May Plouzeau, PercevalApproches, Chapitre 3
◊Chap3 (§68-§98)

  

Sommaire.

            3.1. Corrigé d’exercices proposés ◊Chap2. (§68, §69)
                        3.1.1. Déclinons quelques syntagmes. (§68)
                        3.1.2. Exercices sur la loi rythmique. (§69)
            3.2. Proposition d’exercices sur la loi rythmique. (§70)
            3.3. Traduction et/ou commentaire de PercL v1737-v1823. (§70a, §71, §72, §73, §74, §75, §76, §77, §78, §79, §80, §81, §82, §83, §84)
                        3.3.1. Situation du passage. (§70a)
                        3.3.2. Traduction et/ou commentaire de PercL v1737-v1741 : .IIII. sergent. (§71)
                        3.3.3. Traduction et/ou commentaire de PercL v1742-v1746 : condition déplorable des sergenz. (§72)
                        3.3.4. Traduction et/ou commentaire de PercL v1747-v1753 : un chastel désert. (§73)
                        3.3.5. Traduction et/ou commentaire de PercL v1754-v1763 : mostiers à l’abandon. (§74)
                        3.3.6. Traduction et/ou commentaire de PercL v1764-v1771 : un chastel sans provisions de bouche. (§75)
                        3.3.7. Traduction et/ou commentaire de PercL v1772-v1785 : arrivée au palés. (§76, §77)
                        3.3.8. Traduction et/ou commentaire de PercL v1786-v1792 : dui prodome. (§78)
                        3.3.9. Traduction et/ou commentaire de PercL v1793-v1802 : présentation de Blancheflor. (§79, §79a)
                        3.3.10. Traduction et/ou commentaire de PercL v1803-v1807 : Chrétien portraitiste. (§80)
                        3.3.11. Traduction et/ou commentaire de PercL v1808-v1823 : portrait de Blancheflor. (§81, §82, §83, §84)
            3.4. Note sur les mots +tot et +trestot (morphologie et syntaxe). (§85, §86, §87, §88, §89)
                        3.4.1. Déclinaison de +tot et +trestot ; vers un examen de ces mots dans PercL. (§85)
                        3.4.2. +Tot, +trestot dans PercL v1301-v3000 : quelques exemples. (§86, §87, §88, §89)
                                   3.4.2.1. +Tot, +trestot pronoms. (§86)
                                   3.4.2.2. +Tot, +trestot adjectifs. (§87)
                                   3.4.2.3. +Tot, +trestot variables mais pouvant être glosés “tout à fait”. (§88, §89)
                                               3.4.2.3.1. +Tot, +trestot variables mais pouvant être glosés “tout à fait” : exemples de PercL. (§88)
                                               3.4.2.3.2. Remarques sur +tot, +trestot variables mais pouvant être glosés “tout à fait” : ancien français et français moderne. (§89)
            3.5. Le subjonctif imparfait : morphologie (début). (§90, §91)
            3.6. Participes présents et participes passés : morphologie et syntaxe. (§92, §93, §94, §94a, §95, §96, §96a, §96b, §97)
                        3.6.1. Participes présents et participes passés : morphologie. (§92)
                        3.6.2. Participe passé : syntaxe : phénomènes d’accord et de non accord. (§93, §94, §94a, §95, §96, §96a, §96b, §97)
                                   3.6.2.1. Syntaxe du participe passé (accord et non accord) : remarques d’ensemble. (§93, §94)
                                   3.6.2.2. Syntaxe du participe passé (accord et non accord) : application à PercL 1737-1823. (§94a, §95, §96, §96a, §96b, §97)
                                               3.6.2.2.1. Participe passé épithète du nom (détachée ou non). (§94a)
                                               3.6.2.2.2. Participe passé accordé avec le sujet du verbe (sauf les cas d’épithète du sujet). (§95, §96, §96a)
                                                           3.6.2.2.2.1. Participe passé attribut du sujet. (§95)
                                                           3.6.2.2.2.2. Participe passé élément auxilié d’une forme passive. (§96)
                                                           3.6.2.2.2.3. Participe passé et temps composé d’un verbe “perfectif”. (§96a)
                                               3.6.2.2.3. Participe passé attribut du complément d’objet direct. (§96b)
                                               3.6.2.2.4. Participe passé employé avec +avoir (mais non attribut du complément d’objet direct). (§97)
            3.7. Vers le Chapitre 4. (§98)

 

 

3.1. Corrigé d’exercices proposés ◊Chap2. (§68, §69)

 

3.1.1. Déclinons quelques syntagmes. (§68)

§68

            Voici ce qui vous était proposé ◊Chap2 §63 : “Vous allez /./ décliner au singulier et au pluriel le syntagme quarrel dur (cf. v1332, je le cite au CRS) dans les graphies du copiste Guiot et dans les graphies du TL ; et par ailleurs les syntagmes tornele fort et bele (cf. v1333-v1334, je cite au CRS), pont torneïz (cf. v1343, je cite au CRS), nul arest (cf. v1301, je cite au CRS) dans les graphies du TL (lesquelles coïncident pour ces mots avec celles de Guiot).” Les lemmes des mots sont par ordre alphabétique +arest, +bel, +carrel, +dur, +fort, +nul, +pont, +torneïz, +tornele.

 

 

CSS tornele fort et bele ou tornele forz et bele

CSP torneles forz et beles

CRS tornele fort et bele

CRP torneles forz et beles

 

 

CSS ponz torneïz

CSP pont torneïz

CRS pont torneïz

CRP ponz torneïz

 

 

CSS nus arez

CSP nul1 arest

CRS nul arest

CRP nus arez

 

            Pour les trois tableaux précédents les formes écrites dans les graphies de Guiot coïncident avec les formes écrites dans les graphies du TL. Pour ce qui reste à décliner, je commence par écrire dans les graphies de Guiot :

 

 

CSS quarriax durs

CSP quarrel dur

CRS quarrel dur

CRP quarriax durs

 

            Voici le même syntagme décliné dans les graphies du TL2 :

 

CSS carreaus durs

CSP carrel dur

CRS carrel dur

CRP carreaus durs

 

            Les différences ca‑/qua‑ sont en l’occurrence purement graphiques ; les différences ‑us/‑x sont purement graphiques ; écrire eaus au lieu de iax correspond à une différence de prononciation. La terminaison ‑eaus est celle qui s’est imposée en français général : nous disons des carreaux (dire des carriaux est aujourd’hui connoté de la campagne). Remarquez notre orthogrape actuelle : dans ‑eaux, se sont cumulés l’ancien ‑x dont on a oublié le rôle d’abréviation et l’ancien ‑us.

 

            J’espère que vous n’avez pas commis d’erreur et que vous comprenez bien comment on arrive aux tableaux proposés.

 

 

3.1.2. Exercices sur la loi rythmique. (§69)

§69

            Je rapelle ce qui vous était proposé ◊Chap2 §38 : “Tout en gardant le corps verbal comme deuxième corps de la phrase, vous allez recomposer les vers suivants de Chrétien, où je marque le corps verbal en caractères gras soulignés.” Les vers proposés étaient :

 

  Li chastiax  |  fu  |  mout bien seanz         
/./.

Li ponz  |  estoit  |  et forz et hauz,           
/./.

Vers la grant riviere qui bruit
 |  s’an va  |  tote une praerie,                    
/./.

Si  |  s’an va  |  tot selonc la rive              
/./.

“Sire, ce  |  m’anseigna  |  ma mere.        
/./.”
v1335


v1340


v1308V
v1309


v1313


v1359

 

 

 

Nous allons ne pas bouger le corps verbal, qui reste comme un pivot, et ne rien oublier des définitions proposées ◊Chap2 §30 et suivants. Je marque entre parenthèses doubles l’élément zéro (cf. ◊Chap2 §31a) et je place entre crochets doubles l’élément hors phrase qui a fonction d’apostrophe. Exceptionnellement, dans la suite et fin de ce §69 je n’utilise pas le signe “/./”, et je supprime le dernier signe de ponctuation des vers donné dans PercL.

 

peut devenir Li chastiax  |  fu  |  mout bien seanz         

Mout  |  fu  |  li chastiax bien seanz.
v1335


 

peut devenir

Li ponz  |  estoit  |  et forz et hauz  
         

((Et)) forz et hauz  |  estoit  |  li ponz :

v1340


 

on considère alors que les deux adjectifs s’énoncent d’une seule coulée, ou bien on raffine stylistiquement :

ou encore ((Et)) forz  |  estoit  |  li ponz et hauz,

 

((Et)) hauz  |  estoit  |  li ponz et forz.
   

Notez que je fais l’effort de conserver de parfaits octosyllabes ; mais si je composais le roman et que j’optasse pour certains changements proposés ci-dessus, il me faudrait trouver des rimes à ponz et à forz.

 

peut devenir Vers la grant riviere qui bruit
|  s’an va  |  tote une praerie                     

Tote une praerie  |  s’an va  | 
vers la grant riviere qui bruit.
v1308V
v1309



 

 Mais dans ces conditions je devrais recomposer les vers 1307 et 1310 pour garder des vers rimant deux à deux ! En outre, vous notez que

  Tote une praerie  |  s’an va  |     

est un vers faux : praerie se trouvant maintenant à l’intérieur du vers devant une consonne, il compte à lui seul quatre syllabes, et nous aboutissons à un vers dont va est la neuvième syllabe accentuée, ce qui ne convient pas du tout ! Nous pourrions arranger, très platement, en

  Tote une praerie  |  va  |    

mais il faudrait vérifier si va peut s’échanger sans danger avec s’an va en ce qui concerne sens et aspect.


  Si  |  s’an va  |  tot selonc la rive               v1313  

                                        donne dans un premier temps

  Tot selonc la rive  |  s’an va  |  si.    

Ce n’est pas satisfaisant : le vers a maintenant une syllabe de trop et par ailleurs, en changeant de place, si change de valeur (voir ◊Glossaire sv +si) : au lieu de jouer quasiment le rôle de séparateur de phrase, si banal, il reprend des sens pleins, dont celui de “ainsi”. Donc nous écrirons

  Tot selonc la rive  |  s’an va  |    

et nous serons satisfaits (mais il faudra réécrire le vers 1314 pour la rime).


  [[Sire,]] ce  |  m’anseigna  |  ma mere      v1359

                                        devient dans un premier temps

  [[Sire,]] ma mere  |  m’anseigna  |  ce.    

Mais le vers compte maintenant une syllabe de trop. Toutefois, je ne poursuivrai pas, car il n’est pas opportun de mentionner ici le double statut prosodique de ce  en fin de vers (de toute façon, ce mot n’est jamais en fin de vers dans PercL).

 

            Aviez-vous pensé à ces questions de versification en préparant les exercices ? Songez-y dorénavant.

 

 

3.2. Proposition d’exercices sur la loi rythmique. (§70)

§70

            Tout en gardant le corps verbal comme deuxième corps de la phrase, vous allez recomposer les vers suivants de Chrétien, où je marque le corps verbal en caractères gras soulignés ; conservez des octosyllabes en veillant à ne pas changer la signification des vers. Ces vers appartiennent à des passages commentés infra dans le présent ◊Chap 3 §71, §72, §73 et §75.

 

  /./
et chascuns  |  ot  |  ceinte une espee,       
/./.

/./
si  |  ont  |  la porte desfermee                  
/./.

Se bien  |  esteüst  |  as sergenz,         
mout  |  fussent  |  bel, mes il  |  avoient  |
/./.

Et s’il  |  ot  |  bien defors trovee        
/./.

/./
don l’an  |  poïst  |  un denier prandre.     

v1739



v1740


v1742V
v1743


v1747V



v1768
 

 

 

 

3.3. Traduction et/ou commentaire de PercL v1737-v1823. (§70a, §71, §72, §73, §74, §75, §76, §77, §78, §79, §80, §81, §82, §83, §84)

 

3.3.1. Situation du passage. (§70a)

§70a

            Avant d’aborder la traduction et/ou commentaire de PercL v1737-v1823, situons le passage. Le prodome au bastonet, Gornemant, a poli Perceval dans le maniement des armes, l’a fait chevalier, lui a donné quelques conseils de morale pratique, et Perceval se remet en chemin. Il arrive devant un chastel v1708 au pied duquel s’étend une terre gaste et frappe à la porte v1716.

