Les manuscrits

Vingt manuscrits contiennent ou contenaient des chansons attribuées ou attribuables à Raoul, parmi lesquels le manuscrit de Metz, détruit en 1944, et le chansonnier de Mesmes, manuscrit perdu que nous désignerons par le sigle « Me ».

B
C
F
H
K
M
N
O
P
R
S
T
U
V
X
Z
a
Maz.
Metz
Me

Berne, Bibl. munic., 231
Berne, Bibl. munic., 389
Londres, British Mus., Egerton 274
Modène, Bibl. d'Este, R 4,4
Paris, Bibl. de l'Arsenal 5198
Paris, Bibl. nat., fr. 844
Paris, Bibl. nat., fr. 845
Paris, Bibl. nat., fr. 846
Paris, Bibl. nat., fr. 847
Paris, Bibl. nat., fr. 1591
Paris, Bibl. nat., fr. 12581
Paris, Bibl. nat., fr. 12615
Paris, Bibl. nat., fr. 20050
Paris, Bibl. nat., fr. 24406
Paris, Bibl. nat., fr. 1050
Sienne, Bibl. de la ville, H.X.36
Rome, Bibl. Vat., Regina 1490
Paris, Bibl. Mazarine 54
Metz, Bibl. munic. 535
Chansonnier de Mesmes (perdu)

Notons que le dépouillement des sources habituelles (les bibliographies de Raynaud, Jeanroy, Schwan, Spanke et Linker, ainsi que les articles de Brakelmann et de Gennrich) révèle un certain nombre de divergences entre elles. Si Mme Tyssens [1] critique les éditeurs des trouvères qui se bornent à répéter, sans nouvel examen, les données énoncées par Raynaud, Schwan et Jeanroy, ce n'est donc pas uniquement le raidissement et la simplification des formulations qu'il faut craindre, c'est également la perpétuation des inexactitudes. Ainsi, ce que nous présentons ici est un aperçu des sources citées dont nous ne donnons la référence qu'en cas de désaccord ; nous y ajoutons, le cas échéant, des données tirées d'ouvrages et d'articles plus récents, ainsi que des observations qui proviennent de notre propre examen de certains des manuscrits en question à la Bibliothèque nationale de Paris, au British Museum de Londres et à la Biblioteca Apostolica du Vatican. Nous fournissons en outre des renseignements sur la place qu'y occupent les chansons attribuées ou attribuables à Raoul et sur la nature de ses graphies. Les renseignements bibliographiques (descriptions, éditions diplomatiques ou photoypiques etc.) sont donnés dans la section Bibliographie sous la rubrique « Manuscrits ».

B : Berne, Bibl. munic., 231
In-4o (29.5 X 21,7 cm),  vélin, fragment de 8 feuillets, début du XIVe siècle. Portées vides pour quelques chansons ; pour d’autres, notes d’une écriture postérieure. Le premier feuillet commence au milieu d'une chanson. Linker et Spanke affirment que B faisait autrefois partie du ms. L, sans malheureusement fournir de preuves. Un premier examen des deux manuscrits montre cependant que cette hypothèse n’est pas sans fondement. Le manuscrit contient 20 chansons sans nom d’auteur, dont 14 de Thibaut de Champagne (et non pas 13, comme le laissent entendre Jeanroy et Linker), une d’Eustache le Peintre, une du Vidame de Chartres et une de Gautier d’Espinal. Une pièce anonyme (R879) sépare les deux chansons que d’autres chansonniers attribuent à Raoul : R363, précédée d’une chanson de Thibaut de Champagne, et R1204, sur laquelle se termine le manuscrit. Pour plus de détails, voir notre transcription et les images du manuscrit à la section lyrique du site Laboratoire de Français Ancien.

