Sens et reson et mesure
(R2106, L 258-8, MW 1362,1)
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Sources manuscrites
K : anon. (418-419), I-IV, VI, notée ;
N : T. de Soissons (63ro - 63 vo), I-VI, notée
;
V : anon. (51 vo - 52 ro), I-V, notée.
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Éditions antérieures
- Winkler, chanson 11, p. 62-64 : texte de K
(I-V, VI) et N (V) ;
- Spanke, Liedersammlung, p. 252-254. Bien que Spanke ne fournisse aucune indication par
rapport au choix du manuscrit de base ni d’explications sur ses interventions, un
examen de son édition permet de conclure qu’il a fait le même choix que Winkler (texte de
K (I-V, VI) et N (V). Curieusement, l’éditeur
signale que la chanson qui figure dans l’édition de Winkler est la R2106a (unicum de
R qui, à l’exception de l’incipit, n’a rien en commun avec notre chanson) et il
donne R2106 comme inédite (« bisher ungedruckt »), erreur qu'il a
d'ailleurs corrigée dans sa Bibliographie. En réalité, Winkler présente R2106a en
appendice pour la bonne raison que Raynaud, dans sa Bibliographie,
ne s’est pas aperçu que la pièce dans R n’est pas la même que celle donnée par KNV.
R2106a n'a pas été éditée depuis Winkler et nous la donnons
dans la section Textes supplémentaires.
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Classement des manuscrits / attribution de la chanson
Dans K, la chanson est située à la fin de la section anonyme,
précédée d’un unicum. N l’attribue à « Mes sires T. de
Soissons » et la pièce est située parmi une série de onze chansons toutes
attribuées à ce trouvère. Pour sa part, V la donne à la suite de
deux autres pièces attribuables à Raoul. En somme, rien ne contredit
l'attribution à Raoul.
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Établissement du texte
En général, KN forment groupe contre
V. Les différences que l’on peut relever
entre les trois manuscrits, appartenant à la même famille, sont insignifiantes, bien
que V soit plus souvent fautif. L’exception est l’absence de
la str. V dans K (et de la str. VI dans V). La strophe donnée par
NV s’inscrit cependant si bien dans la structure en coblas doblas
que son absence dans K doit être due à une omission du scribe. Ainsi, nous avons opté pour le texte de
N, qui, du reste, s’écarte à peine de la leçon de K.
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Interventions
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v. 18 - le : ce pronom pourrait représenter un féminin picard
(Gossen, 121) renvoyant à chascune au v. 17, mais comme KV
s'opposent à N dans ce cas-ci, nous l'avons remplacé par les ;
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v. 24 - vers hypométrique : leçon de K ;
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v. 43 - vers hypométrique dans les 3 manuscrits : nous avons ajouté
que en tête du vers ;
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v. 50 - douçor : le sens exige la leçon de V (doulor) ;
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v. 59 - lacune : leçon de K.
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Versification et stylistique
Six strophes hétérométriques de 11 vers en coblas doblas. La charpente métrique est unique et la chanson est la
seule parmi les pièces attribuées à Raoul à présenter un frons à rimes embrassées.
Mélodie : |
A |
B |
C |
D |
E |
F |
G |
H |
I |
K |
L |
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Schéma : |
a |
b |
b |
a |
b |
a |
b |
b |
b |
a |
b |
(MW :1) |
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7' |
8 |
8 |
7' |
8 |
7' |
8 |
4 |
8 |
7' |
8 |
(MW :1) |
Particularités stylistiques :
- fig. étymologique: pensis / pensee (v. 51, 54) ;
- rime paronyme: laidure / dure (v. 6, 10);
deservie /
vie (v. 23, 26); deliz / lis (v. 46, 47) ;
- rime dérivée : sentir / consentir (v. 13, 19) ;
- enjambement à la rime : Qu’ailleurs ne quier / Joie
(v. 41/42) ;
- allitération au v. 8 des strophes II, III et IV et aux. v. 34, 47 et 61.
On notera la structure dynamique de la chanson selon laquelle
le trouvère s'adresse au public dans les 4 premières strophes (exorde
sentencieuse, les traîtres, les souffrances de l'amant) et ne se tourne vers la
dame que dans l'avant-dernière strophe, où il chante sa beauté. La dernière
strophe, adressée à la chanson même, se termine par un vers qui, de par sa
construction, reprend l'incipit: sens et reson et mesure - amors et
pitiez et merciz (figure du membrum, Dragonetti p. 37-39), créant un
effet de circularité.
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MélodieSpanke ne fournit aucune indication sur la structure mélodique, ce qui a
amené Räkel à commenter la mélodie en détail (p. 207). Il signale que les
mélodies dans K et N sont presque identiques,
tandis que V s'y oppose (Kontrapositum). Räkel conclut que la structure mélodique est semblable à la
structure métrique (« Raoul, wie sein königlicher Freund [Thibaut] [hat] die metrische Struktur in der musikalischen aufzuheben
versucht »).
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