            Mes traductions ne sont pas intégrales : veuillez consulter le ◊Glossaire pour des compléments.

           

 

3.3.2. Traduction et/ou commentaire de PercL v1737-v1741 : .IIII. sergent. (§71)

§71

  /./
et tantost .IIII. sergent vindrent,
qui granz haiches a lor cos tindrent,
et chascuns ot ceinte une espee,
si ont la porte desfermee
et dient : “Sire, venez anz.”

v1737
v1738
v1739
v1740
v1741

 

 

 

            •v1737-•v1738. Traduction possible “et aussitôt arrivèrent quatre sergents qui avaient de grandes haches au cou”. Vindrent et tindrent, deux PS 6, n’ont pas été rendus par le même tiroir : nous commençons à avoir l’habitude des différentes valeurs du tiroir passé simple en ancien français.

            •v1737. Le sens originel de +serjant est “celui qui sert”. J’ai traduit sergent CSP par “sergents” parce que l’armement suggère que les services rendus par ces personnages le sont dans les combats. Mais toute traduction en français moderne est une trahison ; sur ce mot, consulter impérativement le ◊Glossaire sv +serjant et écouter e6 et e7.

            •v1738. Sur cos voir ◊Chap2 §58.

            •v1738. Le mot +hache (graphie du TL) peut s’écrire haiche dans l’est de la France. Nous avons rencontré roiche/roche (cf. v1314 et v1317, TL +roche) et nous allons voir aaige (TL +äage) v1790. Il est probable que, du moins à certaines époques et chez certaines personnes, ces graphies avec ‑i‑ traduisent dans la prononciation la présence d’un yod de passage entre la voyelle et les consonnes post-alvéolaires prononcées palatales. Selon Kawaguchi­ChampPhon1 p53, ‑aige pour ‑age est — en Champagne — surtout fréquent dans le sud. Des haches pèsent lourd. Pourquoi et comment les “tenir” (comme dit spécifiquemet le texte) au cou ? Sont-elles suspendues par une attache ? En fait seuls trois manuscrits présentent les haches maintenues de la sorte, les autres ont d’autres leçons pour le v1738. En voici quelques-unes (que je cite d’après PercB, en remplaçant chaque fois par leur initiale les mots communs au manuscrit A, base de PercL, et tel ou tel manuscrit) : Q. glaives {“lances”} et espees t. dans le manuscrit Q, et Q. g. h. en lor mains t. dans le texte de PercB. Le tableau est un peu différent ! Et vous cernez peut-être l’absurdité qu’il y a à pratiquer un commentaire de texte mot à mot s’agissant d’un roman dont les versions sont si mouvantes (ce qui ne m’empêche naturellement pas de me livrer à cette activité). Selon qu’on lira Perceval dans l’un ou l’autre manuscrit, on ne se représentera pas les mêmes choses.

            •v1739. /./ ot ceinte une espee. Soit “avait ceint une épée” soit “portait une épée ceinte”. Vous êtes habitués aux transpositions des tiroirs dans la traduction en français moderne. Pour la question “avait ceint” ou “portait /./ ceinte” voir infra dans le présent ◊Chap3 §94.

            •v1740. Inutile de traduire Si (mais bien comprendre le fonctionnement de l’adverbe +si : voir sv au ◊Glossaire).

 

 

3.3.3. Traduction et/ou commentaire de PercL v1742-v1746 : condition déplorable des sergenz. (§72)

§72

  Se bien esteüst as sergenz,
mout fussent bel, mes il avoient
meseise eü tant qu’il estoient
tel qu’an s’an poïst mervellier,
de geüner et de vellier.
v1742V
v1743
v1744
v1745V
v1746

 

 

 

            •1742-•v1743 Se bien esteüst as sergenz, Mout fussent bel. Se est conjonction de subordination “si”. Nous avons un système conditionnel dont les deux verbes sont au subjonctif imparfait. Une traduction littérale serait “si la situation avait été bonne pour les sergenz, ils auraient été très beaux”. Or, il n’en est rien : l’hypthèse porte sur un fait passé qui s’est révélé faux (quand on décrivait la syntaxe du latin en mon enfance, on parlait, au plan notionnel, d’irréel du passé) ; le résultat de cette hypothèse s’est également révélé faux. Pour exprimer cela, l’ancien français dispose d’un système très simple : +se + subjonctif imparfait dans la subordonnée // subjonctif imparfait dans la principale.

            •v1744-•v1745 il estoient Tel qu’an s’an poïst mervellier. Reconnaissez en tel l’attribut du sujet il : donc CSPm, tout à fait banal. “Ils étaient tels qu’on aurait pu s’en étonner” : poïst, subjonctif imparfait 3 de +pöoir traduit aussi un irréel du passé “on aurait pu” (si on avait été là).

 

 

3.3.4. Traduction et/ou commentaire de PercL v1747-v1753 : un chastel désert. (§73)

§73

  Et s’il ot bien defors trovee
la terre gaste et escovee,
dedanz rien ne li amanda,
que par tot la ou il ala
trova anhermies les rues
et les meisons viez decheües,
qu’home ne fame n’i avoit.
v1747V
v1748
v1749
v1750
v1751
v1752
v1753V

 

 

 

            •v1747-•v1748-•v1749 Et s’il ot bien defors trovee La terre gaste /./, Dedanz rien ne li amanda. S’ est une forme élidée de la conjonction +se. Nous avons de nouveau, au plan formel, un système conditionnel : +se + ot trovee dans la subordonnée et amanda dans la principale. Les deux verbes sont cette fois à l’indicatif, avec des tiroirs du passé. En effet, sont bien évoqués des procès qui se sont déroulés dans le passé, mais (posé naturellement la “réalité” du cadre de la fiction), ces procès ne sont pas envisagés comme iréels : il est hors de doute que Perceval a trouvé la terre gaste en dehors du chastel et que rien ne li amanda à l’intérieur. Ainsi se réalise une des nombreuses valeurs de la conjonction +se “si”.

            •v1748 escovee. Participe passé de +escover, verbe dont un coup d’œil au TL montre qu’il est régional (ce qui n’est relevé dans aucune des études sur Chrétien que j’ai consultées). C’est donc un mot pittoresque, et il faudrait veiller à ne pas produire une traduction édulcorée. Le glossaire de PercL traduit “balayée”, qui est aussi le sens premier. Pourrions-nous risquer “nettoyer” ? Sur +escover, les curieux écouteront PlouzeauPerceval, E13 et E14.

            •v1750 par tot. Locution adverbiale “partout”.

            •v1752 viez. Pour exprimer la notion de “vieux”, on trouve (au moins) les trois mots suivants dans PercL (je les graphie sous la forme qui est la leur en tant qu’entrée du TL) : +ancïen (v7322°), +vieil (v4892, v8773, explicit), +viez (v1752, v7235°, v8171). En vous reportant aux passages où apparaissent ces mots (voir ◊Mots en contexte), pouvez-vous montrer en quoi ils ne sont pas interchangeables ? Des éléments de réponse figurent ◊Chap 4 §104-§105.

            •v1752 decheües. Sur la formation du participe passé de +chëoir et de ses dérivés préfixaux, voir infra dans le présent ◊Chap3 §92.

            •v1753. “Il n’y avait ni homme ni femme” : Qu’, forme élidée de +que, conjonction, doit se gloser “dans des conditions telles que”. Au plan de la loi rythmique, la conjonction +que, atone, ne peut précéder immédiatement le corps verbal : ici, le découpage mettant en évidence la loi rythmique est ((Qu’))  /  home ne fame  /  n’i avoit  /.

 

 

3.3.5. Traduction et/ou commentaire de PercL v1754-v1763 : mostiers à l’abandon. (§74)

§74

  .II. mostiers an la vile avoit,
qui estoient .II. abaïes,
li uns de nonains esbaïes,
l’autres de moinnes esgarez.
Ne trova mie bien parez
les mostiers ne bien portanduz,
ençois vit crevez et fanduz
les murs, et les torz descovertes,
et les meisons erent overtes
ausi de nuiz come de jorz.
v1754
v1755
v1756
v1757
v1758
v1759
v1760
v1761V
v1762
v1763

 

 

 

            •v1754-•v1755. “Il y avait en la ville deux mostiers qui étaient deux abbayes”, mais il nous restera à définir +mostier et +abeie (le lemme du TL est +abeie, syllabation qui se rencontre dans certains textes). La définition du premier sens du mot abbaye du PetitRobert1993 est “couvent, monastère dirigé par un abbé ou une abbesse”. Il y a apparence que cette définition convienne également ici : Chrétien nous renseigne sur le statut social et administratif des mostiers. Le mot +mostier est issu du latin : lat. monast´erium donne AF mostier par voie d’usure phonétique prononcée (tandis que par emprunt savant lat. monast´erium donne monastère) ; +mostier signifie à l’origine “monastère”, “couvent”. Mostier a évolué en moutier, mot qui ne survit plus que régionalement ou dans des noms de lieu. Très souvent +mostier signifie “lieu de culte”, et alterne avec +eglise en ce sens (cf. PercL v571 et suivants et v575 et suivants). Cf. les recommandations du prodome qui s’aloit esbatant sur son pont à Perceval : Volantiers alez au mostier Proier celui qui tot a fait Que de vostre ame merci ait (PercL v1664 et suivants, qui peuvent se traduire “Allez de bon cœur à l'église prier Celui qui a tout fait Qu'il ait pitié de votre âme”). Selon André Eskénazi, dans la copie Guiot des romans de Chrétien, +eglise “correspond au contenu” “réalité à vocation spécifiquement cléricale” et +mostier, au contenu “réalité à vocation publique”3.

            •v1756 nonains. Traduire par “religieuses” parce que FM nonne est vieux ou plaisant : voir PetitRobert1993 p1497a. Georges Brassens s’amuse quand dans Le mauvais sujet repenti il fait rimer nonne avec Sorbonne.

            •v1760 Ençois. Nous avons ici un cas d’emploi très fréquent du mot +ainçois : après une proposition négative, il reformule de façon positive et il précise le contenu de la proposition négative. En ce sens, il fonctionne comme l’all. sondern. On peut le gloser par “au contraire”, “bien plus” et le traduire par “mais”. Au regard de la loi rythmique, c’est un adverbe : il constitue le premier corps tonique de la proposition et est suivi directement du corps verbal (que j'écris en majuscules) : Ençois  /  vit  /. Voici un autre exemple de ce mot avec ce fonctionnement : La sale ne rest mie quoie, Ençois  /  i a  /  mout joie et bruit  v2577 “la salle de son côté n’est pas silencieuse, mais il y a beaucoup de joie et de bruit”. Le mot +ainz (qui peut être écrit einz par Guiot) a souvent le même fonctionnement que celui qui a été décrit ci-dessus, par exemple v1955. +Ainz et +ainçois sont faits sur le même radical, et vous reconnaissez en ‑z et ‑ç‑ deux graphèmes rendant le même phonème [ts]. Pour d’autres formes et emplois de +ainçois dans PercL, voir ◊Glossaire sv +ainçois.

 

 

3.3.6. Traduction et/ou commentaire de PercL v1764-v1771 : un chastel sans provisions de bouche. (§75)

§75

  Molins n’i mialt ne n’i cuist forz
an nul leu de tot le chastel,
ne ne trova pain ne gastel,
ne rien nule qui fust a vandre
don l’an poïst un denier prandre.
Ensi trova le chastel gaste,
que n’i trova ne pain ne paste
ne vin ne sidre ne cervoise.
v1764
v1765
v1766
v1767
v1768
v1769
v1770
v1771

 

 

 

            •v1764 forz. CSS de +for “four”, nom masculin qui se décline comme +jor “jour” : cf. ◊Chap2 §57. Les dérivés fourneau ou fournaise (je cite en français moderne) montrent bien que le radical se termine par [n]. Le moulin, pour moudre, et le four, pour cuire le produit des céréales réduites en farine, sont des lieux très importants. Nous avons conservé l’expression imagée être (ou ne pas pouvoir être) au four et au moulin.