C : Berne, Bibl. munic., 389
In-4o (22.5 X 16.5 cm), parchemin, 249 folios, sans musique. Graphie lorraine, probablement messine. Comme le manuscrit contient des chansons de plusieurs trouvères encore vivants vers la fin du XIIIe siècle, il doit remonter au plus tôt à la dernière décennie du XIIIe ou vraisemblablement au début du XIVe siècle. L'édition diplomatique de ce manuscrit par J. Brakelmann d'après une copie de Mouchet (B.N. f. Moreau 1687-8) suscita la publication de dix-sept pages de corrections par Gröber et von Lebinski, qui signalent en outre que le manuscrit autrefois comprenait 32 quaternions ou 256 folios, dont sept ont disparu [2]. Raynaud nous apprend cependant que « l'ancienne pagination ... comprenait 276 feuillets » , soit 35 quaternions et demi. En fait, ce chiffre de 276 a été introduit par Johann von Sinner, qui publia de 1760 à 1772 le premier catalogue imprimé des manuscrits. Par la suite, il a dû être adopté sans vérification par Achille Jubinal, qui avait le manuscrit en main en 1838 et aurait donc eu le temps de l'examiner de près. En 1868, Brakelmann écrit au bibliothécaire en chef de la bibliothèque municipale de Berne pour lui demander des renseignements et apprend que le manuscrit comprend effectivement 249 feuillets. Il conclut qu'il s'agit d'une erreur de la part de Sinner, reprise par Jubinal, Dinaux et Raynaud. Les 519 chansons sont classées par ordre alphabétique ; la première pièce sous chaque rubrique est une chanson religieuse. Le ms se terminant brusquement au milieu de la dernière chanson sous la rubrique V, il est évident qu'une partie manque. Le scribe s'est contenté de donner le nom de l'auteur pour douze chansons ; tous les autres noms ont été ajoutés d'une autre main (du XIVe s.). Le classement alphabétique d’après la première lettres de chaque pièce repose sur la graphie, de sorte que la chanson R 2107 de Raoul, Quant voi la glaie meüre, figure dans la section Q et R1978, Kant je voi et fuelle et flor, se trouve placée sous la rubrique K.

F : Londres, British Museum, Egerton 274
Joli petit manuscrit (11 X 15 cm), parchemin, initiales ornées, 160 feuillets, musique [3]. Selon Gennrich, le type de graphie est la minuscule de la fin du XIIIe siècle. Le recueil est composé d'une partie en latin (les 97 premiers folios) et d'une autre en français (ff. 98-117, 131-2), contenant 18 chansons dont la plupart sont notées (portées vides aux ff. 107ro/vo, 113-117. Langue teintée de picardismes. Tenant compte du format de poche de ce manuscrit ainsi que du caractère très varié du contenu, Gennrich a conclu qu'on pourrait classer ce recueil comme « manuscrit de  jongleur » [4]. Dans douze des chansons, la première strophe ou partie de la strophe a été grattée et remplacée par un texte liturgique latin, destiné à être chanté sur la mélodie de la chanson profane dans la plupart des cas. C'est ainsi que le texte des neuf premiers vers de R2107 est illisible (les mots lors soupir sont visibles au vers 5). Dans la version originale, toutes les chansons étaient anonymes : les noms d'auteur ont été ajoutés par une autre main (du XIVe s.). Quatre des pièces sont des unica. Une chanson de Robert du Chastel sépare les deux chansons que d’autres manuscrits attribuent à Raoul : R2107, précédée d’une pièce de Colart le Boutellier, et R1885 (que F attribue à Jehan de Neuville), suivie d’une chanson de Gace Brulé.

H : Modène, Bibl. d’Este, R. 4,4
In-fol. (34.2 X 24.3 cm), parchemin, 261 feuillets écrits aux XIIIe et XIVe siècles (suivis de ff. 262-345 sur papier écrits au XVIe siècle), initiales ornées, sans musique. La plus grande partie de ce manuscrit renferme des chansons provençales ; en effet, c’est le chansonnier provençal D, dont les ff. 217-230 sont occupés par 63 chansons françaises. Les 49 premières sont attribuées à tort à Moniot d’Arras, les autres sont anonymes. Graphie mêlée, produit d’un scribe probablement italien qui devait transcrire des textes picards. Les chansons semblent être rangées au gré du hasard, leur ordre ne donnant aucune indication par rapport à la filiation du manuscrit. Au début de la table au f. 1a se lit la date 1254 [5] et Lucilla Spetia, dans son étude minutieuse, affirme que le manuscrit a dû être composé entre 1254 et 1260, datation qui permet de considérer ce manuscrit comme le plus ancien témoin de texte lyrique en langue d'oïl, peut-être avec la première partie de U. Elle ajoute que comme seules les 49 premières chansons sont numérotées, il semble que le copiste est entré en possession d'un second modèle contenant 14 chansons (parmi lesquelles R2063 de Raoul) peu de temps après avoir écrit le reste du manuscrit. En effet, la deuxième partie semble être écrite avec moins de soins, sans initiales ornées. La chanson R1267 de Raoul est placée dans la première partie, entre une chanson de Moniot d’Arras et une pièce anonyme ; R 2063 suit une chanson anonyme (unicum) et précède une pièce de Hugues de Bregi. Pour plus de détails, voir notre transcription et les images du manuscrit à la section lyrique du site Laboratoire de Français ancien.

