attention ! Comme
la plupart des éditeurs, Félix Lecoy omet le tréma sur certaines séquences,
en s’en remettant à la culture du lecteur ; en appliquant les règles
de versification, vous devez reconnaître tout seuls s’il y a ou non diérèse.
Par exemple, dans
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/./ s’an va tote une praerie, /./. |
v1309 | ![]() |
(pour l’interprétation de ces
vers voir ◊Chap2
§21)
on syllabe S’an= va= to=t’ u=ne= pra=e=ri=e
(l’éditeur aurait pu faire imprimer praërie ou präerie19),
dans
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/./ qui se seoit devant son tré, /./. |
v2160V | ![]() |
(traduction, “qui était assis
devant sa tente”)
on syllabe Qui= se = se=oit= de=vant= son = tré
dans
![]() |
![]() |
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![]() |
/./ einz se panse que ele ira a son oste et si li dira de son afere une partie. |
v1955 v1956 v1957 |
![]() |
(traduction, “au contraire elle pense en elle-même qu’elle ira trouver son
hôte et lui dira une partie de ce qui la concerne”)
on syllabe Einz= se= pan=se que= e=l’ i=ra
(l’éditeur aurait pu faire imprimer quë ; noter que dans
ce vers, c’est le [‑]
de ele qui s’élide : celui du monosyllabe que, on démontre
qu’il peut continuer à se prononcer).
1.2.2.3. Valeur phonétique de certaines lettres.
(§10)
§10
Pour lire au moins mal, il
vous faudrait dominer la phonétique historique. En attendant, suivez bien
les conseils du premier enregistrement (e1), et rappelez-vous ceci,
qui est fondamental : dans la partie du texte au programme, ‑z,
ç, ainsi que c placé devant i ou devant o se lisent
[ts] ; la finale ‑ez ne comporte jamais de []
et appartient toujours à la dernière syllabe tonique d’un mot ; ‑x
est une abréviation pour ‑us qui n’a jamais valeur syllabique :
dans chastiax, ‑tiax = ‑tiaus, et ‑tiaus
se lit en une seule syllabe.
1.2.2.4. Exercice de syllabation. (§11)
§11
Syllaber sur le modèle pratiqué
◊Chap1
§9 en indiquant où est la huitième syllabe et bien lire les vers suivants20 :
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A .IIII. parties del mur, /./ avoit .IIII. basses torneles, /./. Li chastiax fu mout bien seanz /./. Devant le chastelet reont ot sor l’eve drecié un pont /./. |
v1331 v1333 v1335 v1337 v1338 |
(Pour la signification de ces
vers, voir ◊Chap2
§19.)
1.2.3. Comprendre PercL. (§12)
§12
Ce n’est pas tout de lire
ces vers, il faut aussi les comprendre (et par ailleurs, les comprendre aide
à les lire bien). Comme pour toute langue, il nous faut connaître grammaire
et lexique. Dans chaque cours, je commenterai des morceaux choisis de PercL
à propos desquels se constitueront peu à peu une grammaire. Pour un texte
tel que PercL, les véritables instruments pour comprendre le sens des
mots sont le TL, ce qui est paru du DEAF, FouletPerceval, les
dictionnaires de Chrétien et les glossaires de différentes éditions de Perceval ;
le tout manque en France à passablement de bibliothèques, et de toute façon
la consultation de cet ensemble n’est pas supposée être le travail d’un débutant,
en France, du moins. Ne vous effrayez pas : de très nombreux mots ont
subsisté avec leur sens en français moderne (parfois avec de petits changements
de forme) ; en outre le glossaire de PercL préparé par Félix Lecoy
est très nourri (vous devez impérativement le posséder) ; je constitue
de mon côté un ◊Glossaire
fondé sur les morceaux expliqués. Je procède par ailleurs dans les enregistrements
— voir ◊Enregistrements
— à l’étude détaillée de quelques mots du texte surtout au plan de leur sémantisme
et/ou de leur valeur stylistique.
1.3. La meilleure façon de réussir. (§13)
§13
Elle est très simple. Il
suffit de travailler régulièrement et avec méthode. Je propose dans chaque
chapitre des exercices. En outre vous pouvez vous entraîner en préparant des
devoirs. La section ◊AvantTout
comporte le sujet de deux devoirs dont la correction est intégrée au présent
cours21.
Faites toujours les exercices et les devoirs avant de consulter la solution.
1.4. Vers le Chapitre 2. (§14)
§14
Vous avez noté qu’un sujet
d’exercice a été donné ◊Chap1
§11. En voici un autre : syllaber le troisième vers de l’extrait du 20e
siècle cité ◊Chap1
§8. Et en voici un dernier : traduire PercL v1331-v1339 (consulter le
◊Glossaire et, au
plan de la syntaxe, savoir que l’ancien français n’exprime pas toujours le
pronom personnel sujet). Dans le Chapitre 2 nous étudierons PercL v1301-v1364.
Fin du Chapitre 1 de May Plouzeau, PercevalApproches
◊Chap1 Fin
Dernière correction : 11 juin 2005.
Date de mise à disposition sur le site du LFA : 16 avril 2007.