            •v1767 rien nule. Littéralement “aucune chose” ; la présence de nule féminin nous montre que rien est ici à interpréter comme un nom (et non comme le pronom indéfini rien). Le mot +rien peut déjà fonctionner comme pronom indéfini dans PercL. Une question très intéressante est d’examiner la répartition entre +rien et +chose dans un texte donné. Je ne ferai pas ce travail dans le présent cours. Dans PercL, lorsque +nul n’est pas pronom, massivement il précède le nom auquel il est incident. Il est beaucoup plus rarement placé après le nom. La rareté de cette construction fait qu’elle est peut-être expressive : nous pourrions traduire “absolument rien”. Par ailleurs, l’existence de cette construction ne permet pas d’étiqueter comme déterminant toute occurrence de +nul qui n’est pas pronom, si toutefois on utilise un des éléments de la définition du mot “déterminant” appliqué au français moderne, à savoir qu’un déterminant précède un nom4.

            •v1767 Ne {ne trova} rien nule qui fust a vandre. Fust est le subjonctif imparfait 3 de +estre. Si la narration était au présent, nous aurions Ne {ne trueve} rien nule qui soit a vandre, littéralement “et {il ne trouve} chose aucune qui présente des qualités telles qu’elle soit à vendre”. Subjonctif, parce que “le GN dont fait partie la relative {est placé} hors du champ du constat” (RiegelPR p486). Subjonctif imparfait par un phénomène de concordance des temps, aussi habituel en ancien français qu’en latin. Il n’est pas interdit de traduire en français soutenu qui pratique la concordance, “et {il ne trouva} absolument rien qui fût à vendre”.

            •v1768 Don l’an poïst. “Dont on pût” : subjonctif imparfait dans la relative, qui s’explique comme précédemment le fust du v1767. Sur certaines formes de +dont sans ‑t, voir commentaire des v1363-v1364 ◊Chap2 §27.

 

 

3.3.7. Traduction et/ou commentaire de PercL v1772-v1785 : arrivée au palés. (§76, §77)

§76

  Vers un palés covert d’atoise
l’ont li .IIII. sergent mené
et descendu et desarmé.
Et tantost uns vaslez avale
par mi les degrez de la sale,
qui aporta un mantel gris ;
au col au chevalier l’a mis,
et uns autres a establé
son cheval la ou il n’ot blé
ne fain ne fuerre se po non,
que il n’estoit an la meison.
Li autre devant ax le font
monter par les degrez amont
an la sale qui mout fu bele.
v1772
v1773
v1774
v1775
v1776
v1777
v1778
v1779
v1780
v1781
v1782
v1783
v1784
v1785

 

 

 

            Après avoir accumulé les notations qui prouvent l’état de désolation du chastel, Chrétien nous fait pénétrer au cœur du palés v1772. L’atmosphère change et l’impression de dénuement ne se maintient qu’épisodiquement ! Notez dans le récit par l’auteur l’usage de différents tiroirs qui réfèrent tous à un temps passé : opposer par exemple l’ont /./ mené, avale, aporta, n’ot, n’estoit. Le faculté d’alterner les tiroirs facilite le travail du versificateur, assurément. Toutefois, le grammairien se demande si des lois peuvent être découvertes. Je n’ai pas encore lu d’étude convaincante sur l’emploi du présent de narration. Notons une particularité. Le présent de narration est fréquent dans le récit, il est rare dans le discours (ainsi, les chroniqueurs qui décrivent des évènements auxquels ils ont assisté l’utilisent peu ; voyez aussi par exemple la mère de Perceval lui relatant l’histoire de sa famille, PercL v414 et suivants : pas de présents de narration). Je viens d'utiliser les mots récit vs discours dans l’emploi qu’en fait Émile Benveniste, et qui est expliqué comme suit dans DuboisLingLang94 p150-p151 : “Pour lui {Benveniste}, le récit représente le degré zéro de l’énonciation : dans le récit, tout se passe comme si aucun sujet ne parlait, les événements semblent se raconter d’eux-mêmes ; le discours se caractérise, au contraire, par une énonciation, supposant un locuteur et un auditeur, et par la volonté du locuteur d’influencer son interlocuteur. À ce titre seront opposés : toute narration impersonnelle (récit) et tous les rapports, oraux ou écrits, où un sujet s’énonce comme locuteur, s’adresse à un interlocuteur et organise son propos selon la catégorie de la personne (je vs tu).”

 

 

§77

            •v1772 palés. Le mot +palais n’est pas traité dans le glossaire de PercL. Il désigne soit un palais, soit “la grande salle d’apparat et de réception d’un château ou d’une demeure princière” (FouletPerceval p213).

            •v1772 atoise. “Ardoise” ; c’est une notation qui montrerait que le palés est un bâtiment luxueux : sur ce mot, cf. la discussion dans PlouzeauPerceval, E11, E12, E13.

            •v1774 descendu et desarmé. Écoutez e4 et e5.

            •v1777 un mantel. Le mot +mantel désigne un vêtement qui a la forme d’une cape. Mais attention, le mot +chape existe aussi, et l’objet qu’il désigne paraît voué à des activités spécifiques : par exemple, on mettra une chape à pluie pour braver le mauvais temps. Dans PercL le mot +chape se rencontre une fois : des moines en procession v2935 ont Chapes de paile afublées v2939, dans l’exercice de leur fonction de gens qui prient. On n’est jamais engoncé dans le mantel, et c’est heureux, car l’étiquette exige qu’on le porte dès que l’on est de loisir dans une société aristocratique. Lucien Foulet a consacré une très jolie étude au port du mantel dans les romans courtois5, ce qui me donne l’occasion de revenir sur les vaslet /./ desafublé des v1354-v1355. J’ai souligné ◊Chap2 §25 que leur tenue était légèrement négligée. Or Lucien Foulet note entre autres situations que le mantel ne se porte pas lorsque l’on s’active ; le mot desafublé montrerait peut-être que les jeunes gens s’apprêtent à aider notre Perceval (on les voit emmener son cheval et lui ôter ses armes v1416-v1417-v1418). Ce qui laisserait supposer que le prodome et les deux vaslet ont vu Perceval et l’attendent (or justement le texte ne le dit pas explicitement).

            •v1777 gris. Attention ! L’adjectif +gris peut signifier “de couleur grise” mais aussi “fait de la fourrure du petit-gris”. Parfois, le contexte ne permet pas de décider. Ici, Chrétien a voulu donner une impression de désolation, mais le palés v1772 avec son atoise v1772° est épargné : nous verrons v1797 et suivants que les fourrures abondent. Donc il vaut sans doute mieux comprendre “fait de la fourrure du petit-gris”. Le petit-gris est une variété d’écureuil très appréciée dans la pelleterie du Moyen Âge : voir infra dans le présent ◊Chap3 §79a note au v1798. Sur les valeurs du mot +gris en ancien français, les curieux consulteront l’article gris du DEAF. Sur l’histoire du mot +gris, en particulier en rapport avec la fourrure du petit-gris, voir MöhrenGris.

            •v1779 uns autres. CSSm avec la marque ‑s. Sur +autre, voir ◊Chap2 §44.

            •v1780-•v1781 il n’ot blé Ne fain ne fuerre se po non. Le mot +blé peut signifier “céréale” (mais dans ce cas il est plutôt au pluriel), ou, plus spécifiquement, “blé”. Je penche pour la première interprétation : voir la longue note au vers 1333 de ParDuchP, où est rappelé entre autres que “paille, foin et céréales sont les constituants obligés d’un repas de cheval”. Littéralement “où il n’y avait céréale ni foin ni paille si non peu”, ce qui peut donner “où il n’y avait ni céréale ni foin ni paille sinon en petite quantité”. J’ai rendu le passé simple ot par un indicatif imparfait : nous connaissons cela.

            •v1782 Que. La conjonction +que peut se comprendre ici comme introduisant la cause du manque de blé,  etc. et se rendre par “car”.

 

 

3.3.8. Traduction et/ou commentaire de PercL v1786-v1792 : dui prodome. (§78)

§78

  Dui prodome et une pucele
li sont a l’ancontre venu.
Li prodome estoient chenu,
ne pas si que tuit fussent blanc.
De bel aaige a tot lor sanc
et a tote lor force fussent,
s’enui et pesance n’eüssent,
/./.
v1786
v1787
v1788
v1789
v1790
v1791
v1792

 

 

 

            •v1786 Dui prodome. “Deux pr.”. Il y a dans PercL un usage curieux du mot prodome : il suffit à lui seul à évoquer au lecteur des personnages qu’il n’a jamais vus. Le texte dit en effet “deux pr. {c’est à dessein que je m’abstiens de traduire} et une jeune fille”, ce qui laisse croire que le mot prodome exerce sur l’imagination du lecteur ou auditeur du roman le même effet que le mot +pucele. ll doit se représenter un personnage caractérisé dans ses grandes lignes au plan visuel. Mais comment, si vraiment prodome répond dans ce texte à la définition “personnage qui joint à la vaillance du cœur la noblesse des sentiments” (PercL t2 p160b) ? Il me semble que le mot doit produire un effet similaire à une phrase dans une narration en français moderne qui serait “Arrivèrent deux notables et une jeune fille” : le nom notables évoquerait âge mûr, costume cossu, air rassis. La traduction “dignes personnages” paraît convenir, mais pas pour les mêmes raisons qu’au v1349 commenté ◊Chap2 §25 : ici prodome ne semble pas être ironique. (Rappelons que dans le TL, prodome est une sous-adresse de l’article +pro.)

            •v1786 une pucele. On trouvera dans GarnierArtPerc p15 et p16 un commentaire intéressant sur une pucele v1786 et une pucele v1722 : le syntagme désignerait dans les deux cas Blancheflor et l’emploi de l’article +un v1786 nous ferait voir la jeune fille par les yeux de Perceval, qui ne l’a pas reconnue.

            •v1788 chenu. L’adjectif chenu existe toujours, mais son emploi est marqué comme littéraire dans le PetitRobert1993, qui par ailleurs note deux sens : 1 “qui est devenu blanc de vieillesse” et 2 “Des arbres chenus : vieux arbres dont la cime est dépouillée”. Le TL définit +chenu dans la plupart de ses emplois par “ergraut, grau”, cest-à-dire respectivement “devenu gris”, “gris”. Nous pourrions traduire “les dignes personnages grisonnaient”.

            •v1789 Ne pas. On attendrait Non pas, bien plus conforme à ce que l’on connaît de la syntaxe de l’ancien français. En consultant les variantes au vers 1791 de PercB, on s’aperçoit que tous les manuscrits sauf A ont en effet Non pas. WoledgeSyntaxe affirme p123 : “Cet emploi de ne est cependant bien attesté en ancien français (Foulet, Petite Syntaxe, § 412)”.

            •v1789 tuit fussent blanc. Tuit est un CSPm. Hors contexte, on peut comprendre soit “tous fussent blancs” (blanc a ici le sens de “aux cheveux blancs”) soit “fussent tout blancs”. Vu le contexte (nos prodomes ne sont qu’au nombre de deux), c’est la deuxième façon de comprendre qui s’impose. Voyez infra dans le présent ◊Chap3 §85, §86, §87, §88, §89 des compléments sur le mot +tot.

            •v1789 fussent. Subjonctif imparfait 6. Si les personnages étaient décrits comme appartenant à notre temps présent, on aurait : Li prodome sont chenu, Ne pas si que tuit soient blanc. Le premier vers serait faux, mais là n’est pas mon souci : soient est aussi un subjonctif : il est dans une proposition indiquant une conséquence qui est envisagée comme possible, mais qui n’est pas réalisée. Dans les termes de RiegelPR (p517) : “La ‘conséquence’ n’est pas assertée, elle est seulement envisagée.” Nous avons au v1789 l’imparfait du subjonctif par un phénomène de concordance des temps avec estoient v1788 de la principale.

            •v1789. Traduction littérale “non pas de telle sorte qu’ils fussent tout blancs”, ce qui pourrait donner “mais pas au point d’être entièrement blancs”.

            •v1790 De bel aaige. “Dans la force de l’âge” (FouletPerceval p1).