K : Paris, Bibl. de l'Arsenal, 5198 (« Chansonnier de l'Arsenal »)
Beau manuscrit sur vélin, in-4o (31.5 x 22 cm), musique, initiales ornées, 211 feuillets, 2ème moitié ou fin du XIIIe siècle. Les pièces sont divisées en deux groupes : d'abord, celles dont les auteurs sont connus, et ensuite celles qui sont anonymes. Le recueil se termine sur une seconde série de 21 pièces anonymes, disposées dans l'ordre alphabétique, dont la plupart sont des unica. La reproduction phototypique de Pierre Aubry et Alfred Jeanroy, Le chansonnier de l'Arsenal (Paris, 1909) omet les 36 derniers feuillets. Selon Brakelmann, le chansonnier contient 481 chansons, dont 139 anonymes, et renferme les noms de 81 auteurs. Brakelmann prétend que K est de la même main que N, mais s’il est vrai que les deux mains paraissent très semblables, un examen superficiel des deux manuscrits révèle pourtant des différences assez nettes. Les chansons de Raoul sont rangées en deux groupes : 1) R1267, R2063, R2107 et R1978 attribuées à Raoul de Soissons, placées entre les chansons attribuées à Moniot d’Arras et celles de Gilbert de Berneville, et 2) R1970, R363, R778, R767, R1911 et R429 attribuées à Thierri de Soissons, placées entre les chansons attribuées au Comte de la Marche et une autre chanson de Gilbert de Berneville.

M : Paris, Bibl. nat., fr. 844 (« Manuscrit du roi »)
In-4o (31.5 X 21.5 cm) sur vélin, grandes initiales ornées, musique, 2e moitié du XIIIe siècle. La plupart des miniatures représentant les trouvères ou leurs armoiries ont fait l'objet d'une ablation, ce qui a entraîné des mutilations dans le texte ; en outre, on a arraché 18 feuillets entiers. La miniature de Raoul se trouvait au haut de la colonne b, fol. 75. Il contient 216 feuillets ; les pièces françaises occupent les premiers 185 feuillets, suivies de pièces provençales (ff. 188-204 et 212-3), de motets (ff. 205-10) et de quelques lais. Brakelmann nous apprend que la première partie du ms contient 463 chansons de 84 trouvères. Toutes les chansons portent des noms d’auteur. Les deux chansons de Raoul (R1267 et R2063), attribuées à Raous de Sissons, sont placées entre les chansons de Raoul de Ferrieres et celles de Pierre de Craon.

N : Paris, Bibl. nat., fr. 845
In-4o (30 X 20.5 cm) sur vélin, initiales ornées, musique,191 feuillets. Selon Schwan et Brakelmann, le manuscrit remonte à la fin du XIIIe siècle. Les pièces attribuées sont suivies d’une série de chansons anonymes, très analogues à celles de KPX mais plus courtes, et de quinze motets et trois lais. Brakelmann signale 399 chansons de 76 auteurs (dont 29 de Thibaut de Champagne et 50 de Gace Brulé), et 93 chansons anonymes. Lerond a fait remarquer que deux cahiers semblent manquer après le f. 8, qu’un feuillet a sans doute disparu entre les ff. 12 et 13, qu’entre les ff. 39 et 40 un autre cahier a dû disparaître et que deux cahiers doivent manquer entre les ff. 175 et 176. [6] Une comparaison avec K et Me semble confirmer cela. Les chansons de Raoul (R1970, R363, R778, R211, R767, R2106, [R1204], R2063, R1267, R2107 et R1978) sont toutes attribuées à Thierri de Soissons et données de façon consécutive, entre celles de Perrin d’Angecourt et de Gilbert de Berneville.

