Des ore mais est raisons
(R1885, L 215-2, MW 889,6)
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Sources manuscrites
Z : anonyme (33 vo - 34ro), I-V, notée
;
M : Guios de Digon (177 vo), I/II, portées vides
;
V : anonyme (96 ro - vo), I-V, notée ;
R : anonyme (84 ro - vo), I-III, notée ;
O : Jehan de Nueviles (46 ro), I/II, notée ;
C : Messirez Raus de Soissons (52 ro - vo), I-V,
portées vides ;
U : Guiot de Dijon (main postérieure), (126 ro - vo), I-IV,
sans mélodie ;
F : Jehans de Nuesvile (102 vo - ro), I-III, notée.
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Éditions antérieures
- Winkler, chanson 17, p. 78-80
(texte de M I/II, Z III-V) ;
- Gauthier, p. 49-71 (texte de Z)
;
- Nissen, p. 19 (texte de Z) ;
- Richter, p. 68 ;
- Gennrich, Die altfr. Liedersh., p. 420 (texte de F)
- Spaziani, p. 79.
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Classement des manuscrits / attribution de la chanson
Bien que M ne transmette que les deux premières strophes et que
R ne donne que les trois premières, l'étude des variantes montre
que MRZ sont assez proches les uns des autres et que V
constitue un sous-groupe de la même famille. Au v. 10, par exemple, ils s'opposent à
OCUF. C et U, qui transmettent une
version différente de la str. IV, sont étroitement liés, bien qu'ils ne
coïncident pas toujours et que U renverse l'ordre des str. II
et III. O et F ne se laissent que difficilement
classer mais s'accordent pour donner la chanson à Jehan de Neuville. L'attribution à
Raoul par le seul ms. C, témoin pas toujours très fiable,
apparaît peu convaincante. Si Gauthier la donne à Raoul (sans explication), Richter
et Nissen l'attribuent à Jehan de Neuville. Nous la classons parmi les
chansons rejetées.
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Établissement du texte
Les mss C et Z, seuls à donner 5 strophes,
transmettent des versions différentes des deux dernières strophes (données en
appendice). Comme la
version de C fait atteinte au schéma des rimes (v. 32, 34,
36, 37, 40), le choix de Z comme
manuscrit de base s'impose ; on notera en outre que C n'a pas
conservé l'enchaînement strophique qui résulte de la reprise du
mot detrie au premier v. de la str. V. Le texte de Z est
presque sans fautes et on peut se demander pourquoi Winkler a jugé bon de
donner un mélange de M et Z. Nous ne sommes
intervenue qu'une seule fois, pour corriger la faute de syntaxe au v. 10, où
la conjonction ne se trouve transposée du v. 11. A l'évidence, il
s'agit d'une erreur par anticipation de la part du
scribe de la source commune aux mss MVRF. Nous l'avons corrigée d'après OCU,
choisissant la variante de O (verbe au passé) puisque le v. 11
est, lui aussi, au passé. Nous n'avons pas remplacé le verbe giller, car fausser se trouve déjà
à la rime au v. 4 (cf. Gauthier). On peut se demander si le -s final de
raisons au v. 1 (CS) fait atteinte à la rime, mais il paraît que
le début de l'amuïssement du -s final date du 13ème siècle (Meyer-Lübke, §221, Pope, §613). Anthonij Dees
souligne en outre « la tendance des systèmes graphiques au
conservatisme, ce qui peut créer un décalage entre une forme écrite qui reste
et une forme phonétique qui évolue » (Aspects de linguistique française, p.
93). Comme seul V omet le -s
final, nous ne sommes pas intervenue.
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Interventions
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v. 10 - Ne onkes ne seue : correction en L'ai servie et
d'après O ; nous avons inséré la conjonction ne au début du v. 11,
selon MRVOCF.
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Versification et stylistique
Cinq strophes isométriques heptasyllabiques de 8 vers en coblas unissonans
; les strophes III et IV sont enchaînées par la technique de coblas
capfinidas (reprise du mot detrie du dernier vers de la
str. III au premier v. de la strophe IV).
Mélodie: |
A |
B |
A |
B |
C |
D |
E |
F |
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Schéma: |
a |
b |
a |
b |
b |
a |
a |
c |
(MW : 9) |
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7 |
7 |
7 |
7 |
7 |
7 |
7 |
7' |
(MW : 1) |
Particularités stylistiques:
- rimes dérivées : v. 19/23 prison / mesproison
- rimes paronymes : v. 25/31 pardon / don ;
- enjambement au v. 31/32 j'averai don / de merci, v. 38/39 m'entention / en Amour,
v. 39/40 voel son bon / acomplir ;
- allitération : v. 13/14 Maint mal m'a, Mais mout me.
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LangueDans son ensemble, Z présente un texte
francien, marqué par quelques picardismes:
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ço > çou ;
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qu + i, e s'écrit -k : ki, ke,
onkes (Gossen, 98) ;
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-c + yod final > -c : faic (ibid., 94) ;
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-an pour -en étymologique : tans (ibid., p. 65) ;
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-l + yod à la finale > -l : voelle (ibid.,
p. 116).
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Traduction
À nos yeux, la str. IV est adressée à la dame, mais on
pourrait aussi comprendre que le poète l'adresse à Amour (le service à Amour
est mentionné dès le début, cf. v. 4/7).
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Mélodie
La chanson est mentionnée dans
Chromatic Beauty in the Late
Medieval Chanson: An Interpretation of Manuscript
Accidentals (Thomas Brothers), pp. 68, 71 et 80. La mélodie est donnée par
Beck (p. 103) d'après le ms. O et par Gennrich (Die altfr.
Liederhs. London, p. 421) d'après F.
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