            •v1790-•v1791 a tot lor sanc Et a tote lor force. Faut-il comprendre “avec tout leur sang et avec toute leur force” ou “avec leur sang et avec leur force” ? préposition peut signifier “avec”, mais il existe en ancien français une locution prépositionnelle à tot qui signifie également “avec”. Ici le contexte permet l’une ou l’autre interprétation (de même qu’au v2723). Toutefois à tot locution prépositionnelle “avec” est attesté sans ambiguïté par exemple dans Quant ele fu leanz antree A tot le graal qu’ele tint v3213 “/./ avec le graal qu’elle tenait” (un graal est une sorte de récipient : le contexte montre que “avec tout le graal” n’aurait aucun sens) ou dans Et mes sire Gauvains li livre Le palefroi a tot la sele v6593 “/./ lui remet le palefroi avec la selle”. En outre, dans ce dernier exemple (voir aussi v5471), le fait que tot ne s’accorde pas avec sele nous montre que a tot fonctionne comme une préposition. On aurait d’ailleurs pu éditer a tot en un seul mot quand on est sûr qu’il fonctionne comme préposition (auquel cas on étiqueterait atot préposition comme le fait le TL sv +atot). Vous pourriez objecter que la présence de a tote lor force oblige à analyser a “avec” + tote lor force, et, donc qu’il faut aussi analyser a “avec” + tot lor sanc. Ce n’est pas sûr. En effet dans l’article +atot du TL 1, 651, sont relevés des exemples de + +tot “kongruirend” (c’est-à-dire “qui s’accorde”, en l’occurrence avec ce qui suit), dont voici le plus parlant : a totes les haches “avec les haches” dans Villehardoin. Je note toutefois que si PercL offre des exemples indubitables de a tot “avec” invariable + nom féminin, il n’a aucun exemple de + +tot accordé avec le nom qui suit et pouvant signifier “avec” sauf, peut-être (rien n’est sûr !) celui du v1791. Il conviendrait d’examiner l’ensemble du comportement de la copie Guiot de Chrétien sur ce point.

            •v1791-•v1792 a tote lor force fussent, S’enui et pesance n’eüssent. Littéralement “ils auraient été avec toute leur force (ou avec leur force : voir supra dans le présent §78 le commentaire au v1791) s’ils n’avaient eu contrariété et déplaisir”. S’ est une forme élidée de la conjonction +se “si”, nous sommes dans un système conditionnel semblable à celui de v1742-v1743, avec un subjonctif imparfait (respectivement de +estre et de +avoir) dans chacun de ses membres.

 

 

3.3.9. Traduction et/ou commentaire de PercL v1793-v1802 : présentation de Blancheflor. (§79, §79a)

§79

  /./
et la pucele vint plus jointe,
plus acesmeë et plus cointe
que espreviers ne papegauz.
Ses mantiax fu, et ses bliauz,
d’une porpre noire, estelee
de vair, et n’ert mie pelee
la pane qui d’ermine fu.
D’un sebelin noir et chenu,
qui n’estoit trop lons ne trop lez,
fu li mantiax au col orlez ;
/./.
v1793
v1794
v1795
v1796
v1797
v1798
v1799
v1800
v1801
v1802

 

 

 

            •v1793-•v1794-•v1795 plus jointe /./ Que espreviers ne papegauz.

            Joint, étymologiquement participe passé du verbe +joindre, a ici un emploi d’adjectif, ainsi que le prouve la séquence plus jointe. Félix Lecoy traduit notre attestation “gracieuse, élégante” (PercL t2 p153b). On serait alors dans le domaine de l’expression de la beauté, que l’on ne quitterait pas avec cointe v1794°. Mais le TL 4, 1730, traduit joint qualifiant des êtres animés6 par “stramm, eifrig, munter, lebhaft”, c’est-à-dire par des mots que l’on peut gloser “vif”, “plein d’énergie”. Les exemples du TL sont nombreux (il inclut notre passage), ce qui devrait nous aider à définir le sens. On voit que l’association joint et mot désignant un oiseau de fauconnerie est récurrente, et que souvent l’oiseau est évoqué en pleine action. D’où sans doute les traductions par “stramm” etc. du TL. Mais le sens exact ne se dégage pas facilement si l’on examine toutes les citations ! Dans de nombreux exemples joint qualifie des chevaliers qui après un épisode de combat ont conservé tout leur allant. Je proposerais (sous toute réserve) l’analyse sémantique suivante : pour un personnage dont l’aspect reste impeccable après un épisode mouvementé, la référence à l’extérieur reflète les dispositions internes, comme lorsque nous dirions cela me laisse de marbre, ou en anglais to be unruffled. Peut-être l’évolution sémantique aurait-elle été “qui a ses plumes (puis ses cheveux, ses habits) bien ajustés” (penser au sémantisme de +joindre !), d’où “net (sur soi)”, “qui ne s’est pas laissé démonter”, “en possession de tous ses moyens”. Voici quelques citations tirées de l’article +joindre du TL qui illustrent ce que je viens de dire : “[De la fort lance rompirent li blason {‘les boucliers’}, Outre s’en passent si joint com doi {‘deux’} faucon, BHant. festl. III 7614.] Si grans cos s’alerent donner Dessus les elmes {‘les casques’} a un tas Que les lanches {‘lances’} font par esclas Voler envers le chiel {‘ciel’} amont ; Plus joint qu’oisel oultre s’en vont, RCcy 1422.” On comprendrait dans ces conditions que les médiévistes aient traduit tantôt “gracieux” etc. et tantôt “vif” etc. N’oublions pas non plus que le sens du mot a pu évoluer au cours du Moyen Âge. Pour ma part, j’aurais besoin de pousser mes propres recherches pour parvenir à dégager avec certitude (?) les sèmes de joint adjectif. Ce que l’on doit noter, c’est à quel point la pratique de traductions qui se substituent à la recherche du sens précis fige, oriente, et souvent détruit notre accès au texte.

            Une chose est certaine : en comparant les qualités de la jeune fille à celle d’un épervier (+esprevier), Chrétien reste dans la tradition. N’oublions pas que les oiseaux de fauconnerie sont des oiseaux nobles, que la classe aristocratique les avait sans cesse sous les yeux et sur le poing, et que pour elle, prendre comme point de comparaison un épervier est tout à fait parlant. Mais avec le perroquet (papegauz v1795° ; lemme du TL, +papegai), Chrétien détonne et s’amuse (selon moi), au point que la comparaison a été reprise dans le portrait d’une héroïne de fabliau, Guillaume au faucon, dont fait état le ◊Glossaire sv +passemervoille. En choisissant Arielle Dombasle pour incarner Blancheflor dans son Perceval le gallois (1978), le cinéaste Éric Rohmer a été bien inspiré ; voilà une actrice impeccable sur elle et qui joue souvent des personnages que les réalisateurs traitent avec humour (par exemple L’ennui de Cédric Kahn, film de 1998).

 

 

§79a

            •v1794 Plus acesmeë et plus cointe. Félix Lecoy édite acesmeë avec tréma pour montrer que le [] final est en hiatus par rapport à l’initiale du mot suivant ; sur le mot +cointe les curieux consulteront RoquesCointe.

            •v1793-•v1794-•v1795 la pucele vint /./ plus cointe Que espreviers ne papegauz. Hors contexte, espreviers et papegauz pourraient être des CRP (les CRS respectifs écrits dans le système du copiste seraient esprevier et papegaut). Mais dans le contexte, ces deux mots sont à analyser comme des CSS : on peut gloser “que ne serait (ou que ne viendrait) un épervier ou un perroquet”. La coordination est exprimée par la conjonction +ne, de préférence à +et ou à +o “ou”, parce qu’elle relie deux éléments qui réfèrent à des créatures qui à cet endroit de la fiction sont présentées comme non actualisées, “que ne serait ou que ne viendrait s’il était là”. Les mots espreviers et papegauz ne sont pas précédés d’article, et cette absence d’article est en ancien français une autre façon de montrer que ces créatures sont ici présentées comme non actualisées.

            •v1796-•v1797 Ses mantiax fu, et ses bliauz, D’une porpre /./. “Son manteau, de même que sa tunique, était fait d’une somptueuse étoffe /./” : conservons l’ordre des mots.

            •v1797 porpre noire. Le nom porpre, dont l’adjectif noire nous montre qu’il est dans ce vers du genre féminin, désigne ici une étoffe. Les (très nombreux) exemples de l’article +porpre du TL montrent que cette étoffe est précieuse (elle est associée à d’autres matériaux de prix, provient d’Orient, etc.). Cette étoffe n’est pas nécessairement de couleur pourpre, ainsi que le montre l’adjectif noire qui l’accompagne (on rencontre encore, selon les textes, porpre bis et vert porpre : cf. TL 7, 1545-1546). La traduction “étoffe de couleur pourpre” de PercL t2 p160a semble inadéquate (en l’état de mes connaissances). Si vraiment cette traduction n’est pas satisfaisante, la parure de Blancheflor est exclusivement noire, blanche et grise : elle serait en accord avec l’ennui et la pesance (cf. v1792) qui accablent Beaurepaire.

            •v1797 estelee. +Esteler c’est “étoiler”. Madame Romaine Wolf-Bonvin, spécialiste de littérature médiévale, me fait remarquer qu’en ce portrait Blancheflor est une héroïne nocturne, puis diurne (alors qu’Enide dans le portrait d’ErecR 411 et suivants est d’emblée une héroïne diurne) et notre collègue fait du portrait une lecture subtile en rapprochant de l’épisode des gouttes de sang dans la neige.

            •v1798-•v1799-•v1800. À propos des matières désignées par +vair, +ermine, et +sabelin, on notera que le Moyen Âge raffole de fourrures (d’ailleurs un excellent moyen de repousser le froid glacial qui devait régner dans les grandes salles des châteaux). Notre héroïne ne revêt pas de couleurs éclatantes, mais la misère qui assaille Beaurepaire ne l’a visiblement pas réduite à vendre ses effets personnels. Pour le soin apporté à sa vêture, elle est la digne nièce du prodome que nous avons sur son pont v1348.

            •v1798 vair. Le mot a pour origine l’adjectif +vair, qui signifie dans le domaine de la couleur “qui présente des couleurs variées” (vair vient du lat. v´arium7) ; substantivé, comme ici, le mot +vair désigne la fourrure de l’écureuil appelé petit-gris, très précieuse. De quoi s’agit-il ? “En termes de pelletier-fourreur les faits se présentent ainsi : le vrai vair, la peau du Sciurus varius, est bicolore. Le centre (le dos), au poil dense, est gris cendre ou plus foncé, le pourtour (le ventre), et surtout vers le bas, est blanc et nettement contrasté.”8

 

 

3.3.10. Traduction et/ou commentaire de PercL v1803-v1807 : Chrétien portraitiste. (§80)

§80

  /./
et se je onques fis devise
an biauté que Dex eüst mise
an cors de fame ne an face,
or me plest que une an reface
ou ge ne mantirai de mot.

v1803
v1804
v1805
v1806
v1807

 

 

 

            •v1803 se je onques fis devise. On peut traduire “si j’ai jamais donné une description”. Attention ! Dans cette transposition en français moderne, jamais n’est pas en soi de sens négatif, pas plus que onques au v1803. L’adverbe +onque a ici “le sens du latin ´unquam et de l’anglais ever” (FouletPerceval p205). Il réfère généralement au passé (c’est partout le cas sur le passage PercL 1301-3407, sauf v2097 et v2704). Cet adverbe ne s’emploie plus aujourd’hui que par archaïsme (George Brassens fait rimer oncques et jonques dans une chanson). Vous aurez noté que la loi rythmique imposerait théoriquement de découper ((se))  je  /  onques  /  fis  /  devise, ce qui ferait du corps verbal (ici en MAJUSCULES) le troisième corps tonique de la phrase. En fait, +onque a un comportement spécial. Les curieux consulteront les superbes analyses que lui a consacrées Povl Skårup dans SkårupPremZones.

            •v1803-•v1804 se je onques fis devise An biauté.