O : Paris, Bibl. nat., fr. 846 (« Chansonnier Cangé »)
In-8o (24.2 X 16.6), sur vélin, musique, lettres ornées, fin du XIIIe siècle. Graphie bourguignonne assez prononcée. Selon Raynaud, Linker et al., le manuscrit renferme 141 feuillets, mais Beck, dans son édition, affirme que la partie originale du manuscrit comprend « 17 quaternions complets et un de 14 ff., à la fin », donc 143 ff. Cangé y a ajouté « trois cahiers de parchemin », soit 24 feuillets (selon Raynaud : 21 feuillets). Le manuscrit contient 351 chansons, dont 5 ont été transcrites deux fois. De tous les chansonniers, celui-ci offre le plus grand nombre de pièces de Thibaut de Champagne (64) et un nombre considérable d’unica (74). Les chansons sont classées par ordre alphabétique, sans noms d’auteurs. La chanson de Raoul (R1154) occupe une place entre deux unica toujours non-identifiés. Notons que le manuscrit ne donne que la première strophe de R1154. Beck pense que dans le cas où le compilateur du manuscrit n’a admis qu’un couplet, c’est l’excellence de la musique qui a déterminé son choix.

P : Paris, Bibl. nat., fr. 847
In-8o (19.5 X 13 cm), parchemin, 228 folios (f. 92 manque), initiales ornées, musique, plusieurs mains. Brakelmann signale que P renferme 190 chansons de 60 auteurs et 114 chansons anonymes. Le manuscrit se compose de deux recueils : un chansonnier d'abord, puis le Roman du Vergier et de l'Arche, suivi de chansons et de jeux-partis d'Adam de la Halle. On constate de nouveau un certain désaccord entre les bibliographies. Selon Schwan, une main de la fin du XIIIe siècle a écrit les chansons de la première partie (ff. 1-199ro) ; viennent ensuite plusieurs pièces attribuées au Quens de Bretaigne, écrites par une seconde main (du XIVe siècle) ; cette section se terminerait au f. 203vo. Pour sa part, Jeanroy, après avoir affirmé que les chansons anonymes occupent les ff. 129-198a, signale que la partie anonyme appartenait en réalité à un autre manuscrit et que les chansons du comte de Bretagne commencent au f. 178vo (coquille). Raynaud, lui, écrit : « aux ff. 135 et 198 deux nouvelles séries commencent ». Linker, quant à lui, ne se prononce pas à ce sujet et ne consacre de toute façon que quelques mots à la description de ce manuscrit. Les quatre chansons de Raoul (R1267, R1978, R2063 et R2107) sont toutes attribuées à Raoul de Soissons et données de façon consécutive, entre une pièce de Perrin d’Angecourt et deux chansons de Hugues de Bregi.

R : Paris, Bibl. nat., fr. 1591
In-8o (24 X 16.5 cm), parchemin, 184 folios, initiales ornées, musique (excepté pour quelques jeux-partis). Quelques graphies picardes. Le manuscrit contient 81 chansons attribuées à 50 auteurs et 172 pièces anonymes. Elles se présentent dans l'ordre suivant : d'abord une série de chansons attribuées (ff. 1-16ro), puis une série de jeux-partis précédés des noms des partenaires (ff.16-26), ensuite d'autres chansons attribuées (f. 27) et enfin, les chansons anonymes (f. 62vo). Selon Schwan, il s'agit effectivement de trois recueils réunis (R1 : ff. 1-36, R2 : ff. 37-61, R3 : ff. 62-fin), tous écrits au XIVe siècle. Schubert, toutefois, présente la division suivante : ff. 1-36, ff. 37-75, ff. 76-105, ff. 106-153, et ff. 154-fin. Deux chansons de Raoul (R1267 attribuée à Raoul de Soissons, et R2063 sous la rubrique Jehan au Roy de Navarre) se situent entre une chanson de Conon de Bethune et quelques pièces de Thibaut de Champagne. Une chanson de Phelipot Paon sépare les deux autres pièces de Raoul (R363 et R2107, données comme anonymes), précédées d’une chanson anonyme et suivies d’une chanson de Perrin d’Angecourt.

S : Paris, Bibl. nat., f.fr. 12581
In-4o (30 X 21.5 cm selon Linker, 29.8 X 22.5 selon Raynaud) sur vélin, 429 folios. Steffens signale que Paul Meyer avait observé la date de 1284 placée après Le Trésor (f. 229vo). [7] L'idée d'addition postérieure étant peu probable aux yeux de Meyer, l'on est en droit de supposer que le manuscrit remonte à la fin du XIIIe siècle. Initiales ornées dans le texte des chansons et jeux-partis (tous anonymes) qui, au nombre de 62 (59 selon Brakelmann), ne forment qu'une partie minime de ce manuscrit. Jeanroy et Linker signalent que les pièces (sans musique) y sont éparpillées à cinq endroits (ff. 87-8, 230-2, 312-20, 372, 375), tandis que Raynaud, Schwan, Brakelmann et Steffens n'en signalent que quatre (ils omettent le f. 372). Presque tous les jeux-partis sont de Thibaut de Champagne. Les pièces ne sont pas notées et ne portent pas de nom d'auteur. Le manuscrit renferme une seule chanson de Raoul (R2107), située entre une pièce de Thibaut de Champagne et une de Gautier d’Espinal.