            Littéralement “si jamais je fis description en beauté”, d’où, par exemple, “si jamais je me suis mêlé de décrire une beauté”. Chrétien s’amuse : en virtuose, il va exécuter des variations sur un motif obligé de la littérature courtoise déjà traité par lui : le portrait d’une jeune beauté ; voyez par exemple ErecR 411 et suivants, dont je parle supra dans le présent ◊Chap3 §79a à propos de estelee v1797°.

            Dans PercL v1301-v3407, vous rencontrez le nom +devise (seulement ici) et le verbe +deviser. Ils sont à rattacher à un verbe du latin populaire (terme de Bloch et Wtbg, 8e éd., p192a) *devis´are fait sur lat. cl. div´idere “diviser”. On peut pour le verbe proposer la filiation sémantique suivante : “opérer intellectuellement une division dans une matière”, d’où d’un côté “exposer”, “décrire (méthodiquement)”, et de l’autre “concevoir (dans son esprit)”, puis “souhaiter”. +Deviser v2292° et v2293° signifie “décrire (méthodiquement)” , devise v1804° “description” ; au v2224°, +deviser peut aussi être traduit “décrire”, “exposer” : vous voyez que le verbe réfère à des paroles, et nous sommes sur le chemin du français moderne : par exemple FM nous devisions ainsi “nous conversions ainsi entre nous” (mais l’idée de méthode a disparu). La notion de “concevoir dans son esprit” d’où “souhaiter (en soi même)” se réalise selon moi v1934 : voir ◊Glossaire sv +deviser.

            •v1806 Or me plest. Découpage selon la loi rythmique : Or  / me plest  /. On voit que Or précède immédiatement le corps verbal (écrit en MAJUSCULES), ce qui nous montre qu’il ne doit pas être analysé comme une conjonction de coordination (élément atone), mais comme un mot qui à lui seul constitue le premier corps tonique. Et au plan sémantique, +or est un adverbe qui signifie ici “maintenant” et qui ici s’oppose à onques v1803. Au cours de son histoire lors du passage au français moderne, il a complètement perdu le sens temporel. Mais FM désormais garde un souvenir du sens médiéval : formé à l’origine de +des +or +mais, il signifie étymologiquement “à partir de maintenant vers le futur”, tout comme FM dorénavant, à l’origine d’ (forme élidée de +de) +or +en +avant. L’ensemble du v1806 se traduit littéralement “maintenant il me plaît que j’en fasse à nouveau une”, d’où “maintenant, j’ai envie d’en faire une nouvelle”.

            •v1807 Ou. Pronom relatif “où” qu’il faut parfois traduire “dans lequel”, “dans laquelle”, etc., ce qui est plus lourd. Je lemmatise +où, avec un accent grave, à la suite du TL.

 

 

3.3.11. Traduction et/ou commentaire de PercL v1808-v1823 : portrait de Blancheflor. (§81, §82, §83, §84)

§81

  Deslïee fu, et si ot
les chevox tex, s’estre poïst,
que bien cuidast qui les veïst
que il fussent tuit de fin or,
tant estoient luisant et sor.
Le front ot blanc et haut et plain
com se il fust ovrez de main,
que de main d’ome l’uevre fust
de pierre ou d’ivoire ou de fust.
Sorcix brunez et large antr’uel,
an la teste furent li oel
riant et veir et cler fandu.
Le nés ot droit et estandu,
et mialz li avenoit el vis
li vermauz sor le blanc asis
que li sinoples sor l’argent.
v1808
v1809
v1810
v1811
v1812
v1813
v1814
v1815
v1816
v1817
v1818
v1819
v1820
v1821
v1822
v1823

 

 

 

            •v1808 Deslïee fu. Littéralement “elle fut sans liens”. Nous sommes dans un portrait et nous allons rendre le passé simple par un indicatif imparfait. Par ailleurs, les liens en question sont ceux qui retiennent la coiffure de tissu d’une femme, la +guimple (voyez p152 de PercL t2 et cf. infra dans le présent ◊Chap3 §94). Notre coquette montre ce qui l’avantage : elle avait “les cheveux à l’air”, selon l’excellente traduction de PercL t2 p144a, qui commente, “ce qui était contraire à la stricte bienséance”. Comme vous verrez, elle ira beaucoup plus loin.

            •v1809 chevox tex. “Cheveux tels”, CRP. Sur les formes de +tel et de chevel, voir ◊Chap2 §58.

            •v1809 s’estre poïst. Littéralement “si cela avait pu être” (mais cela ne pouvait se faire). Poïst, subjonctif imparfait (de +pöoir) utilisé après la conjonction +se, exprime ici un irréel du passé.

 

 

§82

            •v1810 bien cuidast qui les veïst. Littéralement “il aurait bien cru, celui qui les aurait vus”. De nouveau deux verbes au subjonctif imparfait (respectivement de +cuidier et de +vëoir) qui traduisent un irréel du passé. On pourrait exprimer cela avec un système conditionnel dont la subordonnée serait introduite par +se : se on les veïst, bien cuidast on (j’écris dans les graphies du TL) ,“si on les avait vus, on aurait bien cru”, d’où par exemple “à les voir on aurait bien cru”.

            •v1810-•v1811 bien cuidast /./ Que il fussent. “Il aurait bien cru qu’ils étaient” en français moderne, où le contexte suffit à faire comprendre qu’en fait ils n’étaient pas d’or fin. En ancien français le verbe +cuidier, qui signifie très souvent “croire à tort”, quand il a pour complément une proposition complétive introduite par +que induit généralement l’utilisation du subjonctif dans cette complétive : le subjonctif montre qu’il n’y a pas adéquation entre ce que l’on s’imagine et ce qui en est vraiment. Exemple : dans un récit au présent, nous pourrions avoir il cuide /./ Que il soient, ce qui fait que notre fussent, subjonctif imparfait, peut être expliqué comme étant à l’imparfait par un phénomène de concordance des temps. Mais n’appliquons pas de recettes mécaniques : ici le subjonctif imparfait peut avoir été entraîné par le fait que cuidast est lui-même au subjonctif imparfait. Je ne développerai pas. Voici un exemple très clair : Cil cuida que voir li deïst, S’ala aprés et si l’ocist v4101-v4102 “l’autre crut qu’il {Keu} lui disait la vérité, il le {le Chevalier Vermeil} suivit et le tua”9 : cuida, ala et ocist sont des verbes au passé simple, mais deïst est un subjonctif imparfait. Dans PercL 1301-3407 les personnages ou l’instance narrative (Chrétien aime pointer le bout de son nez) disent souvent je cuit “je crois”, plutôt qu’asséner leur opinion. Dans PercL, le radical de +cuidier se trouve aussi dans le verbe +sorcuidier, qui se réalise une fois, dans le participe passé à valeur adjectivale et que voici en son contexte : Et lors li a cil respondu Com orguilleus et sorcuidiez v2181° “et ce dernier lui a alors répondu en orgueilleux et outrecuidant qu’il était”. Le sorcuidiez se trompe en présumant de sa valeur !

            •v1811 tuit de fin or. “Tous en or fin” ou “tout d’or fin” ? Même problème qu’au v1789 commenté supra dans le présent ◊Chap3 §78. Ce ne sont pas les conditions d’emploi du mot +tot qui nous permettent de trancher, mais notre sentiment de ce que selon nous Chrétien doit le plus naturellement exprimer en l’occurrence. Je choisis la seconde interprétation.

            •v1813 haut. “Haut”, mais comme l’adjectif +haut est ici incident à une réalisation de +front (qui désigne une partie du corps), traduisons “large”. Victor Hugo parlait de son vaste front, mais si l’hyperbole siet à la description de Blancheflor, l’emphase n’est pas la marque du style de Chrétien.

            •v1814-•v1815. Les verbes fust ovrez, subjonctif imparfait voix passive, et fust, subjonctif imparfait voix active, expriment tous deux l’irréel du passé. Que v1815 est la conjonction +que, que nous pouvons gloser “dans des conditions telles que”. On pourrait aboutir à “comme s’il avait été fait à la main et que l’œuvre procédât d’une main d’homme”.

 

 

§83

            •v1817. De la façon dont l’édition est ponctuée, on est obligé de comprendre que les deux groupes nominaux, Sorcix brunez et large antr’uel, qui ne sont ni complément d’objet direct, ni sujets, fonctionnent un peu comme dans le syntagme FM les pieds nus dans il arriva les pieds nus, ou, dans Chrétien, il virent un chevalier Venir armé sor un destrier, L’escu au col, la lance el poing10. Dans WoledgeSyntaxe se lisent deux pages excellentes sur “le tour l’escu au col” (p89-p90), qui est très bien caractérisé au plan formel : “/./ nous avons dans la construction l’escu au col un cas régime (ou un indéclinable) accompagné d’un élément qui précise et qui peut prendre différentes formes grammaticales” (WoledgeSyntaxe p89). Mais les exemples cités supra les pieds nus, L’escu au col, la lance el poing et ceux que cite Brian Woledge font référence à un état passager, alors que Sorcix brunez et large antr’uel réfèrent à du permanent. C’est pourquoi le texte que nous avons ici me semble extrêmement hardi. Brian Woledge le trouve aussi étonnant (bien qu’il n’évoque pas la question état passager vs qualité permanente) et se demande s’il ne faudrait pas éditer entre parenthèses les v1815-v1816 et voir dans Sorcix et antr’uel un autre complément de ot v1813.

            •v1819 veir. Ici, nous avons l’adjectif +vair, qui, dans le domaine de la couleur, signifie étymologiquement “qui présente des couleurs variées” (cf. commentaire du v1798 supra dans le présent ◊Chap3 §79a). Toutefois, le sens de l’adjectif quand il est incident au mot +ueil n’est pas facile à déterminer. Les yeux des belles personnes sont traditionellement qualifiés de vairs dans les textes littéraires (cf. par exemple l’article +vair du TL), mais les auteurs ne précisent pas ce qu’ils entendent par là. Ce que l’on peut dire, c’est que ueil vair n’est pas interchangeable pour le sens avec ueil noir (j’ai écrit les syntagmes au CSP, dans la graphie du TL), grâce à Adam de la Halle, Si noir oeil me sanloient vair11. Par ailleurs, “le fait que vair {incident à ueil} /./ est fort souvent accompagné des mots cler et riant montre qu’il ne s’agit probablement pas de la couleur des yeux, mais de leur expression : vif, animé, expressif” (FouletPerceval p312). Cette interprétation a l’intérêt de conserver un certain lien sémantique avec l’étymon de vair, lat. v´arium12 : un regard animé est changeant.

            •v1819 cler fandu. Littéralement “clairs fendus”. Le premier mot, originellement adjectif, fonctionne comme un adverbe par rapport au second, comme lorsque nous disons en français moderne des roses fraîches écloses, des fenêtres grandes ouvertes ou en anglais eyes wide shut13.

 

 

§84

            •v1821-•v1822-•v1823.

            Li vermauz : Guiot écrit vermauz CSS, vermoil CRS : voir ◊Chap2 §61.

            Les mots +vermeil et +sinople réfèrent tous deux à une couleur. Nous ne pouvons pas rendre sinoples par FM sinople, parce qu’aujourd’hui ce mot désigne “un des émaux héraldiques, de couleur verte” (PetitRobert1993 p2095b). Le mot +sinople à l’origine désigne une couleur rouge, puis désigne une couleur verte. Le changement de sens se fait au cours du Moyen Âge : dans certains textes on ne peut savoir à quoi réfère +sinople, mais ici le passage est éclairant : il désigne une couleur rouge. Le mot +vermeil désigne un rouge vif : dans les textes qui utilisent à la fois le mot +roge et le mot +vermeil, on voit que +vermeil est connoté positivement, ce qui n’est pas le cas de +roge14. Dans PercL nous avons en tout 22 occurrences de +vermeil (nom ou adjectif) contre seulement deux de +sinople. Nous pouvons en déduire que +sinople est plus recherché que +vermeil, et peut-être même que c’est déjà un terme technique, lié à la couleur des armoiries. En effet, l’autre occurrence de +sinople est la suivante : Les armes de sinople taintes Au chevalier v1219. À la lumière de ces informations (et des informations qui vous sont fournies dans le ◊Glossaire), je propose de traduire “et sur son visage l’incarnat rehaussant la blancheur était plus seyant que gueules sur champ d’argent”.