T : Paris, Bibl. nat. f.fr. 12615 (« Manuscrit de Noailles »)
In-fol. (30.7 X 20.4) sur vélin, 233 feuillets, musique, fin du XIIIe siècle (avec de nombreuses additions du XIVe et du XVe), initiales ornées. Écrit en longues lignes, graphie artésienne très prononcée. Parmi les chansons et jeux-partis se trouvent intercalés des lais (ff. 62-75) dont deux en occitan, des motets (ff. 179-197), des poésies sur Arras ; les ff. 172v° et 176v°, d’une écriture postérieure, sont occupés par les chansons de Jehan de Renti, et les derniers feuillets, d’une écriture du XIVe siècle, par les chansons d’Adam de la Halle. Schwan distingue plusieurs mains : la première du f. 1 au f. 59r°, la deuxième du 59v° au 172r°, la troisième du f. 172v° au f. 176vo, la quatrième du f. 224r° à la fin. Toutes les pièces portent des noms d’auteurs. Selon Brakelmann, la première partie du manuscrit renferme 435 chansons de 71 auteurs. Le manuscrit transmet deux chansons de Raoul (R1267 et R2063) attribuées à Raoul de Soissons et placées entre les chansons de Richart de Fournival et une pièce de Gautier d’Espinal. Il contient en outre la chanson R1911 que K attribue à Raoul mais qui est vraisemblablement de la plume de Guillaume le Vinier. T l’attribue effectivement à Guillaume et la place parmi une série de 25 chansons attribuées à ce dernier.

U : Paris, Bibl. nat., f.fr. 20050 (« Chansonnier de Saint-Germain-des-Prés »)
In-8o selon Jeanroy, in-12o selon Schwan (18 X 12 cm), parchemin, 173 feuillets, milieu/fin du XIIIe siècle. Les chansons sont toutes anonymes, bien qu’une main moderne y ait ajouté des noms d’auteurs (P. Paris ?). Ce manuscrit, fort intéressant sinon curieux, avait été peu étudié avant la publication de l'analyse préliminaire de Madeleine Tyssens. Schwan, Raynaud et Jeanroy avaient certes bien remarqué que le volume est écrit de plusieurs mains (pour l'essentiel, U1 : 4-91, U2 : 94-109, U3 : 110-169), mais selon Tyssens, il faut écarter l'hypothèse selon laquelle ces scribes remonteraient à « plusieurs époques ». Elle souligne que le quatrième scribe intervient comme correcteur dans tout le volume et même dans la table (incomplète) écrite de mains diverses - preuve que plusieurs des copistes ont dû travailler en même temps. Le recueil conserve un très grand nombre d'unica, et Tyssens signale en outre qu'il est souvent seul à avoir conservé les envois, ou le deuxième envoi d'une chanson. Graphie lorraine particulièrement manifeste dans les textes de U2 et U3. Linker et Spanke affirment que sur 306 chansons, 93 sont notées, tandis que Tyssens cite 114 pièces notées sur 335, Brakelmann signale à tort que le manuscrit renferme 426 chansons. Notre index du manuscrit montre que le manuscrit renferme en fait 334 chansons (parmi lesquelles 28 chansons de troubadour). Tenant compte du format de poche de ce manuscrit ainsi que de son caractère peu soigné et des nombreuses corrections, Brakelmann a conclu que l'on pourrait classer ce recueil comme « manuscrit de jongleur ». L’ordre des chansons ne révèle aucun système de classement ; ainsi, la chanson R2063 suit plusieurs pièces de Thibaut de Champagne et précède une chanson de Perrin d’Angecourt ; R 2107 est placée entre une chanson de Gilles de Maisons et une de Gautier d’Espinal ; R1978 est située entre une chanson de Conon de Betune et une de Richart de Fournival, et R1267 se trouve entre une chanson du Roi Richart et une autre chanson de Gille de Maisons. R1887 suit une chanson de Moniot d’Arras et précède une pièce de Maurice de Craon.

V : Paris, Bibl. nat., fr. 24406 (« Manuscrit La Vallière »)
In-4o (28.3 X 18.5 cm), parchemin, 155 folios, initiales ornées, miniatures, musique. Le recueil est composé de deux manuscrits, dont le premier renferme une série (300) de chansons anonymes (notées), classées par auteur (ff. 1 à 119), et écrites à la fin du XIIIe ou au début du XIVe siècle. Epstein y reconnaît cependant la main de deux scribes (ff. 1-64 et ff. 65-199). [8] Le deuxième recueil, d'une troisième main, remonte au début du XIVe siècle et comprend deux ouvrages en prose (Traité des quatre necessaires, Bestiaire d'amour de Richart de Fournival), suivis de 29 chansons religieuses (ff. 148-155, selon Raynaud, Brakelmann et Epstein, 148-158 selon Linker et Jeanroy), dont les cinq dernières sont des unica (Brakelmann et Epstein citent 30 chansons, cependant). La musique dans cette partie a été ajoutée après coup. Le manuscrit renferme deux groupes de chansons de Raoul (toutes anonymes) : R767, R929 et R2106 placées entre une chanson de Thibaut de Blason et une de Philippe de Remi (unicum), et R1267, R2063, R1978, R363, R1970, R778 et R211, précédées d’une chanson de Jehan de Roucy et suivies d’une pièce de Perrin d’Angecourt. La chanson R1887 est placée entre deux pièces anonymes.

X : Paris, Bibl. nat., fr. 1050 (« Manuscrit Clairambault »)
In-4o (24.5 X 17 cm), parchemin, musique, lettres ornées, seconde moitié (Schwan : la fin) du XIIIe siècle. De nombreux folios manquent. Le manuscrit (que Brakelmann a omis) contient d'abord une série de pièces attribuées (ff. 8-192), puis de pièces anonymes (ff. 192-257), et aux ff. 257-72, une série de 31 chansons religieuses (de la mere dieu) dont plusieurs sont des unica. Les ff. 121,126, 136 à 154 sont remplacés par des feuillets de papier sur lesquelles ont été transcrites, au XVIIIe siècle, d'après le ms. N, des chansons ou parties de chansons manquantes. Raynaud a fait remarquer que le manuscrit X est presque identique au manuscrit K : « [il] ne s'en sépare que par quelques légères différences dans l'ordre des chansons ». Le manuscrit renferme les chansons R1267, R2063, R2107 et R1978 attribuées à Raoul de Soissons, placées entre les chansons de Moniot d’Arras et celles de Gillebert de Berneville. Une cinquième chanson, R363, est donnée comme anonyme, entre deux pièces elles aussi anonymes.

Z : Sienne, Bibl. de la ville, H.X.36
In-4o (28.5 X 20 cm), parchemin, initiales ornées, musique, 54 feuillets. Fin XIIIe ou début XIVe siècle. Contient 77 chansons et 24 jeux-partis anonymes, mais groupés par auteur (à l’exception des ff. 25v°-28r° qui portent le nom de Colars li Boutilliers). Graphie picarde. Le manuscrit renferme la chanson R1885 que C attribue à Raoul mais qui est vraisemblablement de la plume de Jehan de Neuville. Z la donne comme anonyme et la situe entre une chanson de Guillaume le Vinier et une pièce de Thibaut de Blason.

a : Rome, Bibl. Vat., f. Reg. 1490
In-4o (30.6 X 21 cm), parchemin, 181 folios, initiales ornées, musique (portées vides parfois). Le manuscrit a été mutilé ; comme c'est souvent la première page qui manque sous les rubriques des poètes, Keller a supposé que ces pages ont dû contenir des miniatures [9]. Selon Schwan, le recueil remonte à la fin du XIIIe siècle. Brakelmann signale que le chansonnier contient 240 chansons de 32 poètes, onze pastourelles, vingt motets et rondeaux, seize chansons mariales, quatre poèmes d'Adam le Bossu, Nivelon d'Amiens et Guillaume d'Amiens, et 80 jeux-partis (79, selon Gennrich). Le manuscrit renferme une chanson de Raoul (2107) attribuée à Raoul de Soissons, située entre 3 chansons de Jaque de Cysoing et une pièce d’Andrieu de Paris (donnée comme anonyme).