            À l’intention de ceux d’entre vous qui aiment la sémantique historique (discipline qui n’est PAS à confondre avec l’étude de l’ancien français !), voici, à titre récréatif, un petit aperçu sur +vermeil.

La forme vermeil (ou dans certaines régions de l’Est vermoil) provient par évolution phonétique régulière du lat. verm´iculum15, qui signifie “petit ver” (vous reconnaissez le radical de AF +verm commenté ◊Chap2 §56). Cette petite bête broyée donnait une teinture rouge, au point que le descendant de lat. verm´iculum a pu concurrencer les descendants du radical de lat. r´uber pour signifier “rouge” dans certaines langues romanes.

 

 

En ancien français, nous avons vu que +vermeil est très employé : si par exemple nous n’avions de l’ancienne langue que le témoignage de PercL, nous pourrions croire que +roge n’existe pas ! En français moderne, vermeil est devenu un mot d’emploi bien plus rare que rouge ; comme adjectif, il signifie “d’un rouge vif et léger” (PetitRobert1993 p2374b) ; comme nom, il signifie “argent doré recouvert d’une dorure d’un ton chaud tirant sur le rouge” (PetitRobert1993 p2374b) ; de ce métal on a fait des médailles spécifiques, puis, sans doute à l’origine par allusion à ces médailles (il faudrait interroger les stratèges de la communication au ministère impliqué), une carte vermeil, qui, en France est “réservée aux personnes âgées {et donne} droit à 50% de réduction sur le réseau des chemins de fer de la S.N.C.F.” (PetitRobert1993 p2374b) ; le vieillissement de la population vaut à cette carte une large diffusion, et fait remonter la fréquence d’emploi du mot vermeil, qui peut trouver de nouveaux usages, témoins cet extrait de journal présentant une actrice : “/./ elle a le teint aussi vermeil que la carte”16.

 

 

3.4. Note sur les mots +tot et +trestot (morphologie et syntaxe). (§85, §86, §87, §88, §89)

 

3.4.1. Déclinaison de +tot et +trestot ; vers un examen de ces mots dans PercL. (§85)

§85

 

            Pour cette déclinaison, les graphies du TL et de Guiot dans PercL et coïncident.

 

            Indifféremment pronom ou adjectif (ces dénominations sont bien sûr purement conventionnelles et ne préjugent pas du fonctionnement de +tot), +tot se décline comme suit :

 

CSSm toz

CSPm tuit

CRSm tot

CRPm toz

f. sg tote

f. pl. totes

neutre tot

 

            Remarque 1. Tuit est la seule forme aberrante de ce paradigme. Elle s’explique par l’histoire du mot, que je ne ferai pas.

            Remarque 2. À côté de +tot se rencontre +trestot. Formé de tres‑ (à partir de +tres, adverbe) et de +tot, ce mot a la même déclinaison et souvent le même fonctionnement que +tot. Au plan du sens, on peut considérer que ce mot est un superlatif de +tot. Il est dans PercL beaucoup plus rare que ce dernier. Selon le contexte, on le traduira par “tout entier”, “tous sans exception”, etc. mais il ne faut pas exclure l’idée que son usage facilite à l’occasion la vie de versificateur.

 

            Nous examinerons quelques cas de figure de l’emploi des mots +tot et +trestot dans PercL v1301-v3000. Beaucoup ont persisté en français moderne ; je n’insisterai, de façon très pragmatique, que sur ce qui diffère. Mais n’oubliez pas que le mot +tot a une syntaxe très extraordinaire si on le compare à d’autres indéfinis.

           

 

3.4.2. +Tot, +trestot dans PercL v1301-v3000 : quelques exemples. (§86, §87, §88, §89)

 

3.4.2.1. +Tot, +trestot pronoms. (§86)

§86

 

+Tot, +trestot pronoms masculins et féminins.

 

  Ensi plorent totes et tuit. v2145  
          (Littéralement “ainsi pleurent toutes et tous”.)
Ensi por lui trestuit prioient. v2157
          (Littéralement “Ainsi priaient pour lui tous sans exception”.)

                          

                                  

 

                     

+Tot, +trestot pronoms neutres.

 

  “/./
Il covient a toz les mestiers                      
et poinne et cuer et ialz avoir :                 
par ces .III. puet an tot savoir.                  
/./.”
v1462
v1463
v1464
 

                                   Tot est ici complément de savoir. On pourrait traduire littéralement “Il faut pour tous les métiers avoir peine, cœur et yeux : par ces trois choses on peut tout savoir”.

 

  “/./
Traiez fors, que tot est vandu                   
si chier com vos le voldrez vandre,          
/./.”
v2544
v2545
 

                                   Tot est ici sujet de est. On pourrait traduire littéralement “Sortez, car tout est vendu aussi cher que vous voulez le vendre”.

 

  /./
si plot mout au vaslet et sist                     
trestot quan que li prodom fist.                

v1445
v1446
 

Trestot est ici sujet de plot “plut” et sist “agréa” ; trestot quan que signifie “absolument tout ce que”.

 

            Les exemples de v2544 et v1446 nous montrent bien que tot à ces endroits ne porte pas de marques casuelles : c’est un pronom neutre.

 

Cas particuliers de +tot pronom neutre.

 

  “/./
si te metras oltreemant                             
del tot an tot an sa merci.”                       

v2270
v2271
 

Del tot en tot (graphie du TL) signifie “complètement” ; comparez français moderne pas du tout “absolument pas”.

 

  /./
que par tot la ou il ala                              
/./.
v1750  

                                   Par tot signifie “partout”. Traduction littérale : “Car partout où il alla”.

 

 

3.4.2.2. +Tot, +trestot adjectifs. (§87)

§87

            +Tot et +trestot adjectifs (je conserve cette dénomination commode) s’accordent en genre, nombre et cas avec le nom auquel ils sont incidents :

 

  /./
qui cuidoient avoir conquis                
le chastel et tot le païs.                       

v2167V
v2168V
 

                                   CRSm. Traduction littérale : “Qui s’imaginaient avoir conquis la forteresse et tout le pays”.

 

  “/./
je pans et croi an mon coraige                 
qu’an trestot le monde n’avra,                 
n’il n’i ert, n’an ne l’i savra                      
nul meillor chevalier de toi.                     
/./.”
v1038
v1039
v1040
v1041
 

                                   CRSm. Traduction littérale possible : “Je pense et je crois en mon for intérieur que dans le monde entier il n’y aura et qu'il n’y existera, et qu’on ne saura y trouver aucun chevalier meilleur que toi”.

 

  /./
s’an tenoient antr’ax grant plet                 
tuit li chevalier a consoil.                         

v1858
v1859
 

                                   CSPm. Traduction littérale possible : “Tous les chevaliers en secret menaient de grandes conversations à ce sujet”.

 

  “/./
Il covient a toz les mestiers                      
et poinne et cuer et ialz avoir :                 
par ces .III. puet an tot savoir.                  
/./.”
v1462
v1463
v1464
 

                                   CRPm. Traduction littérale possible : voir un peu plus haut dans le présent ◊Chap3 §86.

 

  /./
si s’estoit tote l’eve antree                        
et retrete an son grant conduit.                 

v1306
v1307
 

                                   CSSf. Pour le sens de ces vers, voir ◊Chap2 §20.

 

Cas particuliers d’emploi de +tot adjectif.

 

  /./
s’an va tote une praerie,                           

v1309
 

                                   Voir le commentaire à ce vers ◊Chap2 §21.

 

  De bel aaige a tot lor sanc                        
et a tote lor force fussent,                         
/./.
v1790
v1791

 

                                   Voir le commentaire supra dans le présent ◊Chap3 §78.

 

  /./
et tote jor sa voie tint                                
/./.
v2970  

Tote jor, syntagme très fréquent en ancien français, signifie “tout le long du jour” : il s’oppose de la sorte à toz jorz CRP qui signifie, selon les contextes “tous les jours” ou “toujours” (notre mot toujours vient de ancien français toz jorz). Exemple :

  /./
et il comança a porter                               
si a droit la lance et l’escu                        
com s’il eüst toz jorz vescu                      
an tornoiemenz et an guerres                   
/./.
v1470
v1471
v1472
v1473
 

                                    Traduction littérale possible : “Et il commença à porter la lance et le bouclier aussi parfaitement que s’il avait vécu tous les jours en tournois et en guerres”.

Le mot +jor est en principe toujours masculin, sauf dans ce syntagme tote jor, dont l’origine est débattue.

 

 

3.4.2.3. +Tot, +trestot variables mais pouvant être glosés “tout à fait”. (§88, §89)

 

3.4.2.3.1. +Tot, +trestot variables mais pouvant être glosés “tout à fait” : exemples de PercL. (§88)

§88

            Même en cet emploi, +tot (ou +trestot) s’accorde en genre, nombre et cas avec ce qu’il modifie. Ce peut être entre autres un adjectif ou un participe :

 

  Et Kex par mi la sale vint,                       
trestoz desafublez, et tint                          
an sa main destre un bastonet,                 
/./.
v2791
v2792
v2793

 

                                   CSSm. Traduction littérale possible : “Et Keu vint au milieu de la salle complètement désaffublé et il tenait un petit bâton dans sa main droite” ; sur desafublez voir ◊Chap7 §218.

 

  Lors fiche devant lui an terre             
sa lance an estant tote droite                    
/./.
v1516V
v1517

 

                                   CRSf. Traduction littérale possible : “Alors il plante devant lui en terre sa lance debout toute droite”.

 

  Li prodome estoient chenu,                     
ne pas si que tuit fussent blanc.                
v1788
v1789
 

                                   CSPm. Voir commentaire supra dans le présent ◊Chap3 §78.

 

            Il peut modifier un adverbe :

 

  “/./
tot autresi com je soloie                           
/./.”
v1383  

                                   CRSf. Traduction littérale possible : “Exactement comme j’avais coutume”.

 

3.4.2.3.2. Remarque sur +tot, +trestot variables mais pouvant être glosés “tout à fait” : ancien français et français moderne. (§89)

§89

            Dans les exemples des v1517, v1789, v2792 cités supra dans le présent ◊Chap3 §88, nous prêtons à +tot, +trestot le sens de “entièrement”, “complètement” ; c’est-à-dire que nous pouvons les traduire par des mots qui sont des adverbes, et à ce titre, invariables (dans le cas général) en français moderne. En ancien français, ce +tot (ou +trestot) adverbial s’accorde en cas, en genre et en nombre avec le mot qu’il modifie ; ce mot peut être un adjectif (exemple : tote droite v1517), un participe (exemple : Trestoz desafublez v2792) ou un autre adverbe (exemple : Tot autresi v1383) ; dans ce dernier cas, +tot (ou +trestot) revêt la forme neutre, non marquée, qui coïncide avec celle du CRS masculin. Exemples en ancien français (je les graphie à la TL) : il est toz desarmez ; je le voi tot desarmé ; ele est tote desarmee ; je la voi tote desarmee ; ele est tote esveilliee ; il sont tuit desarmé ; je les voi toz desarmez. Le système de l’ancien français est ambigu : ainsi, hors contexte, il sont tuit desarmé peut signifier “ils sont tous (pronom) désarmés” ou bien “ils sont tout (adverbe) désarmés”. En français moderne, ce “tout” adverbial est invariable dans le cas général : ils sont partis tout contents ; les chevaux de ce poil‑là sont tout bons ou tout mauvais ; elle est tout attristée, tout heureuse ; elles sont tout intimidées ; mais s’il est placé devant un adjectif (ou devant un participe à valeur d’adjectif) féminin commençant par une consonne ou un h‑ aspiré, ce tout varie : elle est toute surprise, toute honteuse ; elles sont toutes pénétrées de douleur17. Nous avons dans ce dernier cas une trace manifeste du système de l’ancien français, où la variabilité était de rigueur.

 

 

3.5. Le subjonctif imparfait : morphologie (début). (§90, §91)

§90

            Nous avons vu que le subjonctif imparfait est très employé dans le passage. De façon générale, il en va de même en ancien français. Deux facteurs favorisent sa fréquence : le phénomène de concordance des temps et le fait que le subjonctif imparfait à lui seul exprime l’irréel du passé. Il faut donc être en mesure d’identifier les formes de subjonctif imparfait dans le texte.