Maz. : Paris, Bibl. Mazarine 54
32.5 X 23 cm. Ce manuscrit en prose, qui remonte au XIIe/XIIIe siècle, se compose de deux manuscrits français dans une même reliure, dont le premier renferme les quatre livres des Rois, et le deuxième le livre des Macchabées. Sur la dernière page, une autre main a ajouté la première strophe de R2107 ; la graphie, très peu soignée, est celle de la fin du XIIIe siècle. Les vers, dont les deux derniers sont pour la plupart illisibles, sont écrits à longues lignes.

Metz : Bibl. munic., 535
In-4o (20 X 13 cm), parchemin. Malgré la destruction de ce manuscrit en 1944, la transcription de la première strophe de R2107 effectuée par Paul Meyer [10] et les variantes données dans l'édition critique par Winkler nous permettent de reconstituer le texte de la chanson de Raoul. Nous avons donc jugé utile de fournir une description de ce manuscrit. Le petit volume, qui ne figure ni dans la bibliographie de Jeanroy ni dans l'ouvrage de Schwan, contenait, outre diverses compositions pieuses en prose (parmi lesquelles le Traité des quatre temps d'âge d'homme de Philippe de Navarre), une série de 22 chansons aux ff. 161-71, toutes anonymes. Selon Meyer, l'écriture paraît être celle des dernières années du XIIIe siècle ou des premières années du XIVe, tandis que Gennrich propose le deuxième tiers du XIIIe siècle. Les formes de la langue attestent avec évidence une origine lorraine et plus particulièrement messine. Ludwig signale que des neuf chansons françaises notées, sept sont des contrafacta, composés sur des chansons profanes. [11] La plupart des chansons étant de caractère religieux, Ludwig suppose que la pièce de Raoul (la quatrième), qui apparaît « essentiellement » dans sa version originelle, aurait pu être comprise de façon mystique ou religieuse. Ludwig a certainement raison, mais l'on peut se demander s'il avait remarqué la substitution des quatre derniers vers par un texte quasi-religieux. Quant à Meyer, il signale qu'il y a eu à Metz, au XIIIe siècle, tout un mouvement de littérature mystique (43).

Me : Chansonnier de Mesmes (nouveau sigle)
Bien que perdu depuis des siècles, ce manuscrit se trouve décrit en grand détail par Claude Fauchet dans son ouvrage Recueil de l’origine de la langue et poesie françoise publié en 1581. Fauchet a également laissé un cahier contenant des renseignements et citations additionnels (B.N. fr. 765) que nous avons pu consulter. Janet Espiner-Scott a publié une reconstitution partielle du chansonnier à partir des données fournies par Fauchet [12], travail qui fait valoir les rapports très nets qu'entretient Me avec le groupe KNPXV et surtout avec N. Comme l’ouvrage de Fauchet renferme plusieurs strophes de certaines chansons de Raoul (R1154, R778, R211 et R1204), il nous a paru utile de fournir une description de ce manuscrit qui a appartenu à Henri de Mesmes, seigneur de Roissy. Fauchet le décrit ainsi :

... un livre de vieilles chansons, le plus entier et curieusement receuilli d’entre celles des meilleurs maistres, que j’aye veu pour ce regard. Car il nomme 64 autheurs de chansons ... Le commencement du livre est perdu : mais la premiere chanson est cottée à la marge, Roy de Navarre.

Dans son cahier B.N.fr. 24726, il écrit :

A costé de chacune chanson escrite audit livre le nom d’autheur est mis dans un rond ... Il y a ainsi - Ci faillent les Chansons le roy Thiebault de Navarre et commencent le chansons monseigneur Gace brullé.

Comme l’a fait remarquer Espiner-Scott, les suscriptions « Ici faillent ... » se retrouvent dans le ms. N et l’ordre des auteurs est à peu près le même sans que les chansons aient été mises dans le même ordre. Les pièces attribuées étaient suivies d’une série de chansons anonymes, un certain nombre de chansons religieuses, trois lais non identifiés, le Lai de la Pastourelle (R1695, unicum de N), le Lai des hermins (R2060, unicum de N), une estampie (R474, dans I et N) et au moins un motet. La filiation avec le groupe KNPXV se montre nettement dans les quelques exemples suivants :

R209 du Chastelain de Coucy, v. 44 (manque dans N) :