 

            En ce qui concerne la conjugaison du subjonctif imparfait, nous devons noter ceci : les désinences en sont les mêmes quel que soit le groupe dont relève le verbe ; par ailleurs, ces désinences suivent une forme qui est terminée par [s], lequel au plan graphique apparaît dans PercL sous la forme ‑ss‑ devant voyelle et ‑s‑ simple devant consonne18. Pour illustrer ce qui vient d’être dit, voici par exemple les personnes 1, 2, 3, et 6 du verbe +estre au subjonctif imparfait (je parlerai des personnes 4 et 5 dans un instant) : je fuss‑e, tu fuss‑es, il fus‑t, il fuss‑ent. Pour le verbe +partir, cela donnerait : je partiss‑e, tu partiss‑es, il partis‑t, il partiss‑ent.

            Nous allons maintenant examiner les désinences des personnes 4 et 5 dans PercL pour savoir comment les syllaber. Vous pouvez comparer avec le travail que nous avons mené sur les terminaisons d’indicatif imparfait et de conditionnel : personne 4 ◊Chap2 §41 et personne 5 ◊Chap1 §5. En fait, PercL n’offre aucune occurrence de personne 4 de subjonctif imparfait19. Voici (sauf erreur de ma part) l’ensemble des attestations de personne 5 de subjonctif imparfait dans PercL20.

 

  “/./
que ja n’an oïssiez parler                           
ne que ja nul n’an veïssiez !                       
Chevaliers estre deüssiez,                          
/./.”

“/./
vos poïssiez contretenir                            
/./ .”

“/./
einz l’oceïssiez maugré mien.                  
/./.”

“/./
que vos alesiez aprés lui,                         
/./.”

“/./
fet il, le me poïssiez dire.                         
/./.”

“/./
veïssiez mout tres volantiers,                   
/./.”

“/./
que vos veïssiez de voz ialz.                    
/./.”

“/./
Vos vos an deüssiez bien tere.                 
/./.”

“/./
que ja si hardiz ne fussiez                        
que vos el chastel antressiez                    
/./.”

“/./
Vos oïssiez ja tex noveles                        
/./.”

“/./
que vostre non me deïssiez,                     
se desfandu nel m’eüssiez. ”                    

“/./
Vos eüssiez bataille assez                        
/./.”

“/./
n’eüssiez or mie tant jengle,                     
plus fussiez muz que maz an engle.         
/./.”

“/./
que vos tant de cuer eüssiez                     
que ja passer i osessiez,                           
/./.”

“/./
que volsissiez qui fust celee.                    
/./.”

v408
v409
v410



v2119



v2345



v3637



v4381



v4525



v5005



v5386



v5939
v5940



v7420



v8105
v8106


v8169



v8173
v8174



v8235
v8236



v8822

 

 

 

 

§91

            Il est facile de voir que dans PercL, la terminaison de la personne 5 du subjonctif imparfait  est toujours écrite ‑iez et qu’elle compte pour une seule syllabe. Guiot est très régulier. Par ailleurs, vous savez qu’un scribe ne s’astreint pas à reproduire ce qu’il copie, et que ses formes ne sauraient être acceptées sans examen comme représentant les formes de l’auteur (sauf cas de figure, naturellement) : la démonstration en est donnée ◊Chap1 §2 et ◊Chap1 §5. Si nous voulons donc formuler des hypothèses sur la désinence utilisée par Chrétien, nous pouvons dire ceci : la mesure des vers nous assure que cette désinence est monosyllabique ; l’étymologie latine nous assure que cette désinence se terminait par [ts]21. Pour nous prononcer sur la nature de l’élément vocalique de cette désinence, il nous faudrait disposer de rimes parlantes : c’est-à-dire d’attestations de personne 5 du subjonctif imparfait rimant avec des mots dont nous connaîtrions de façon indubitable la prononciation. Vous voyez que tel n’est pas le cas : cette personne 5 n’est associée qu’avec elle-même à la rime !

            En fait, à l’époque classique, les désinences des personnes 4 et 5 au subjonctif imparfait sont respectivement surtout ‑iens et ‑iez, comme on le voit en consultant la fin de DeesLitt.

            Ce qui veut dire que pour l’instant, vous pouvez apprendre par cœur les tableaux suivants (je prends pour modèle +partir et +avoir; j’utilise la graphie normalisée du TL) :

 

+partir

+avoir

part-iss-e

e-üss-e

part-iss-es

e-üss-es

part-is-t

e-üs-t

       part-iss-iens

       e-üss-iens

       part-iss-iez

       e-üss-iez

part-iss-ent

e-üss-ent

 

            J’ai décalé à droite les personnes 4 et 5 pour matérialiser de façon visuelle le fait qu’à ces personnes l’accent tonique frappe la désinence (contrairement à ce qui se produit aux autres personnes). Nous verrons que ce déplacement d’accent est très important pour la conjugaison du subjonctif imparfait des verbes du premier groupe. En effet, nous n’en avons pas terminé avec la morphologie du subjonctif imparfait, que nous reprendrons plus tard ◊Chap6 §172 et suivants pour nous intéresser à la partie qui précède les désinences.


3.6.
Participes présents et participes passés : morphologie et syntaxe. (§92, §93, §94, §94a, §95, §96, §96a, §96b, §97)

3.6.1. Participes présents et participes passés : morphologie. (§92)

§92

            Nous avons déjà mentionné la déclinaison des participes présents et des participes passés ◊Chap2 §43, §51, §52, §57, §62. Voici une petite synthèse.

Participe présent.
           
Il est toujours en -ant et se décline comme un adjectif de type +fort ou +grant, qu’il ait valeur adjectivale (exemple en français moderne : Tu es fatigante) ou valeur verbale (exemple en français moderne : Une machine fatiguant la vue et brisant les os). Voici des tableaux écrits dans les graphies du TL, qui en l’occurrence coïncident avec celles de Guiot.

 

 

m. sg

f. sg

m. pl.

f. pl.

CS

chantanz

chantant ou chantanz

chantant

chantanz

CR

chantant

chantant

chantanz

chantanz

 

            Le morphème ‑ant est placé sous l’accent tonique, ce qui veut dire que dans le cas de présent à alternance liée au déplacement de l’accent (nous avons déjà parlé de ce phénomène — cf. ◊Chap2 §39 — et nous y reviendrons), le radical du participe présent est celui des personnes faibles du présent de l’indicatif ; exemples avec les verbes +laver, +amer, +venir : lav´er, il l´eve, nos lav´ons, lav´ant ; am´er, il ´aime, nos am´ons, am´ant ; ven´ir, il v´ient, nos ven´ons, ven´ant.

 

Participe passé.

            Par convention, dans ce développement sur le participe passé, les formes verbales sont citées dans les graphies du TL, qui coïncident en l’occurrence avec celles de PercL.

 

Formation du participe passé (exposé succinct).

 

            On distingue deux catégories de participes passés : les participes passés faibles et les participes passés forts. Par convention, dans cet exposé sur la formation du participe passé, les participes passés sont cités sous forme de CRSm.

            Les participes passés faibles sont accentués sur la terminaison, qui peut être au CRSm en ‑é, ‑ié, ‑i et ‑u. Elle est en ‑é si l’infinitif est en ‑er, et en ‑ié si l’infinitif est en ‑ier ; exemples avec +amer et +cuidier : inf. amer, ppas. amé, inf. cuidier, ppas. cuidié. Elle est en ‑i pour tous les verbes du deuxième groupe ; exemple, verbe +fenir, inf. fenir, ind. pr. 3 fenist, ppas. feni. Elle est en ‑i pour un certain nombre de verbes du troisième groupe ; exemple, verbe +partir, inf. partir, ind. pr. 3 part, ppas. parti. Elle est en ‑u pour un certain nombre de verbes du troisième groupe ; exemples avec +venir, +avoir, +vëoir : inf. venir, ppas. venu, inf. avoir, ppas. , inf. vëoir, ppas. veü.

            Les participes passés forts sont accentués sur leur radical et se terminent par ‑t ou par ‑s. Seuls des verbes du troisième groupe peuvent avoir un participe passé fort. Exemples avec +metre et +morir : inf. metre, ppas mis, inf. morir, ppas. mort.

            Certains verbes ont plusieurs participes passés. Il n’est pas utile ici de dresser des listes. Notons toutefois que le verbe +chëoir présente deux formes de participe passé dans PercL. L’une, chëoit22, ne se trouve que v2496, et n’est pas en rime. L’autre, cheü, se rencontre v159°, v620°, v623 etc. dans le verbe simple +chëoir ; v425°, v1752° dans le dérivé préfixal +dechëoir ; et v3589° etc. dans le dérivé préfixal +meschëoir.

 

Déclinaison du participe passé.

 

            Au masculin, tout participe passé suit le modèle le mur, et au féminin, le modèle la rive. Attention aux “perturbations” (cf. ◊Chap2 § 55) pour les masculins !

            Les participes passés dont le CRSm est en ‑t se terminent en ‑z au CSSm et au CRPm ; leur féminin se forme en ajoutant un ‑e à la forme du CRSm : verbe +morir, ppas. mort, morz, morte, f. pl. mortes. Les participes passés forts terminés au masculin par ‑s sont indéclinables au masculin ; le féminin se forme par l’adjonction d’un ‑e : verbe +metre, ppas. mis, mise, f. pl. mises.

            Les participes passés dont le CRSm est en ‑é, ‑ié, ‑i et ‑u ont leurs CSSm et CRPm respectivement en ‑ez, ‑iez, ‑iz et ‑uz ; leur féminin singulier est respectivement en ‑ee, ‑iee, ‑ie et ‑ue et leur féminin pluriel respectivement en ‑ees, ‑iees, ‑ies et ‑ues. Exemples pour +amer et +venir : amé, amez, amee, amees ; venu, venuz, venue, venues. Reconnaissez la “dentale cachée” : inf. lat. am´are, ppas. lat. au nominatif masculin singulier : am´atus.

 

 

3.6.2. Participe passé : syntaxe : phénomènes d’accord et de non accord. (§93, §94, §94a, §95, §96, §96a, §96b, §97)

 

3.6.2.1. Syntaxe du participe passé (accord et non accord) : remarques d’ensemble. (§93, §94)

 

§93

            Partons du français moderne : je vais prendre des participes passés indifféremment à valeur adjectivale ou non. Elle a chanté, ils ont chanté : le participe passé chanté est invarié (autrement dit il prend la forme du masculin singulier). Une dissertation bâclée23 : le participe passé bâclée, épithète de dissertation, s’accorde en genre et en nombre avec ce nom. Elle est fatiguée : le participe passé fatiguée, attribut du sujet elle, s’accorde en genre et nombre avec ce sujet. Elle est partie : le participe partie, élément de est partie, temps composé du verbe “perfectif”24 partir, s’accorde en genre et nombre avec le sujet. Elle est mangée par le chat : le participe mangée, élément de conjugaison de manger à la voix passive s’accorde en genre et nombre avec le sujet. Je la vois morte : le participe passé morte, attribut du complément d’objet direct la, s’accorde en genre et nombre avec ce complément. Elle a interprété une chanson : le participe passé interprété ne s’accorde avec rien et reste à la forme non marquée (autrement dit il prend la forme du masculin singulier). La chanson qu’elle a interprétée me plaît : le participe passé interprétée s’accorde avec le complément d’objet direct qu’ qui a pour antécédent chanson, nom féminin.

            Qu’en est-il en ancien français ?

            Auxilié avec +avoir et sans complément d’objet direct, il est invarié (on peut le considérer comme un neutre, et formellement il coïncide avec le CRSm) ; exemple (inventé, écrit dans la graphie du TL) : ele a veillié et jeüné, “elle a veillé et jeûné”.

            En ancien français, si le participe passé s’accorde avec un nom (autonome ou “chef” de groupe nominal) ou un pronom, il s’accorde en genre, en nombre et en cas. C’est en particulier ce qui se produit si le participe passé est épithète, attribut du sujet ou attribut du complément d’objet direct. Noter que l’attribut du sujet se met au CS, et l’attribut du complément d’objet direct au CR. Ces lois ne souffrent que très peu d’exceptions, que nous n’examinerons pas.