MT
KLPX
Me
Si s’en esmaie cil qui atent
Si s’en esmaie et plaint cil qui atent
Si s’en esmaie et plaint cil qui attend

R742 de Blondel de Nesle, v. 8 :

MTU
KNPXV
Me
Maiz pour ce chant voirement
Maiz pour ce chant seulement
Mes pour ce chant seulement

R1880 de Thibaut de Champagne, v. 14 :

BMOPSVX
K
N
Me
Ja par amors n’amera riches hom
Ja faussement n’amera vaillanz hom
Ja faussement n’amera nus preudom
Ja faucement n’amera nus preudhom

Me, comme N, attribue toutes les chansons de Raoul, dont il y avait au moins 9, à Thierri de Soissons. Elles étaient placées entre celles de Perrin d’Angecourt et celles de Thibaut de Blason.
 


[1] Madeleine Tyssens, « Les copistes du chansonnier français U », Lyrique romane médiévale : la tradition des chansonniers, M. Tyssens éd. (Liège, Bibl. de la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université de Liège, 1991), p. 381.

[2] G. Gröber et C. von Lebinski, « Collation der Berner Liederhs. 389 », ZRP III (1868), p. 40. Voir aussi Schwan, p. 174.

[3] Quant à la notation, Gennrich signale qu'il s'agit de Quadratnotation, wie sie gegen Ende des XIII. Jahrhunderts in Nordfrankreich üblich war. F. Gennrich, « Die altfranzösische Handschrift London, British Museum, Egerton 274 », ZRP XLV (1925), p. 406.

[4] ... die Hs [macht] in der Tat infolge ihres handlichen Taschen-formats, ihrer schlichten äusseren Aufmachung ... und infolge der Spuren einer gewissen Abnützung wohl den Eindruck eines typischen "manuscrit de jongleur" wie sie Aubry benannt hat (ibid.). Gennrich ajoute que les origines des auteurs sont également très variées : la Normandie, la Picardie, les Flandres, la Champagne (p. 409). On sait cependant que la notion de manuscrit de jongleur est discutable.

[5] In I(e)su Chr(ist)i nomine anno eiusde(m) / natiuitatis millesimo ducentesi/mo quinquagesimo quarto Indic/tione duodecima die Mercurij / duodecimo Intrante Augosto.

[6] Alain Lerond, Chansons attribuées au Chastelain de Couci (Paris, PUF, 1964), p. 26.

[7] Georg Steffens, Die lieder des Troveors Perrin von Angicourt (Halle, Niemeyer Verlag, 1905), p.88.

[8] Marcia J. Epstein, "Prions en chantant": Devotional Songs of the Trouvères (Toronto, Univ. of Toronto Press, 1997), p. 8.

[9] Adelbert Keller, Romvart (Mannheim et Paris, J. Renouard, 1844), p. 244.

[10] Paul Meyer, « Notice du ms 535 de la bibliothèque municipale de Metz, renfermant diverses compositions pieuses (prose et vers) en français » dans Bulletin de la SATF XII (1886), p 41-76. Voir aussi Arthur Långfors, « Notices des manuscrits 535 de la Bibliothèque municipale de Metz et 10047 des nouvelles acquisitions du fonds français de la Bibliothèque Nationale », Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale et Autres Bibliothèques XLII (1933), p. 139ff., et l'aperçu de Paul Meyer dans Romania XV (1886), p. 474. Malgré nos recherches à l'IRHT à Paris, nous n'avons trouvé aucune trace de copies ou de transcriptions diplomatiques des chansons contenues dans ce manuscrit ; il semble que les strophes données par M. Meyer soient les seules.

[11] Friedrich Ludwig, Repertorium organorum recentioris et motetorum vetustissimi stili Bd I, 1910 (Hildesheim, G. Olms Verlagsbuchhandlung, 1964), p. 339-40.

[12] Janet G. Espiner-Scott, Documents concernant la vie et les oeuvres de Claude Fauchet (Paris, Droz, 1938), p. 264-271. Voir aussi Theodore Karp, « A Lost Medieval Chansonnier », The Musical Quarterly 48, p. 50-67 ; Gédéon Huet, Chansons de Gace Brulé (New York, Johnson Reprint Company, 1968, réimpression de l’édition de Paris, 1902), p. XXIV ; A. Wallensköld, Les chansons de Thibaut de Champagne (Paris, Champion, 1925), p. XXXVII ; Spanke, Bibliographie, p. 7.