            En ce qui concerne le participe passé auxilié avec +avoir, dans le cas où le verbe a un complément d’objet direct, vous notez que la règle du français moderne est extrêmement curieuse. Si curieuse, même, qu’elle est constamment bafouée à l’oral, et que pour le détail de son application, un arrêté du 28 décembre 1976 a introduit plusieurs tolérances dans son usage25. C’est qu’elle va contre notre sentiment linguistique actuel, qui fait du passé composé un tiroir verbal à part entière, et le considère comme un seul bloc verbal. Nous savons du reste qu’à l’oral, nous employons beaucoup le passé composé, et que le passé simple est mort26, sauf peut-être régionalement. Il n’en va pas de même en ancien français : d’une part le passé simple est très employé et d’autre part nous constatons que le participe est plus libre dans sa place par rapport à +avoir qu’en français moderne, et enfin, que dans le cas de participe passé employé avec complément d’objet direct et auxilié avec +avoir, l’accord se réalise avec le complément d’objet direct, c’est-à-dire que le participe prend les marque de cas (en l’occurrence régime), de genre et de nombre du complément d’objet direct bien plus souvent qu’en français moderne (pas seulement si ce complément est placé avant le participe) : tout cela laisse penser que si je dis en ancien français j’ai escovee la maison, on percevrait plus la notion de résultat acquis, “voici la maison: elle est en l’état d’avoir été balayée : elle est propre”, tandis qu’avec le moderne j’ai balayé la maison nous traduirions plus l’action verbale (et cela se rendrait facilement en ancien français27 par j’escovai la maison).

 

 

§94

            C’est que le participe passé relève d’un double système : le système verbal, auquel il se rattache entre autres par la forme de son radical et les rapports qu’il peut entretenir avec certains auxiliaires (exemple : j’ai chanté, la chanson est chantée), et le système adjectival, auquel le rattache entre autres sa faculté de prendre des marques de genre et de cas. Il résulte d’ailleurs de cela que nous pouvons hésiter dans certaines analyses : ainsi dans Et chascuns ot ceinte une espee v1739 il me semble (sous réserve de l’examen du fonctionnement de l’article +un dans PercL) que nous ne pouvons décider si Chrétien a voulu dire “et chacun avait ceint une épée” ou “et chacun portait une épée ceinte”.

            Voici les règles que vous pouvez retenir : en ancien français, auxilié avec +avoir, le participe passé soit s’accorde en genre, nombre et cas avec, selon la composition du complément d’objet direct, le pronom autonome COD, le pronom “chef” de groupe COD,

le nom autonome COD, le nom “chef” du groupe COD, soit reste invariable (c’est-à-dire qu’il revêt alors la forme du CRSm) ; contrairement à ce qui se produit en français moderne (où l’on opposera j’ai vu la maison et la maison que j’ai vue), les places respectives de l’auxiliaire, du participe passé et du COD (ou de son “chef” de groupe si le COD n’est pas réduit à un seul mot) ne jouent pas de rôle dans le choix de l’accord ou du non-accord ; il y a toutefois une certaine tendance à réaliser l’accord.

            Bien entendu, cette règle que j’ai énoncée sous sa forme la moins contraignante, il s’agit d’examiner comment elle se réalise texte par texte, afin de voir si l’on peut dégager des principes plus fins qui régiraient l’accord ou le non-accord.

            En ce qui concerne PercL, il me semble que l’accord est particulièrement fréquent. Mais on peut rencontrer des cas de non-accord. Voici un passage qui illustre les deux possibilités.

  “/./
Puis n’avroit garde de morir,                   
ma dameisele, vostre amis,                      
qui ceste herbe li avroit mis                     
sor ses plaies et bien lïee.                         
Mes une guinple delïee                            
por bien lïer i covandroit.                         
/./ .”
v6700
v6701
v6702
v6703
v6704
v6705
 

 

(Traduction, “Par la suite il n’aurait pas à redouter la mort, ma demoiselle, votre ami, si l’on avait mis sur ses plaies cette herbe et qu’on l’ait bien attachée. Mais il faudrait une guinple /./.”)

            Vous voyez que les participes s’accordent (lïee) ou non (mis) avec le “chef” du groupe nominal complément d’objet direct (herbe). On pourrait croire que le confort du versificateur est le premier responsable du comportement de nos participes28.

 

            Nous allons maintenant examiner les participes passé dans le texte commenté dans le présent ◊Chap3, PercL v1737-v1823. Je marque le participe auquel je m’intéresse par des MAJUSCULES, et le mot (pronom ou nom) avec lequel il s’accorde par un soulignement simple. Plus exactement, je me contenterai de faire sur ce corpus une application des règles énoncées ci-dessus dans le présent ◊Chap3 §94, car si je voulais construire les règles à partir des éléments du passage, je devrais à chaque instant faire ressortir mes hésitations, puisque par exemple un participe féminin ne porte pas de marques de cas, et qu’un participe comme amé peut être hors contexte CRSm, CSPm, ou neutre (forme non marquée). C’est seulement dans les cas de participe passé employé avec +avoir mais non attribut du complément d’objet direct (cf. dans le présent ◊Chap3 §97), que je soulignerai la possibilité d’hésitations, mais simplement pour rester en conformité avec la règle telle qu’elle a été énoncée dans le présent §94, règle qui dans ce cas précis, dit que l’accord est facultatif.

 

 

3.6.2.2. Syntaxe du participe passé (accord et non accord) : application à PercL v1737-v1823. (§94a, §95, §96, §96a, §96b, §97)

            Rappellons que le passage PercL v1727-v1823 fait l’objet d’un commentaire détaillé supra dans le présent ◊Chap3 §71 à §81.

 

3.6.2.2.1. Participe passé épithète du nom (détachée ou non). (§94a)

§94a

 

  /./
li uns de nonains esbaïes,                   
l’autres de moinnes esgarez.             

v1756
v1757
 
Respectivement CRPf et CRPm.

 

 

 

  /./
Vers un palés covert d’atoise            
/./.
v1772  
 
CRSm.
   

 

                                  

 

  /./
d’une porpre noire, estelee                
/./.
v1797  
 
CRSf.
   

 

                                  

 

  /./
li vermauz sor le blanc asis                   
/./.
v1822  
 
CSSm.
   

 

                                  

 

 

3.6.2.2.2. Participe passé accordé avec le sujet du verbe (sauf les cas d’épithète du sujet). (§95, §96, §96a)

 

3.6.2.2.2.1. Participe passé attribut du sujet. (§95)

§95

  /./
et les meisons erent overtes              
/./.
v1762  
 
CSPf.
   

 

                                  

 

  /./
de vair, et n’ert mie pelee                     
la pane qui d’ermine fu.                           

v1798
v1799
 
 
CSSf.
   

 

                                  

 

  /./
an la teste furent li oel                              
riant et veir et cler fandu.                    

v1818
v1819
 
 
CSPm.
   

 

                                  

  /./
et la pucele vint plus jointe,                
plus acesmeë et plus cointe                
que espreviers ne papegauz.                    

v1793
v1794
v1795
 
 
CSSf.
   

 

                                  

 

 

3.6.2.2.2.2. Participe passé élément auxilié d’une forme passive. (§96)

§96

  D’un sebelin noir et chenu,                      
qui n’estoit trop lons ne trop lez,              
fu li mantiax au col orlez ;                  
/./.
v1800
v1801
v1802

 
 
CSSm.
   

 

                                  

 

  /./
com se il fust ovrez de main,              
/./.
v1814  
 
CSSm.
   

 

                                  

 

  Deslïee fu, et si ot                               
les chevox tex, s’estre poïst,                    
/./.
v1808
v1809

 
CSSf : le sujet, non exprimé, serait ele, reprenant la pucele 179329.

 

                                  

 

 

3.6.2.2.2.3. Participe passé et temps composé d’un verbe “perfectif”. (§96a)

§96a

  Dui prodome et une pucele                      
li sont a l’ancontre venu.                      
v1786
v1787
 
CSPm : les sujets coordonnés sont un masculin et un féminin : ici, le participe prend les marques du CS pluriel masculin.

 

 

 

 

3.6.2.2.3. Participe passé attribut du complément d’objet direct. (§96b)

§96b

  Et s’il ot bien defors trovee                
la terre gaste et escovee,                    
dedanz rien ne li amanda                         
/./.
v1747V
v1748
v1749

 
 
CRSf.
   

 

                                  

 

  /./
que par tot la ou il ala                              
trova anhermies les rues                           
et les meisons viez decheües,             
/./.
v1750
v1751
v1752
 
 
CRPf.
   

 

                                  

 

  Ne trova mie bien parez                      
les mostiers ne bien portanduz,       
/./.
v1758
v1759

 
 
CRPm.
   

 

                                  

 

  /./
ençois vit crevez et fanduz           
les murs, et les torz descovertes,        
/./.
v1760
v1761V
 
 
CRPm.
   

 

                                  

 

  /./
ençois vit crevez et fanduz                       
les murs, et les torz descovertes,
/./.
v1760
v1761V
 
 
CRPf.
   

 

                                  

 

  Le nés ot droit et estandu,                 
/./.
v1820

 
 
CRSm.
   

 

                                  

 

 

3.6.2.2.4. Participe passé employé avec +avoir (mais non attribut du complément d’objet direct). (§97)

§97

  /./
et chascuns ot ceinte une espee,  
/./.
v173930  
 
CRSf.
   

 

                                  

 

  /./
si ont la porte desfermee                  
/./.
v1740  
 
CRSf.
   

 

                                  

 

  Et s’il ot bien defors trovee         
la terre gaste et escovee,                          
dedanz rien ne li amanda                         
/./.
v1747V
v1748
v1749

 
 
CRSf.
   

 

                                  

 

  Vers un palés covert d’atoise                   
l’ont li .IIII. sergent mené                     
et descendu et desarmé.             
v1772
v1773
v1774
 
 
CRSm ?
   

 

                                  

 

  /./
et uns autres a establé                       
son cheval la ou il n’ot blé                       
/./.
v1779
v1780
 
 
CRSm ?
   

 

                                  

 

  Se bien esteüst as sergenz,                 
mout fussent bel, mes il avoient               
meseise tant qu’il estoient                  
tel qu’an s’an poïst mervellier            
/./.
v1742V
v1743
v1744
v1745V

 
 
CRSm ?
   

 

                                  

 

            En ce qui concerne les cinq dernières occurrences se pose une question. Étant donné qu’au participe passé la forme du CRSm coïncide avec la forme non marquée, nous pouvons nous demander si ici l’accord est fait ou non. En nous appuyant sur les exemples clairs (ceux où le participe est au féminin), nous dirions que Chrétien dans ce cas de figure réalise l’accord, et nous analyserions nos cinq dernières formes comme des CRSm. Mais comme nous avons un cas “assuré” d’invariabilité, celui de mis v6702° examiné dans le présent ◊Chap3 §94, il est plus prudent de ne pas se prononcer. C’est regrettable, parce que si Chrétien avait toujours réalisé l’accord avec le complément d’objet direct, cela nous aurait permis d’affirmer que meseise v1744 est masculin (or le mot +mesaise a les deux genres, masculin et féminin, en ancien français)31. On doit toutefois se rappeler que la construction du v6702 commentée dans le présent ◊Chap3 §94 ne remonte sans doute pas à Chrétien.

 

 

3.7. Vers le Chapitre 4. (§98)

§98

            Dans le Chapitre 4, nous répondrons aux questions qui ont été posées dans le présent ◊Chap3, concernant la loi rythmique (cf. §70) et le trio +ancïen / +vieil / +viez (cf. §73, commentaire au v1752). Nous commenterons le passage v1824-v1879 : n’omettez pas de préparer une trentaine de vers. À côté de cela, nous mènerons aussi d’autres études dans le Chapitre 4.

Fin du Chapitre 3 de May Plouzeau, PercevalApproches
◊Chap3 Fin

Dernière correction : 13 avril 2007.
Date de mise à disposition sur le site du LFA : 16 avril 2007.

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